La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2016 | FRANCE | N°15PA02357

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 09 mai 2016, 15PA02357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2014 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1411229/6-1 du 15 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire de production de pièce

s, enregistrés le 15 et le 22 juin 2015, ainsi qu'un mémoire de production de pièces, enregistré ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2014 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1411229/6-1 du 15 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire de production de pièces, enregistrés le 15 et le 22 juin 2015, ainsi qu'un mémoire de production de pièces, enregistré le 5 avril 2016, lequel n'a pas été communiqué, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1411229/6-1 du 15 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été prise à l'issue d'un examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire.

La requête a été communiquée le 9 juillet 2015 au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant chinois, a fait l'objet le 4 juillet 2014 d'un arrêté par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 15 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / [...] ".

3. M. A...ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Dans ces conditions, M. A...entrait bien dans le champ d'application des dispositions précitées sur le fondement desquelles le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire.

4. En deuxième lieu, la décision en litige, qui vise les dispositions du 1° du I ainsi que celle du f) du 3° du II de l'article L. 511, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ainsi que la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et mentionne que M. A...ne justifie pas être entré en France sous couvert des documents requis à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a été procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle et qu'il n'a pas été porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui la fondent et doit être regardée comme suffisamment motivée. Dès lors, le moyen invoqué doit être écarté comme manquant en fait.

5. En troisième lieu, M. A...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer dans ce code l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français.

6. En revanche, M. A...peut utilement invoquer les articles 41 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et soutenir que son droit d'être entendu dans toute procédure a été méconnu.

7. D'une part, lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne. Il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration. Parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

8. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne peut procéder d'office à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un étranger avant l'expiration du délai prévu par ces dispositions, ni avant que le tribunal administratif éventuellement saisi n'ait statué, ce qui met l'intéressé en mesure de faire valoir son point de vue avant que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne soit susceptible de l'affecter défavorablement par une telle exécution.

9. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du procès-verbal d'audition du 4 juillet 2014, que M.A..., qui se maintenait en toute connaissance de cause irrégulièrement en France et qui n'était pas sans ignorer qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, a été entendu, préalablement à la mesure d'éloignement, assisté d'un interprète en langue mandarin qu'il comprenait et a été en mesure de présenter toutes observations utiles concernant sa situation personnelle. Il n'est pas allégué ni même établi que M. A...disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne fût prise la mesure d'éloignement qu'il conteste. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait fait état devant les premiers juges de circonstances de droit ou de fait qui, si elles avaient été communiquées au préfet du Val-de-Marne avant à la signature de l'arrêté, auraient pu conduire ce dernier à retenir une appréciation différente des faits de l'espèce. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été effectivement privé de son droit d'être entendu avant l'adoption d'une décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire national aurait été prise en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté comme manquant en fait.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Si M. A...fait valoir qu'il réside depuis 2001 sur le territoire français aux côtés de son épouse, titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités slovaques, il ressort des pièces du dossier que son épouse est de nationalité chinoise et que le couple est sans charge de famille en France. En outre, le requérant n'établit ni la réalité ni l'ancienneté de son insertion professionnelle en France. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val-de-Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

Sur les conclusions dirigées contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification [...].. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / [...] : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / [...] ; / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / [...] ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4,

L. 561-1 et L. 561-2. / [...] ".

13. D'une part, la décision contesté vise, notamment, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'en ne déclarant pas le lieu de sa résidence effective ou permanente, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. L'arrêté, qui n'avait pas à mentionner d'éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, comporte ainsi l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire à M.A.... Dès lors, le moyen invoqué doit être écarté.

14. D'autre part, le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé, notamment, au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et défini par la Cour de justice de l'Union européenne, n'implique pas, pour l'administration, d'organiser systématiquement, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents, qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie. Il est constant que M. A...a été auditionné par les services de police le 4 juillet 2014 et qu'il a pu présenter, au cours de cette audition, des observations orales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents, notamment, relatifs au lieu de sa résidence, alors qu'il a déclaré lors de cet entretien être sans domicile fixe. Par suite, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

3

N° 15PA02357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02357
Date de la décision : 09/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-09;15pa02357 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award