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27/05/2016 | FRANCE | N°14PA02371,15PA01822

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 27 mai 2016, 14PA02371,15PA01822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Locamat TP a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers qui lui ont été assignés au titre des années 2008 et 2009, ainsi que la décharge des pénalités et de l'amende fiscale de 50 % qui lui ont été infligées.

Par un jugement n

1300532 du 8 avril 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française a prononcé la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Locamat TP a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers qui lui ont été assignés au titre des années 2008 et 2009, ainsi que la décharge des pénalités et de l'amende fiscale de 50 % qui lui ont été infligées.

Par un jugement n° 1300532 du 8 avril 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française a prononcé la décharge de la pénalité pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assortis ces suppléments d'impôt et rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Locamat TP.

II - L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Locamat TP a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2008 et 2009, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400428 du 24 mars 2015, le Tribunal administratif de la

Polynésie française a rejeté la requête de la société Locamat TP.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête enregistrée le 21 mai 2014 par télécopie et régularisée le 27 mai 2014 sous le n° 14PA02371 et un mémoire complémentaire enregistré le 2 septembre 2015, la

société Locamat TP, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300532 du 8 avril 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie, des pénalités correspondantes et de l'amende fiscale de 50 % ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission des impôts a reconnu dans son avis du 2 octobre 2012 l'existence du matériel litigieux ; l'administration fonde ses redressements sur le caractère fictif des factures qui ne correspondraient pas à une livraison réelle ; les redressements étant fondés sur une appréciation contraire à l'avis de la commission, l'administration était tenue de mettre en oeuvre la procédure d'arbitrage présidentiel prévue par l'article 433-6 du code des impôts de la Polynésie française ; dès lors, la procédure de vérification est entachée de nullité ;

- il appartient à l'administration de démontrer le caractère fictif et l'absence de livraison réelle d'un bien neuf ; le caractère fictif des ventes facturées implique nécessairement l'inexistence du matériel ; les constats d'huissier produits permettent d'établir l'existence physique du matériel vendu ;

- le fournisseur, qui a commis une erreur d'identification entre deux sociétés du même groupe, l'EURL Locamat TP et la SARL Locamat, a corrigé cette erreur en établissant des factures d'avoir pour annuler l'opération ; de nouvelles factures ont été émises au profit de l'acquéreur réel, l'EURL Locamat TP, qui a ensuite revendu le matériel aux SNC métropolitaines ; ces erreurs de traitement comptable n'avaient pas pour objet ou pour effet d'éluder l'impôt ; cette argumentation a été admise par l'administration dans le cadre de la procédure de redressement engagée à l'encontre de la SARL Locamat, qui a abouti à un abandon des redressements ;

- le paiement a été effectué par compensation entre le crédit-vendeur et la créance de loyer ; ce mode de paiement, dont l'existence n'est pas contestée, explique l'absence de flux financier ;

- les loyers déduits constituent la contrepartie effective de la mise à disposition du matériel dans le cadre d'un contrat de location ; le matériel en possession de la société Locamat est utilisé pour son activité de loueur d'engins ; les charges, qui ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, sont justifiées dans leur montant et dans leur principe ;

- il appartient à l'administration de démontrer que l'opération à l'origine du redressement implique une sortie en valeur ou en argent du patrimoine de la société ; une opération fictive, qui n'entraîne par définition aucun flux financier ou transfert de propriété, n'emporte aucun désinvestissement ;

- ce n'est que postérieurement au jugement rendu par le tribunal administratif et concomitamment à l'introduction de la requête qu'un dégrèvement a été accordé concernant la majoration pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assorties les impositions autres que la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la preuve de l'existence du matériel a été apportée, ainsi que l'a indiqué la commission des impôts ; les ventes mentionnées sur les factures litigieuses ont donné lieu à des livraisons de biens et un paiement par compensation est intervenu ; elle n'a commis aucun des manquements visés par l'article LP 511-12 du code des impôts de la Polynésie française ; dès lors que la

Polynésie prétend que les factures n'ont pas fait l'objet d'un règlement effectif, c'est à tort qu'elle a retenu comme assiette de l'amende fiscale le montant facturé au titre des ventes ; l'application de cette amende fiscale, qui se cumule avec une majoration pour manoeuvres frauduleuses ayant une cause identique, contrevient au principe de nécessité et de proportionnalité des peines.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2015, la Polynésie française, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge de la pénalité pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers assignés à la société au titre des années 2008 et 2009, le tribunal ayant prononcé la décharge de cette pénalité.

II - Par une requête enregistrée le 5 mai 2015 sous le n° 15PA01822, la

société Locamat TP, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400428 du 24 mars 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission des impôts a reconnu dans son avis du 2 octobre 2012 l'existence du matériel litigieux ; l'administration fonde ses redressements sur le caractère fictif des factures qui ne correspondraient pas à une livraison réelle ; les redressements étant fondés sur une appréciation contraire à l'avis de la commission, l'administration était tenue de mettre en oeuvre la procédure d'arbitrage présidentielle prévue par l'article 433-6 du code des impôts de la Polynésie française ; dès lors, la procédure de vérification est entachée de nullité ;

- il appartient à l'administration de démontrer le caractère fictif et l'absence de livraison réelle d'un bien neuf ; le caractère fictif des ventes facturées implique nécessairement l'inexistence du matériel ; les constats d'huissier produits permettent d'établir l'existence physique du matériel vendu ;

- le fournisseur, qui a commis une erreur d'identification entre deux sociétés du même groupe, l'EURL Locamat TP et la SARL Locamat, a corrigé cette erreur en établissant des factures d'avoir pour annuler l'opération ; de nouvelles factures ont été émises au profit de l'acquéreur réel, l'EURL Locamat TP, qui a ensuite revendu le matériel aux SNC métropolitaines ; ces erreurs de traitement comptable n'avaient pas pour objet ou pour effet d'éluder l'impôt ; cette argumentation a été admise par l'administration dans le cadre de la procédure de redressement engagée à l'encontre de la SARL Locamat, qui a abouti à un abandon des redressements ;

- le paiement a été effectué par compensation entre le crédit-vendeur et la créance de loyer ; ce mode de paiement, dont l'existence n'est pas contestée, explique l'absence de flux financier ;

- la pénalité pour manoeuvres frauduleuses n'est pas motivée au sens de la loi du

11 juillet 1979 ; la volonté d'éluder l'impôt n'est pas établie.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2015, la Polynésie française, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant que les requêtes susvisées nos 14PA02371 et 15PA01822 présentent à juger des questions se rattachant aux mêmes opérations et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que la société Locamat TP, qui a pour activité la location de matériel de construction avec opérateurs, a signé le 1er décembre 2008, dans le cadre d'opérations de défiscalisation des investissements outre-mer, une convention prévoyant la cession à la SNC

Invest OM 239 d'un chariot élévateur Ausa et d'un rouleau vibrant ; que ces biens ont fait l'objet le même jour d'un bon de commande auprès de la société Intermat mentionnant un montant hors taxes de 8 681 275 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 1 295 692 francs CFP ; que selon les stipulations d'un contrat de location signé le 1er décembre 2008, la SNC Invest OM 239 a mis ces biens à la disposition de la société Locamat TP pour une durée de cinq ans ; que la

société Locamat TP a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2008 à 2010 au cours de laquelle elle a déclaré avoir revendu à une autre société de portage d'investissements, la SNC Invest OM 238, un brise roche Kwang, un tombereau mécanique, un groupe pneumatique Sullair, un tracteur Kioti, un gyrobroyeur Fieldmaster et un groupe électrogène, qu'elle avait elle-même acquis en 2008 auprès de la société Intermat pour un montant hors taxes de 14 674 430 francs CFP ; que l'administration, qui a estimé que les factures établies le

3 novembre 2008 et le 1er décembre 2008 par la société Intermat pour la fourniture de ces biens présentaient un caractère fictif, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat des biens, ainsi que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux loyers dus aux SNC ; que lors de ce contrôle, l'administration a en outre réintégré dans le résultat imposable de la société Locamat TP les charges correspondant aux loyers dus aux SNC et aux achats de biens facturés par la société Intermat ; que, par une notification de redressements du

21 novembre 2011, l'administration a en conséquence notifié à la société Locamat TP, suivant une procédure de redressement contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 à 2010 ; que l'administration a également notifié des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers, à raison des sommes réputées distribuées à la suite des rehaussements d'impôt sur les sociétés ; que l'administration ayant abandonné dans sa réponse aux observations du contribuable les rehaussements liés à la réintégration au résultat imposable des montants mentionnés sur les factures d'achat de biens, les rehaussements maintenus ne portent que sur les années 2008 et 2009 ; que la société Locamat TP relève appel du jugement du 8 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a prononcé la décharge de la pénalité pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assorties les impositions supplémentaires autres que la taxe sur la valeur ajoutée et rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge de ces impositions et de l'amende fiscale de 50 % ; qu'elle relève également appel du jugement du 24 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la suite de ce contrôle ;

Sur la recevabilité :

3. Considérant que l'article 1er du jugement du 8 avril 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie française prononce la décharge de la pénalité pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers assignés à la société Locamat TP au titre des années 2008 et 2009 ; que la société Locamat TP n'a pas à intérêt à agir contre le jugement attaqué en tant qu'il lui donne, dans cette mesure, satisfaction ; que dès lors, les conclusions tendant à la décharge de ladite pénalité ne sont pas recevables ;

Sur la procédure d'imposition :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 433-6 du code des impôts de la

Polynésie française, alors en vigueur : " Saisie dans le cadre de la procédure de redressement prévue à l'article LP. 421-1-2, la commission émet un avis qui ne lie pas l'administration. Cependant, dans le cas où la direction des impôts et des contributions publiques établit une imposition ou effectue un redressement sur la base d'une appréciation contraire à l'avis de la commission, il a l'obligation, avant la mise en recouvrement, sous peine de nullité de la procédure de vérification, de transmettre le dossier, pour décision, au Président de la Polynésie française ou à son délégataire. (...) " ;

5. Considérant que la société requérante soutient que l'appréciation de l'administration, qui a fondé ses rehaussements sur le caractère fictif de factures ne correspondant pas à des livraisons réelles, était contraire à l'avis de la commission qui reconnaissait l'existence des matériels litigieux, de sorte que la procédure prévue par l'article 433-6 du code des impôts de la Polynésie française aurait dû être mise en oeuvre ; qu'il ressort toutefois des termes de la notification de redressements du 21 novembre 2011 que les rehaussements ne sont pas fondés sur la constatation de l'inexistence des matériels chez le locataire mais sur le caractère fictif des factures établies par la

société Intermat ; que si la commission des impôts, dans son avis du 4 septembre 2012, indique que les constats d'huissier permettent de conclure à l'existence des matériels, il est précisé dans ce même avis que " les biens n'étant pas clairement identifiables dans les contrats de location, (...) il est difficile d'établir un lien avec les constats d'huissier " ; qu'ainsi, l'avis de la commission ne s'écarte pas de la position de l'administration lorsqu'il constate l'impossibilité d'établir la réalité des opérations censées être financées dans le cadre du dispositif de défiscalisation ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

6. Considérant qu'aux termes de l'article LP 113-4 du code des impôts de la

Polynésie française : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges exposées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu et dans le cadre de la gestion de l'entreprise, à condition qu'elles soient effectives et justifiées, notamment : / 1 - Les frais généraux (...) " ;

7. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article LP 113-4 du code des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

8. Considérant que, lors de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, la société requérante a présenté une facture établie le 3 novembre 2008 par la société Intermat mentionnant la cession d'un brise roche Kwang, d'un tombereau mécanique, d'un groupe pneumatique Sullair, d'un tracteur Kioti, d'un gyrobroyeur Fieldmaster et d'un groupe électrogène, ainsi qu'une facture établie le 1er décembre 2008 par la société Intermat mentionnant la cession d'un chariot élévateur Ausa et d'un rouleau vibrant ; que, selon les déclarations de la société, ces biens, une fois revendus aux SNC métropolitaines dans le cadre du dispositif de défiscalisation, ont été mis à sa disposition en vertu d'un contrat de location ; que l'administration, pour réintégrer dans le résultat imposable les frais correspondant aux loyers dus aux SNC métropolitaines, relève que la société Locamat TP ne produit aucun document d'expédition des biens loués et ne justifie pas de l'existence d'un flux financier relatif à leur acquisition ; que les pièces produites par la société requérante, à savoir différents contrats signés le 1er décembre 2008 et un document intitulé " procès-verbal de livraison et de prise en charge " daté du même jour, ne donnent aucune indication précise sur les modalités de livraison des biens ; que les attestations de règlement d'échéance fournies, qui sont établies par les parties contractantes elles-mêmes et ne sont accompagnées d'aucun justificatif bancaire probant, ne suffisent pas à établir la réalité des versements qu'elles mentionnent ; que si la société requérante, qui ne produit aucun document contractuel concernant les biens facturés le 3 novembre 2008, soutient que le paiement effectué par compensation entre le crédit-vendeur et la créance de loyer explique l'absence de flux financier, il ressort des mentions du bon de commande établi par la société Intermat le 1er décembre 2008 qu'une partie du prix, à concurrence d'un montant de 3 900 074 euros, devait être acquitté par " apport en cash par chèque et par virement bancaire " ; qu'à cet égard, la Polynésie française n'est pas sérieusement contredite lorsqu'elle indique que, dans ce type d'opérations de défiscalisation, les investisseurs métropolitains doivent rétrocéder aux SNC une partie du crédit d'impôt obtenu qui représente environ 30 % de la valeur du bien ; qu'ainsi, le crédit-vendeur dont fait état la société requérante ne finance qu'une partie des investissements ; que les photographies contenues dans les constats d'huissier ne permettent pas de vérifier si les biens photographiés correspondent à ceux qui ont fait l'objet des factures établies par la société Intermat, celles-ci ne mentionnant aucun numéro d'identification ; qu'à défaut de justificatif probant qui permettrait d'établir la réalité des opérations d'achat revente de biens en vue de leur location à la société Locamat TP, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les loyers facturés par les SNC Invest OM 238 et Invest OM 239 étaient dépourvus de contrepartie ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé à la réintégration des charges de loyer dans le résultat imposable de la société Locamat TP ;

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et la contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 171-1 du code des impôts de la

Polynésie française : " L'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers s'applique : (...) 9°) aux revenus distribués par les personnes morales visées aux 1°) et 2°), dans les conditions suivantes : / a) tous les bénéfices ou produits de ces personnes morales qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / b) toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 172-1 du même code, alors en vigueur : " Le revenu est déterminé : / (...) 7° Pour l'application du 9° de l'article 171-1, les sommes imposables sont déterminées par la comparaison du total des postes de capital, de réserves et de résultat figurant au bilan de clôture de la période d'imposition avec le total des mêmes postes figurant au bilan de clôture de la période précédente. / (...) Tout redressement de bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera pris en compte au titre de la même période pour le calcul des revenus distribués, dans la mesure où les sommes correspondantes ne sont pas restées investies dans l'entreprise ; (...) " ; que l'article 173-1 du même code dispose : " Le montant de l'impôt est avancé sauf leur recours par les sociétés, compagnies, entreprises, communes ou établissements publics. " ; qu'en vertu des articles 196-1 et 196-2 du même code, les revenus soumis à l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers supportent une contribution de solidarité territoriale qui est régie par les même dispositions, à l'exception de celles relatives aux taux ;

10. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 8, que les sommes déduites au titre de loyers dus aux SNC Invest OM 238 et Invest OM 239 correspondaient à des charges dépourvues de contrepartie ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le caractère fictif des opérations en cause ne fait pas obstacle à l'existence d'une distribution, la réintégration des charges de loyer ayant donné lieu à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et en 2009 ; que dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant que les sommes indûment déduites du résultat imposable ne sont pas demeurées investies dans l'entreprise et constituent, par voie de conséquence, des revenus distribués au sens du 9° de l'article 171-1 du code des impôts de la Polynésie française ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la

Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation. (...) " ; que l'article 345-10 du même code dispose : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures. " ; qu'aux termes de l'article 345-15 du même code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / - lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur ; (...) " ;

12. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités du code des impôts de la Polynésie française, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

13. Considérant qu'il est constant que les biens en litige ont été facturés par la société Intermat, société régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration, pour refuser à la société Locamat TP le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures de la société Intermat, fait valoir qu'elle a procédé à une vérification de comptabilité de la société Intermat portant sur les années 2008 à 2010 au cours de laquelle cette société n'a pu présenter aucun élément comptable probant ; que l'administration relève en outre que les factures de la société Intermat ont été émises dans le cadre d'opérations de défiscalisation gérées par la société Sofipac et que cette dernière est impliquée dans un système de fausses factures et de détournement des crédits d'impôts prévus par le dispositif de défiscalisation " Girardin " ; qu'il résulte de l'instruction que le mécanisme de fraude mis en place par la société Sofipac a été porté à la connaissance du Procureur de la République de Papeete qui a ouvert le 12 juillet 2010 une information judiciaire pour des faits notamment d'usage de faux en écritures privées et d'escroquerie en bande organisée ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant des éléments suffisants de nature à mettre en cause la réalité des livraisons de biens facturées par la société Intermat ; que les pièces produites par la société requérante, à savoir différents contrats signés le 1er décembre 2008 et un document intitulé " procès-verbal de livraison et de prise en charge " daté du même jour, ne donnent aucune indication précise sur les modalités de livraison des biens ; que les attestations de règlement d'échéance fournies, qui sont établies par les parties contractantes elles-mêmes et ne sont accompagnées d'aucun justificatif bancaire probant, ne suffisent pas à établir la réalité des versements en cause ; que les photographies contenues dans les constats d'huissier ne permettent pas de vérifier si les biens photographiés correspondent à ceux qui ont fait l'objet des factures établies par la société Intermat, celles-ci ne mentionnant aucun numéro d'identification ; qu'ainsi, la société requérante n'apporte pas de justifications suffisantes de la réalité des livraisons de biens facturées ; que, par suite, l'administration était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures établies par la société Intermat ; qu'eu égard à ce qui précède, les loyers facturés par les SNC Invest OM 238 et Invest OM 239 doivent être regardés comme ne correspondant pas à une prestation effective de mise à disposition de biens ; que dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces loyers ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la pénalité pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

14. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 511-5 du code des impôts de la

Polynésie française alors en vigueur : " Lorsque la déclaration mentionnée à l'article LP. 511-4 fait apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'un des impôts prévus au code des impôts insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 511-1 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie, ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses. " ; que l'article 511-17 du même code dispose : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance susvisée du 8 juillet 1998 : " En cas de contestation des pénalités appliquées à un contribuable au titre des impôts directs et des taxes assimilées, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;

15. Considérant en premier lieu, que pour justifier l'application de la pénalité de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française, l'administration, dans sa notification de redressements du 21 novembre 2011, a indiqué que les factures successives émises pour les mêmes opérations ne correspondaient pas à la livraison réelle de biens neufs mais avaient été établies uniquement dans le but de procéder à un montage destiné à faire bénéficier les différents intervenants des crédits d'impôt prévus par le dispositif de défiscalisation " Girardin " et d'obtenir un remboursement injustifié de taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration a, ce faisant, suffisamment motivé l'application de la pénalité en litige ;

16. Considérant, en second lieu, que l'administration, en se fondant sur les faits exposés au point 13, qui établissent que la société Locamat TP a activement participé, dans le cadre d'un dispositif de défiscalisation, à un montage destiné à créer l'apparence d'une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée afin d'obtenir le remboursement de la taxe facturée par la société Intermat, apporte la preuve, qui lui incombe, que la société Locamat TP a eu recours à des procédés destinés à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle et justifiant par conséquent l'application de la pénalité de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses ;

En ce qui concerne l'amende fiscale de 50 % :

17. Considérant qu'aux termes de l'article LP 511-12 du code des impôts de la

Polynésie française, dans sa rédaction applicable à la date des infractions : " Les personnes qui, à l'occasion de l'exercice d'une activité professionnelle (...) délivrent une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de services réelle, sont passibles d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre des opérations concernées " ;

18. Considérant que l'administration a infligé à la société Locamat TP au titre de l'année 2008 une amende fiscale égale à 50 % du montant cumulé des factures que cette société a émises les 3 novembre 2008 et 1er décembre 2008 au titre de la revente des biens aux SNC métropolitaines ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué par la Polynésie française qu'un versement aurait été reçu en paiement de ces factures ; qu'en l'absence de règlement et par voie de conséquence d'assiette, l'amende prévue par les dispositions précitées n'était pas applicable ; que par suite, la société requérante est fondée à en demander la décharge ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Locamat TP est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française ne lui a pas accordé la décharge de l'amende de 13 465 845 francs CFP qui lui avait été infligée au titre de l'année 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Locamat TP, qui n'est pas dans l'instance n° 14PA02371 la partie perdante, la somme que la Polynésie française demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à la société Locamat TP d'une somme au titre des frais de même nature que celle-ci a exposés ;

21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans l'instance

n° 15PA01822 la partie perdante, la somme que la société Locamat TP demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Locamat TP le versement à la Polynésie française d'une somme au titre des frais de même nature que celle-ci a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La société Locamat TP est déchargée de l'amende de 13 465 845 francs CFP au titre de l'année 2008.

Article 2 : Le jugement n° 1300532 du 8 avril 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes d'appel de la société Locamat TP est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Locamat TP et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Mosser, président de la formation de jugement,

- M. Boissy, premier conseiller,

- M. Cheylan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mai 2016.

Le rapporteur,

F. CHEYLANLe président,

G. MOSSERLe greffier,

A-L. PINTEAU

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 14PA02371, 15PA01822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02371,15PA01822
Date de la décision : 27/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SELARL JURISPOL ; SELARL JURISPOL ; GROUPAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-27;14pa02371.15pa01822 ?
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