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03/05/2016 | FRANCE | N°14PA01432

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 03 mai 2016, 14PA01432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 et 2005 à 2010.

Par un jugement nos 1206045/7 et 1303118/7 du 20 février 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 avril 2014, et un mémoire en réplique, enregistré le 10 février 2015, M. et MmeB..., représentés par M

e Gelix, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun du 20 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 et 2005 à 2010.

Par un jugement nos 1206045/7 et 1303118/7 du 20 février 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 avril 2014, et un mémoire en réplique, enregistré le 10 février 2015, M. et MmeB..., représentés par Me Gelix, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun du 20 février 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt litigieux ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens.

Ils soutiennent que :

- les sommes correspondant aux détournements de fonds pour lesquels ils ont été pénalement condamnés ne sont pas imposables ;

- la procédure d'imposition suivie par le service au titre des années 2007 et 2008 est irrégulière ; en leur adressant au cours de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, le 10 mai 2010, deux mises en demeure de souscrire des déclarations catégorielles, et, le 4 juin 2010, une demande de justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, sans engager au préalable un débat contradictoire avec eux, l'administration fiscale a porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure et a méconnu les garanties prévues par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

- ils ont été privés du droit d'être représentés par leur conseil en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre de procédures fiscales ;

- le vérificateur n'avait à procéder à aucune mise en demeure en vertu du 3° de l'article L. 68 du livre de procédures fiscales et, en leur adressant de telles mises en demeure, alors qu'elles n'étaient pas prévues, il a méconnu les exigences de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

- il ne peut leur être reproché de ne pas avoir satisfait à une mise en demeure à laquelle il n'y avait pas lieu de procéder ; c'est donc à tort qu'une majoration de 40 % a été appliquée au titre des années 2007 et 2008 aux suppléments d'impôts résultant de la taxation des détournements de fonds ;

- l'administration n'établit pas leur mauvaise foi, au titre des mêmes années d'imposition, en se bornant à faire état de leur incapacité à justifier de sommes figurant au crédit de leur compte bancaire et taxées en tant que revenus d'origine indéterminée ;

- les redressements opérés au titre des années 2001, 2005, 2006, 2009 et 2010 procèdent des constations faites lors de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ayant porté sur les années 2007 et 2008, qui a été mené de manière irrégulière ; ainsi, l'irrégularité de la procédure suivie au titre des années 2007 et 2008 doit entraîner, par voie de conséquence, la décharge des impositions mises en recouvrement au titre années 2001, 2005, 2006, 2009 et 2010 ;

- ils ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2009 et 2010, sans qu'un avis de vérification leur ait été préalablement adressé ;

- les bases d'imposition retenues par le vérificateur ont été exagérées ; les montants des revenus retirés de leur activité occulte au titre des années 2009 et 2010 ne correspondent pas à liste établie par les enquêteurs de la police nationale ; doit également être déduit de la base imposable le montant des honoraires versés en 2009 et 2010 aux avocats en charge de la défense de leurs intérêts ;

- l'administration fiscale, qui s'est fondée sur un tableau établi par les services de la police nationale se référant à des périodes correspondant à deux exercices, sans procéder à une ventilation par année d'imposition des sommes provenant des détournements de fonds, n'établit pas le montant des revenus imposables à ce titre ;

- la majoration pour activité occulte qui leur a été appliquée méconnait l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que cette majoration constitue une sanction quasi-pénale, dont le montant est totalement disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête de M. et MmeB....

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Blanc,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

- et les observations de Me Gelix, avocat de M. et MmeB....

1. Considérant que M. et Mme B...ont fait l'objet à partir du mois de décembre 2009 d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2007 et 2008, à la suite duquel des rectifications de leur revenu imposable leur ont été notifiées par une proposition de rectification du 14 décembre 2010 ; que ces rectifications ont consisté à imposer des crédits figurant sur leur compte bancaire en tant que revenus d'origine indéterminée, suivant la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, ainsi qu'à imposer, suivant la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73-2 du même livre des procédures fiscales, des bénéfices non commerciaux correspondant à des détournements de fonds, pour lesquels Mme B... a été pénalement condamnée ; que la procédure pénale ouverte à l'encontre de Mme B... ayant révélé que celle-ci avait été aussi l'auteur de détournements de fonds en 2001, 2005 et 2006, le service, en application de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, a imposé les bénéfices provenant de ces détournements de fonds en suivant une procédure de rectification contradictoire ; que l'administration fiscale a également exercé son droit de communication auprès du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Melun, à la suite du jugement rendu par ce tribunal le 12 janvier 2011, et a imposé les revenus correspondants aux détournements de fonds pour lesquels Mme B...a également été condamnée au titre des années 2009 et 2010 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en suivant la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73-2 du livre des procédures fiscales ; que M. et Mme B...font appel du jugement n° 1206045/7 et 1303118/7 du 20 février 2014, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2001 et 2005 à 2010 en conséquence de ces rectifications ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition suivie au titre des années 2007 et 2008 :

2. Considérant que les requérants font valoir qu'en leur adressant au cours de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, le 10 mai 2010, des mises en demeure de souscrire des déclarations catégorielles au titre des bénéfices non commerciaux, et le 4 juin 2010, une demande de justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, sans engager au préalable un débat avec eux, l'administration fiscale a porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure et méconnu les garanties prescrites par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

3. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que Mme B...a elle-même informé le vérificateur lors de l'entretien qu'elle a eu avec lui, le 4 mai 2010, qu'elle faisait l'objet de poursuites pénales pour des détournements de fonds commis au détriment de son employeur ; que, par ailleurs, les mises en demeure adressées aux requérants, le 10 mai 2010, ont été établies par le vérificateur après qu'il a exercé son droit de communication auprès du procureur de la république près le Tribunal de grande instance de Melun, le 4 mai précédent ; que si le vérificateur n'a obtenu le droit de consulter les éléments de la procédure pénale que le 18 mai 2010, il est constant que les mises en demeure litigieuses n'ont été reçues par les intéressés que le 25 mai suivant ; qu'ainsi, le vérificateur , qui n'était pas tenu d'organiser avec les contribuables un débat contradictoire sur les renseignements recueillis dans l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, n'a commis aucune irrégularité ;

4. Considérant, par ailleurs, qu'il ne résulte ni du livre des procédures fiscales, ni de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version applicable au mois de mai 2009, correspondant à l'édition adressée aux requérants avec l'avis de vérification en date du 22 décembre 2012, que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure de demande de justifications prévue par l'article L. 16 de ce livre d'engager un dialogue avec les contribuables ;

5. Considérant que l'administration fiscale a pu, en application des dispositions de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales, tiré les conséquences de détournements de fonds dont elle a eu connaissance lors de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et MmeB..., sans être tenue d'engager, au préalable, une vérification de comptabilité portant sur l'activité ainsi révélée ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que l'administration fiscale n'ait eu connaissance que lors de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle de l'obligation à laquelle ils étaient tenus de déclarer les revenus provenant de détournements de fonds, n'entache pas, en elle-même, la procédure de contrôle d'irrégularité ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le premier entretien des requérants avec le vérificateur n'a eu lieu que le 23 février 2010, alors que l'avis les informant d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle leur avait été adressé le 22 décembre 2009 précédent ; qu'ils ont ainsi disposé d'un délai suffisant leur permettant de se faire assister par le conseil de leur choix ; que, par ailleurs, lors de la réunion de synthèse qui a eu lieu avec le vérificateur, le 8 décembre 2010, il est constant que les requérants ont été représentés par leur avocat ; que la circonstance qu'un dialogue n'ait pas eu lieu avec leur conseil avant l'envoi d'une demande de justifications en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie par le service, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le vérificateur n'était nullement tenu d'organiser un tel dialogue avec les requérants préalablement à l'envoi de cette demande ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure./ Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) / 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite ; (...) " ;

9. Considérant que la circonstance que le vérificateur ait adressé aux contribuables, le 10 mai 2010, des mises en demeure de souscrire une déclaration catégorielle pour des détournements de fonds en faisant application de la règle prévue par le premier alinéa de l'article L. 68 précité, avant de procéder à une évaluation d'office de ces revenus, alors qu'il aurait été dispensé de procéder à de telles mises en demeure en application des dispositions du 3° du même article, n'est pas, en tout état de cause, constitutive d'une irrégularité ; que le vérificateur n'a ainsi méconnu ni les garanties prévues par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ni le devoir de loyauté auquel est tenue l'administration fiscale ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition suivie au titre des années 2009 et 2010 :

10. Considérant que les requérants soutiennent que l'irrégularité de la procédure suivie au titre des années 2007 et 2008 devrait entraîner, par voie de conséquence, la décharge des impositions mises en recouvrement au titre des années 2009 et 2010, dès lors que les rectifications opérées au titre de ces années procèdent des constations faites lors de l'examen de leur situation fiscale personnelle ayant porté sur les années 2007 et 2008 ;

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, M. et Mme B...ne sont pas fondés à contester la régularité de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet au titre des années 2007 et 2008 ; qu'en tout état de cause, la circonstance qu'un tel contrôle ait été diligenté à leur encontre n'empêchait pas l'administration fiscale d'exercer son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ; que si le vérificateur a appris l'existence de poursuites engagées à l'encontre de Mme B...au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des requérants, les rehaussements opérés au titre des années 2009 et 2010 résultent des constatations faites par l'administration fiscale à la suite de l'exercice de son droit de communication, le 12 avril 2012, qui lui a permis d'obtenir les éléments de la procédure pénale engagée à l'encontre de Mme B...pour des faits d'escroquerie, obtention de prêts avec falsification d'identité et abus de confiance ; qu'ainsi, les irrégularités dont serait entachée la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des requérants au titre des années 2007 et 2008 sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure de rectification engagée distinctement à leur encontre au titre des années 2009 et 2010 ;

12. Considérant, par ailleurs que les suppléments d'impôt auxquels M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 procèdent, non d'un examen de leur situation fiscale personnelle diligenté au titre de ces années, mais, ainsi qu'il a été dit précédemment, d'éléments obtenus par l'administration fiscale dans le cadre de son droit de communication exercé auprès des autorités judiciaires ; que M. et Mme B...ne peuvent, dès lors, utilement reprocher à l'administration fiscale de ne pas leur avoir adressé un avis de vérification dans les conditions prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales précité ;

Sur le bien fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne les suppléments d'imposition établis au titre des années 2001, 2005 et 2006 :

13. Considérant que les requérants soutiennent que le service n'a pas démontré l'existence des détournements de fonds commis par Mme B...au titre des années 2001, 2005 et 2006, en faisant valoir qu'aucune pièce justificative n'a été versée aux débats par l'administration fiscale ;

14. Considérant que le service a suivi au titre des années d'imposition en cause, la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que les requérants ayant contesté les suppléments d'impôts qui leur ont été notifiés dans le délai qui leur était imparti, la charge de la preuve du bien-fondé de ces impositions incombe à l'administration fiscale ;

15. Considérant qu'il ressort des termes de la proposition de rectification du 14 décembre 2010 et de la réponse aux observations du contribuables en date du 28 février 2011, que pour déterminer le montant des bénéfices non commerciaux imposables au titre des trois années litigieuses, le service s'est fondé sur les pièces de la procédure judiciaire, référencée 08/14468, obtenues dans le cadre du droit de communication et ayant évalué le montant du préjudice financier subi par la société Finaref, en raison des crédits obtenus de manière frauduleuse par MmeB... ; qu'en dépit de la contestation des requérants, l'administration fiscale n'a pas produit le document établi par la société Finaref à la demande des services judiciaires, sur lequel elle s'est fondée pour procéder à un rehaussement du revenu imposable des requérants au titre des années 2001, 2005 et 2006 ; que dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie au titre de ces années, M. et Mme B...sont fondés à demander la décharge des impositions correspondantes, faute pour l'administration de justifier du montant des détournements de fonds imposables, alors que la preuve de l'exactitude des bases d'imposition lui incombe ;

En ce qui concerne les suppléments d'imposition établis au titre des années 2007 à 2010 :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices... de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus " ;

17. Considérant que les détournements de fonds doivent être regardés comme une source de profit imposable entre les mains de leur auteur dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts, même si leur appréhension a eu lieu à l'occasion de l'exercice d'une activité professionnelle, dès lors que ces détournements ne correspondent pas à la rétribution d'un service ;

18. Considérant qu'il est constant que Mme B...a profité de ses fonctions au sein de la société Efidis pour détourner à son profit le montant de chèques ou de virements établis au nom de son employeur ; que ces détournements de fonds ayant été à bon droit regardés par l'administration comme une source de profits, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ne pouvaient pas être légalement taxés à raison des sommes correspondantes dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

19. Considérant que si les requérants se prévalent de ce qu'ils ont déjà été pénalement condamnés pour les détournements de fonds commis par Mme B...aux dépens de son employeur et que celle-ci a été condamnée à rembourser la partie civile, ces circonstances, qui se rapportent à la procédure pénale dont la requérante a fait l'objet, sont sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition des sommes détournées ;

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ;

21. Considérant qu'à défaut pour M. et Mme B...d'avoir déclaré au titre des années 2009 et 2010, les montants des détournements de fonds commis au cours de ces années, les revenus imposables correspondants ont fait l'objet d'une évaluation d'office dans les conditions prévues par l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ; qu'en application des dispositions précitées, il appartient, dès lors, aux requérants d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions mises à leur charge au titre de ces années ;

22. Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans le cadre de son droit de communication exercé auprès du procureur de la république, l'administration fiscale a obtenu les montants des chèques ou virements détournés ou falsifiés par Mme B...au cours des années 2009 et 2010, qui s'élèvent respectivement à des montants de 302 202 euros et 116 528 euros ; qu'aux termes d'un tableau annexé à la proposition de rectification du 5 juillet 2012, elle a établi la liste des montants pris en compte pour la détermination des bénéfices imposables en indiquant les bénéficiaires des chèques détournés par Mme B...au préjudice de son employeur, par année d'encaissement, et en faisant mention de la référence de la cote judiciaire correspondante ; que les requérants se bornent, pour contester le montant des bases d'imposition retenues par le service à faire valoir que ces montants ne correspondraient pas à ceux figurant dans un tableau établi par les services de police, énumérant les locataires et les montants détournés par Mme B...au cours des mêmes années, et se prévalent de ce que certains chèques, retenus par le vérificateur, ne figureraient parmi ceux indiqués sur ce tableau ; que, toutefois, la circonstance que les chèques détournés par Mme B...dont le service a tenu compte n'auraient pas tous été mentionnés dans le tableau initialement établi par les services de police, n'est pas de nature à remettre en cause le montant des bénéfices imposables retenus par le vérificateur ; qu'ainsi, les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'exagération des bases d'imposition qui leur ont été assignées au titre des années 2009 et 2010 ;

23. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 93 du code général des impôts : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) " ;

24. Considérant que si les requérants demandent à ce que soit déduit de leur revenu imposable le montant des honoraires versés à leur avocat en 2009 et 2010 pour la défense de leurs intérêts, ils ne justifient pas que ces dépenses puissent être regardées comme nécessaires à l'exercice d'une profession ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la majoration pour défaut de souscription des déclarations des bénéfices non commerciaux appliquées au titre des années 2007 et 2008 :

25. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) " ;

26. Considérant qu'alors même qu'en application de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, l'administration n'est pas tenue d'adresser une mise en demeure au contribuable qui n'a pas déposé dans le délai légal la déclaration qu'il était tenu de souscrire avant de procéder à son imposition par voie de taxation d'office, si elle décide néanmoins d'adresser une mise en demeure à un contribuable dans cette situation, celui-ci encourt la majoration prévue au b du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, lorsqu'il ne dépose pas de déclaration dans les trente jours suivant la réception de cette mise en demeure ; qu'ainsi, l'administration fiscale a pu à bon droit faire application de la majoration de 40 % prévue par ces dispositions, dès lors que M. et Mme B... n'ont pas déposé de déclaration catégorielle au titre des années 2007 et 2008 pour les détournements de fonds pour lesquels ils ont été condamnés dans les trente jours suivant la réception de la mise en demeure que l'administration leur a adressée ;

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré appliquée au titre des années 2007 et 2008 :

27. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré.(...) " ;

28. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que pour apporter la preuve d'un tel manquement délibéré, l'administration doit établir, d'une part, l'insuffisance, l'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ; que, pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ; que si l'administration se fonde également sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, la mention d'un tel motif, qui ne peut en lui-même justifier l'application d'une telle pénalité, ne fait pas obstacle à ce que la mauvaise foi soit regardée comme établie, dès lors que les conditions rappelées ci-dessus sont satisfaites ;

29. Considérant qu'aux termes de la proposition de rectification du 14 décembre 2010, les majorations litigieuses ont été justifiées par l'administration fiscale en reprochant aux contribuables de ne pas avoir apporté de justificatifs suffisamment probants permettant de déterminer l'origine de nombreux crédits figurant sur leur compte bancaire et de ne pas avoir soumis ces revenus à l'impôt en s'abstenant de les déclarer dans leur revenu global ; que, toutefois, ni l'importance des sommes imposées d'office, ni l'insuffisance de justifications fournies par les contribuables, ne suffisent à établir leur mauvaise foi ; qu'en particulier, le comportement des requérants lors du contrôle ne peut être utilement invoqué pour établir le caractère intentionnel de leur manquement à leurs obligations fiscales, qui doit s'apprécier au moment des déclarations ; qu'à défaut pour l'administration fiscale d'apporter la preuve d'un manquement délibéré de leur part, M. et Mme B... sont fondés à demander la décharge des majorations appliquées en vertu de l'article 1729 précité à la taxation de revenus d'origine indéterminée au titre des années 2007 et 2008 ;

En ce qui concerne la majoration pour activité occulte appliquée au titre des années 2009 et 2010 :

30. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) " ;

31. Considérant que ces dispositions proportionnent les pénalités qu'elles prévoient selon les agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit, ni que celui-ci aurait exercé une activité occulte, ni qu'il aurait omis de déposer sa déclaration dans les trente jours suivant l'envoi d'une mise en demeure régulièrement notifiée, de ne laisser à sa charge que la majoration de 10 % et les intérêts de retard ; que les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment ; que dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts fondant les pénalités auxquelles ils ont été assujettis devraient être écartées au motif que, faute de permettre au juge de l'impôt d'en moduler le taux, elles seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 6§1 de cette convention ;

32. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2001, 2005 et 2006, et d'autre part, des majorations appliquées en vertu de l'article 1729 du code général des impôts aux suppléments d'impôts résultant de la taxation de revenus d'origine indéterminés au titre des années 2007 et 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les dépens :

34. Considérant que les conclusions de M. et Mme B...tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, en l'absence de dépens exposés par ceux-ci au cours de l'instance ;

D É C I D E :

Article 1er : M. et Mme B...sont déchargés, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2001, 2005 et 2006, et d'autre part, des majorations appliquées en vertu de l'article 1729 du code général des impôts aux suppléments d'impôt résultant de la taxation de revenus d'origine indéterminés au titre des années 2007 et 2008.

Article 2 : Le jugement nos 1206045/7 et 1303118/7 du Tribunal administratif de Melun en date du 20 février 2014 est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 14 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 mai 2016.

Le rapporteur,

P. BLANCLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01432
Date de la décision : 03/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-05-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : GELIX BRUNO CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-03;14pa01432 ?
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