La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2016 | FRANCE | N°15PA03124

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 mai 2016, 15PA03124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 octobre 2014 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 1

00 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1428238 du 30 juin 2015, le Tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 octobre 2014 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1428238 du 30 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 28 octobre 2014 et enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de Mme B...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2015 le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de MmeB....

Il soutient que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal les pièces produites par la requérante ne suffisent pas à établir que Mme B...résiderait de manière continue et habituelle en France depuis plus de dix ans à la date d'intervention de la décision attaquée ni par suite qu'il aurait dû préalablement saisir la commission du titre de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2015 Mme B...représentée par Me A...demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que

- la requête du préfet de police est tardive ayant été enregistrée le 3 août 2015 alors que le jugement frappé d'appel avait été notifié le 2 juillet 2015 ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Labetoulle a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme B..., ressortissante thaïlandaise née le 27 mars 1970, qui dit être entrée en France en 1999, s'est vu opposer un refus à sa demande d'asile territorial par décision de l'OFPRA du 15 octobre 2002 ; que le préfet de police a pris le 5 novembre 2003 à son encontre un arrêté portant reconduite à la frontière dont elle a saisi le Tribunal administratif de Paris ; que par jugement du 23 décembre 2004 confirmé par arrêt de la Cour de céans du 16 décembre 2006 le tribunal administratif a rejeté sa requête ; qu'elle a ensuite sollicité le 16 octobre 2014 du préfet de police la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 28 octobre 2014, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination ; que saisi par Mme B...D...administratif de Paris a annulé cet arrêté par jugement du 30 juin 2015 dont le préfet de police interjette appel ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par MmeB... :

2. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que le jugement du tribunal administratif, en date du 30 juin 2015, a été notifié au préfet de police le 2 juillet suivant ; que le délai d'appel d'un mois expirait donc le 3 août 2015 ; que la requête ayant été présentée à cette date n'est par suite pas tardive ; que la fin de non-recevoir doit dès lors être écartée ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans. " ;

4. Considérant que Mme B... indique être entrée dans l'espace Schengen le 16 mai 1999 et en France quelques mois plus tard ; que pour justifier de la réalité de sa résidence en France au cours des dix années ayant précédé l'intervention de la décision attaquée elle produit pour chaque année depuis 2004 principalement des documents relatifs à sa carte de solidarité Transport et à son admission à l'aide médicale d'Etat ainsi que, à partir de l'année 2005, deux à trois ordonnances médicales par an ; que de tels documents, alors surtout que l'octroi d'une carte solidarité transport n'implique pas qu'elle ait été présente en France, ne suffisent pas à établir la réalité de sa résidence habituelle sur le territoire français pendant les années concernées ; que les courriers du Tribunal administratif de Paris et de la Cour administrative d'appel reçus en 2004 n'attestent pas qu'elle était alors présente en France alors surtout qu'elle n'a pas assisté auxdites audiences, ainsi qu'il ressort des mentions du jugement et de l'arrêt, qui font foi jusqu'à preuve du contraire ; que de même si elle produit un document bancaire par an à compter de 2011, soit en tout état de cause pour une durée insuffisante, il ne ressort pas de cet unique document annuel qu'elle se livrerait sur son compte aux opérations régulières seules de nature à établir une résidence habituelle ; qu'enfin si elle justifie avoir procédé au renouvellement de son passeport à l'ambassade de Thaïlande à Paris en 2004 et 2009 ces documents peuvent tout au plus attester d'une présence ponctuelle en France au cours des deux années en cause mais non d'une présence habituelle sur le territoire ; que les documents produits ne suffisant pas à justifier de la présence habituelle de Mme B...sur le territoire depuis plus de 10 ans à la date de la décision attaquée, le préfet de police n'était pas tenu en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur la demande de titre de l'intéressée ; qu'il est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 28 octobre 2014 ;

5. Considérant que saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés dans le cadre de la première instance ;

6. Considérant que le préfet de police dans sa décision attaquée rappelle les circonstances propres à la situation de MmeB... ; que celle-ci n'est par suite pas fondée à soutenir qu'il n'aurait pas été procédé à un examen particulier de sa situation ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; qu'il est constant que Mme B...est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et n'y justifie pas d'autres attaches que la personne qui l'héberge, Mme C...B..., qu'elle présente comme sa tante mais dont la réalité du lien familial est contredite par les pièces du dossier ; que la requérante n'établit ni n'allègue par ailleurs avoir tissé des liens affectifs ou sociaux sur le territoire français, ni avoir une vie professionnelle, ou être intégrée dans la société française ; qu'elle ne justifie pas davantage de sa maitrise du français ; qu'il résulte par ailleurs de ce qui a été dit au point 4 qu'elle n'établit pas résider en France depuis quinze ans comme elle le soutient ; qu'elle n'est par suite pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ou méconnaitrait les dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou, en tout état de cause, le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris annulant son arrêté du 28 octobre 2014 ;

Sur les conclusions à fins d'injonction présentées par Mme B...devant la Cour :

9. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fins d'injonction présentées par Mme B...devant la Cour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mme B...la somme qu'elle demande devant la Cour au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1428238 du 30 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2: La demande de Mme B...présentée devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Mme B...devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à MmeB....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2016

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLELe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 15PA03124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03124
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : LAM

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-10;15pa03124 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award