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31/05/2016 | FRANCE | N°15PA04432

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 31 mai 2016, 15PA04432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 3 novembre 2014 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1510385/3-3 du 10 novembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M.D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée

le 9 décembre 2015, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement en date du 10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 3 novembre 2014 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1510385/3-3 du 10 novembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M.D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2015, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement en date du 10 novembre 2015 et de rejeter la requête présentée par

M.D....

Il soutient que si devant le tribunal, M. D...a prétendu ne pas avoir reçu notification de la décision en date du 25 juillet 2014 de la cour nationale du droit d'asile, il ressort clairement des mentions figurant sur l'avis postal obtenu par le préfet de police auprès de cette instance et portant accusé de réception du pli recommandé contenant la notification de ladite décision que ce pli a bien été remis à l'intéressé le 8 août 2014, comme l'atteste sa signature.

La requête a été communiquée à M. D...qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Delamarre, première conseillère.

1. Considérant que M.D..., ressortissant mauritanien, a sollicité le 7 février 2013 auprès de la préfecture de police la délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié ; que, par un arrêté du 3 novembre 2014, le préfet de police a rejeté cette demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 10 novembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés ou apatrides ou, si recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police, ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; qu'en l'absence d'une telle notification, et alors même qu'il incombe aux services de l'OFPRA ou de la CNDA d'y pourvoir, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé, comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour et lui opposer un refus de délivrance de titre de séjour ;

4. Considérant, d'autre part, que, lorsqu'un recours contre la décision de l'OFPRA a été formé devant la CNDA et que l'étranger intéressé fait valoir que la décision de cette juridiction ne lui a pas été notifiée, il incombe au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, qui a la faculté de demander à la CNDA copie de l'avis de réception de la notification de cette décision, de démontrer que celle-ci a été effectuée ;

5. Considérant que, par les pièces qu'il produit devant la Cour, le préfet de police justifie que la décision du 25 juillet 2014 par laquelle la CNDA a rejeté le recours que

M. D...avait formé contre la décision de l'OFPRA du 27 juin 2013 rejetant sa demande d'asile, a été notifiée à l'intéressé le 8 août 2014, comme en atteste la signature de ce dernier sur l'accusé de réception ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral du 3 novembre 2014 au motif qu'en l'absence d'une telle notification, M. D... bénéficiait toujours d'un droit provisoire au séjour à la date de cet arrêté ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris ;

7. Considérant que par un arrêté en date du 1er septembre 2014, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris le 5 septembre suivant, le préfet de police a donné délégation à Mme E...B..., attachée d'administration de l'Etat et adjointe au chef du 10e bureau, pour signer, dans la limite de ses attributions, tous actes en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs alors applicable, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement ; que la décision litigieuse vise notamment les articles L. 511-1, L. 314-11 8° et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, ainsi que les articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne les faits qui en constituent le fondement, et notamment les décisions successives de l'OFPRA et de la CNDA refusant la reconnaissance du statut de réfugié ; que cette décision répond ainsi aux exigences de motivation posées par la loi du 11 juillet 1979 ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du préfet doit être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D...ait sollicité, sans réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision litigieuse ; que, dans ces conditions, le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'il est notamment consacré par le droit de l'Union, n'a pas été méconnu ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " ; que si M. D...soutient qu'il vit en France depuis plusieurs années et qu'il a noué des relations amicales, sociales et humaines importantes, il n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité de telles affirmations ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce et, notamment, des conditions de séjour en France de l'intéressé qui n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, la décision contestée du préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que la décision fixant le pays de destination vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en particulier les dispositions de l'article L. 511-1 qui prévoient que l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ; que cette décision mentionne également la nationalité du requérant et vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prohibe l'éloignement de tout étranger à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacés ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

13. Considérant enfin qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

14. Considérant que M. D...soutient que son retour en Mauritanie l'exposerait à des traitements contraires aux stipulations précitées en raison de son appartenance à l'ethnie peulh et de son origine négro-mauritanienne ; que, toutefois, il ne présente aucune pièce ni aucune justification au soutien de ces affirmations ; qu'en outre, et comme il a été dit, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté ; que, pour les mêmes raisons, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par

M. D...aux fins d'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2014, doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1510385/3-3 du 10 novembre 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 19 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Polizzi, président assesseur,

- MmeC..., première conseillère,

- Mme Delamarre, première conseillère.

Lu en audience publique, le 31 mai 2016

La rapporteure,

A-L. DELAMARRELe président,

F.POLIZZI

Le greffier,

E.MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA04432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04432
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POLIZZI
Rapporteur ?: Mme Anne Laure DELAMARRE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-31;15pa04432 ?
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