Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société VINI a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge de la retenue à la source versée pour les mois de janvier 2010 à octobre 2012, pour un montant total de 182 550 652 F CFP.
Par un jugement n° 1300505 du 22 avril 2014, le Tribunal administratif de la
Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2014, la société VINI, représentée par le cabinet Archers, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300505 du 22 avril 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de prononcer la décharge de la retenue à la source versée pour les mois de janvier 2010 à octobre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité pour défaut de réponse à un moyen et insuffisance de motivation ;
- les redevances perçues doivent être qualifiées de rémunération de droits voisins aux droits d'auteur lesquels n'entrent pas dans le champ d'application de l'article LP. 197-1 du code des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2015, le Gouvernement de la
Polynésie française, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société VINI sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la compétence du signataire de la décision de rejet de la réclamation contentieuse est inopérant ;
- les redevances perçues entraînent le simple droit de commercialiser les chaînes de télévision et sont imposables à la source en application de l'article LP 197-1 du code des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision rejetant la demande préalable ;
- le code des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société VINI, venant aux droits de la société Tahiti Nui Satellite à la suite de la fusion-absorption intervenue le 20 avril 2013, et qui a pour objet notamment la réalisation, l'étude, la gestion, l'exploitation et la commercialisation d'un bouquet de chaînes audiovisuelles diffusé en mode numérique par satellite à des abonnés polynésiens, a demandé le remboursement des retenues à la source qu'elle considérait comme ayant été indûment calculées sur les redevances payées entre le mois de janvier 2010 et le mois d'octobre 2012 soit un montant total de 182 550 652 F CFP ; que sa réclamation contentieuse a été rejetée par une décision du
12 juin 2013 ; qu'elle relève appel du jugement en date du 22 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que les vices qui peuvent entacher la décision par laquelle le Président de la Polynésie française rejette la réclamation dont il est saisi par un contribuable sont sans influence sur la régularité ou sur le bien-fondé des impositions contestées ; qu'ainsi était inopérant le moyen tiré par la société VINI de ce que la décision de rejet de sa réclamation aurait été signée par une autorité incompétente, et ainsi sans qu'elle puisse utilement soutenir qu'elle a été privée du recours hiérarchique, ni en conséquence d'un droit fondamental de la défense du contribuable ; que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à un moyen inopérant, n'a pas entaché sa décision d'irrégularité de ce chef ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal a répondu au moyen soulevé par la requérante tiré de ce que les droits de mise à disposition d'un programme et de diffusion étaient des droits voisins des droits d'auteur et relevaient par conséquence de la propriété littéraire et artistique et non de la propriété industrielle et commerciale ; que, par suite, il n'a pas entaché sa décision d'irrégularité pour défaut de motivation ;
Sur les conclusions en décharge :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 197-1 du code des impôts dans sa version alors en vigueur : " Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur exerçant une activité en Polynésie française à des personnes ou des sociétés qui n'ont pas dans ce territoire d'installation professionnelle permanente : a) les produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte des termes des contrats produits en défense conclus par la
société VINI avec plusieurs chaînes de télévision qu'ils avaient pour objet de commercialiser des chaînes au sein d'un bouquet et d'en assurer la réception auprès des abonnés ; que les chaînes de télévision étaient ainsi mises à disposition et leur diffusion était autorisée, moyennant le versement d'une redevance ; que, par ailleurs, il résulte encore des termes mêmes des contrats produits en défense que " chacune des parties autorise l'autre à utiliser, à titre gracieux, les éléments de propriété intellectuelle (nom commercial, marques, logos) tels qu'elle les aura transmis à l'autre partie, nécessaires à la promotion de la chaîne au sein du bouquet du distributeur " ; qu'ainsi, les redevances versées étaient la contrepartie de la commercialisation des chaînes bénéficiant d'un droit de propriété intellectuelle ; que, d'une part, si la société VINI se prévaut de l'abrogation du b/ de l'article 197-1 du code des impôts à la date à laquelle ont été opérés les prélèvements à la source, les dispositions antérieures de cet article ne visaient toutefois pas les droits assimilés aux droits d'auteur mais uniquement les droits d'auteurs ; qu'ainsi, en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la société VINI, cette abrogation n'a pas eu pour effet d'exclure les droits voisins du droit d'auteur des dispositions relatives au prélèvement à la source ; que, d'autre part, dès lors que le code de la propriété intellectuelle n'est pas applicable en Polynésie française, ses dispositions ne permettent ainsi pas d'éclairer le contenu des droits de propriété industrielle ou commerciale et droits assimilés qui donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur exerçant une activité en Polynésie française à des personnes ou des sociétés qui n'ont pas dans ce territoire d'installation professionnelle permanente, tel que prévu par l'article 197-1 précité ; qu'il résulte du rapport présenté à la commission permanente de l'assemblée de la Polynésie française lors de la modification adoptée en 1998 de l'article 197-1 du code des impôts, qui a eu pour objet de " supprimer la retenue à la source pour les droits d'auteur perçus par les écrivains et compositeurs ", que " la création d'une retenue à la source depuis le 1er janvier 1997 a mis fin à la situation de concurrence déloyale de certaines personnes qui jusqu'alors tiraient profit de leurs droits de propriété industrielle ou de leur activité en Polynésie sans supporter d'impôt faute d'installation professionnelle permanente " et que " le champ d'application de la retenue à la source a été élargi depuis le 1er janvier 1998 à tous les prestataires de services extérieurs à la Polynésie française " ; qu'ainsi, les droits assimilés, au sens de l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, doivent être entendus sans se référer au sens précis donné par le code de la propriété industrielle ; que dès lors, le droit qui a été accordé à la société VINI de commercialiser les chaînes de télévision mises à sa disposition doit être regardé comme un droit assimilé au sens de l'article 197-1 du code des impôts précité, et ce, sans que la société VINI ne puisse utilement se prévaloir des règles applicables en métropole en matière de propriété intellectuelle, industrielle ou commerciale ; que, par suite, les redevances perçues relevaient bien de l'article 197-1 du code des impôts précité ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société VINI n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, et a fortiori l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société VINI demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société VINI une somme de 1 000 euros à verser à la Polynésie française sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société VINI est rejetée.
Article 2 : La société VINI versera à la Polynésie française une somme de 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société VINI et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 mai 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03292