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29/04/2016 | FRANCE | N°14PA03721

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 29 avril 2016, 14PA03721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Vu la décision n° 362162 du Conseil d'Etat en date du 30 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt n° 11PA01710 du 27 mars 2012 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 0820564/6-3 du 17 février 2011 du Tribunal administratif de Paris mettant à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis

par Mlle A...du fait d'un rappel de vaccination contre le virus de l'hépati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Vu la décision n° 362162 du Conseil d'Etat en date du 30 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt n° 11PA01710 du 27 mars 2012 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 0820564/6-3 du 17 février 2011 du Tribunal administratif de Paris mettant à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis par Mlle A...du fait d'un rappel de vaccination contre le virus de l'hépatite B, d'autre part, décidé de renvoyer l'affaire à la Cour de céans ;

Procédure contentieuse en cours :

Par mémoires enregistrés, le 25 novembre 2015 et le 25 février 2016, Mlle F...B..., représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0820564/6-3 du 17 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a limité l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'un rappel de vaccination contre le virus de l'hépatite B à la somme de 50 000 euros ;

2°) à titre principal, de prescrire une nouvelle expertise et de lui accorder, dans l'attente des conclusions de la nouvelle expertise, une indemnité provisionnelle de 2 994 359,45 euros ou, le cas échant si la Cour s'estime suffisamment éclairée sans qu'une expertise ne soit nécessaire, de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 2 994 359 euros tout en réservant certains chefs de préjudices ; à titre subsidiaire, de condamner l'ONIAM à l'indemniser de son entier dommage corporel et de surseoir à statuer sur la question des dépenses relatives à l'aménagement de son domicile et du surcoût lié à la souscription d'une prime d'assurance ainsi que la question de l'indemnité compensant la perte de la prime d'assiduité ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 6 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- eu égard aux délais de procédure et au caractère évolutif de sa pathologie, une mesure d'expertise doit être ordonnée ; qu'à défaut, la Cour ne saurait être suffisamment éclairée par la seule expertise rendue en 2008 ;

- eu égard aux pièces du dossier et notamment au dernier rapport médical du Docteur Girard qu'elle produit, elle est fondée à solliciter une indemnité provisionnelle au titre des préjudices subis du fait du rappel de vaccin contre l'hépatite B qu'elle a été contrainte d'effectuer ;

- si la Cour s'estime suffisamment éclairée par les pièces du dossier, l'ONIAM devra être condamné à lui réparer son entier dommage corporel ; qu'il y a lieu de réserver des chefs de préjudices que sont les frais de logement adaptés, le surcoût pour un prêt ou une assurance et l'indemnité compensant la perte de la prime d'assiduité pour l'année 2015.

Par mémoires enregistrés le 4 novembre 2014 et le 28 décembre 2015, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeD..., demande à la Cour de limiter l'indemnisation sollicitée par Mlle B...à la somme de 44 101 euros.

L'ONIAM fait valoir que :

- la demande d'expertise est frustratoire dès lors que Mlle A...ne justifie pas d'une évolution de son état depuis 2008 ;

- les préjudices dont Mlle A...demande réparation ne sauraient donner lieu à une indemnisation aussi excessive que celle sollicitée ; qu'eu égard à ce que la jurisprudence alloue en pareille hypothèse, il y a lieu d'indemniser l'incidence professionnelle à hauteur de 7 000 euros, le déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 11 715 euros, le déficit fonctionnel permanent à hauteur de 12 386 euros, les souffrances endurées à hauteur de 3 000 euros et le préjudice lié au caractère évolutif de la maladie à 10 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2016, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, représentée par la SELARL Bossu et associés, demande à la Cour de réserver les doits de la caisse et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un courrier en date du 24 mars 2016, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions qui tendent à l'attribution d'une somme supérieure au montant prévisionnel demandé en première instance.

Par un mémoire enregistré le 1er avril 2016, l'ONIAM maintient ses conclusions.

Par un mémoire enregistré les 2 et 3 avril 2016, Mlle B...maintient ses conclusions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chavrier,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour MlleB....

1. Considérant que, le 2 mars 2006, MlleB..., alors âgée de 21 ans et élève en deuxième année de brevet de technicien supérieur de diététique, a subi un rappel du vaccin contre l'hépatite B ; qu'un mois plus tard, sont apparus les premiers symptômes de ce qui sera diagnostiqué en avril 2007 comme une sclérose en plaques ; qu'imputant cette pathologie au rappel de vaccination, Mlle B...a saisi l'ONIAM, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, d'une demande d'indemnisation de ses préjudices ; qu'après avis favorable de la commission d'indemnisation des victimes de vaccinations obligatoires rendu le 24 septembre 2008, l'ONIAM a adressé à MlleB..., par lettre du 23 octobre 2008, un projet de protocole d'indemnisation transactionnelle partielle au titre des souffrances endurées ; qu'après avoir refusé cette proposition, Mlle B...a saisi le Tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 17 février 2011, a rejeté sa demande d'expertise et lui a octroyé une indemnité de 50 000 euros ; que, statuant par un arrêt du 27 mars 2012 sur l'appel que Mlle B...avait formé contre ce jugement en tant qu'il limitait son indemnisation à 50 000 euros, ainsi que sur l'appel incident de l'ONIAM, la Cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à celui-ci, a annulé le jugement du 17 février 2011 et rejeté la demande indemnitaire de MlleB... ; que Mlle B...a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt du 27 mars 2012 ; que, par une décision en du 30 juillet 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 27 mars 2012 et a décidé de renvoyer l'affaire à juger à la Cour de céans ;

Sur le droit à indemnisation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-4 du code de santé publique : " Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe. (...) Un arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, pris après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, détermine les catégories d'établissements et organismes concernés. " ; qu'aux termes de l'arrêté du 26 avril 1999 susvisé : " Les obligations vaccinales des personnes visées à l'article L. 10 du code de la santé publique [devenu l'article L. 3111-4] concernent toute personne qui, dans un établissement ou un organisme public ou privé de soins ou de prévention, exerce une activité susceptible de présenter un risque d'exposition à des agents biologiques tel que le contact avec des patients, avec le corps de personnes décédées ou avec des produits biologiques soit directement (contact, projections), soit indirectement (manipulation et transport de dispositifs médicaux, de prélèvements biologiques, de linge ou de déchets d'activité de soins à risque infectieux). " ; que l'article L. 3111-9 du même code dispose que : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la personne qui demande l'indemnisation de ses préjudices sur leur fondement doit établir, outre le caractère obligatoire de la vaccination à laquelle est imputé le dommage, l'existence d'un lien de causalité direct entre cette vaccination et le dommage dont la réparation est demandée ; que, alors même qu'un rapport d'expertise n'établirait pas de lien de causalité, l'ONIAM peut être condamné à indemniser la victime des conséquences dommageables d'injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle, eu égard d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté d'une pathologie identifiée et comportant des atteintes démyélinisantes, et d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ;

4. Considérant que par sa décision en date du 30 juillet 2014, le Conseil d'Etat a jugé que la Cour administrative d'appel de Paris avait commis une erreur de droit en jugeant que Mlle B... ne pouvait pas être regardée comme exerçant une activité professionnelle dans un établissement de soins au sens du premier alinéa de l'article L. 3111-4 du code de santé publique ; qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat, Mlle B...a communiqué des éléments, non contesté par l'ONIAM, permettant de justifier qu'elle a été à un risque de contamination ; qu'il suit de là que la vaccination contre le virus de l'hépatite B de Mlle B...doit être regardée, eu égard à la nature des fonctions exercées au sein d'un établissement public hospitalier, comme présentant un caractère obligatoire au sens des dispositions précitées de l'article L. 3111-4 du code de santé publique ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle B...a présenté le 5 avril 2006, soit moins d'un mois après l'injection du vaccin, une névrite optique rétro-bulbaire gauche, nécessitant son hospitalisation du 11 au 15 avril 2006 ; qu'à compter du mois de février 2007, elle a présenté des signes de paresthésie des membres inférieurs, témoignant d'une atteinte médullaire ; qu'après réalisation de plusieurs examens et d'IRM céphaliques, le diagnostic de sclérose en plaques a été posé et un traitement mis en oeuvre dès le mois de juin 2007 ; qu'il résulte des conclusions du rapport de l'expertise diligentée dans le cadre de la procédure amiable que Mlle B...était, avant le mois d'avril 2006, en parfaite santé, qu'elle ne présentait aucun antécédent, notamment familial, à une telle pathologie et que les symptômes décrits ci-dessus constituaient deux épisodes évolutifs de la sclérose en plaques, confirmés par la présence de plusieurs lésions disséminées du système nerveux central ; que si l'expert ne l'a pas affirmé avec certitude, il a estimé que " la proximité entre le rappel vaccinal anti-hépatite B et les premiers signes cliniques de la maladie neurologique de Mlle B...rend plausible (sinon probable) un lien de causalité entre sa vaccination et sa sclérose en plaques " ; qu'ainsi, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé cette injection de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie, antérieurement à sa vaccination, l'imputabilité à l'injection du vaccin pratiquée le 2 mars 2006 de la sclérose en plaques dont souffre la requérante doit être regardée comme établie ;

Sur le préjudice et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise :

6. Considérant que, si MlleB..., dans sa demande introductive d'instance, a demandé la réparation du préjudice subi et sollicité une expertise médicale en concluant, dans l'attente des résultats de cette expertise, à l'attribution d'une indemnité provisionnelle de 50 000 euros et en précisant qu'elle se réservait de chiffrer son dommage définitif, elle n'a ultérieurement pas indiqué dans un nouveau mémoire le montant de sa demande avant la clôture d'instruction alors que le Tribunal administratif de Paris l'avait invité à préciser sa demande indemnitaire ; que, dans ces conditions, la demande chiffrée dont le tribunal administratif s'est trouvé saisi étant limitée à 50 000 euros, les conclusions présentées à la Cour administrative d'appel de Paris et tendant à l'allocation d'une indemnité provisionnelle de 2 994 359,45 euros constituent une demande nouvelle qui n'est pas recevable en appel dans la mesure où ces conclusions excèdent la somme de 50 000 euros ; que, par suite, les conclusions de Mlle B...ne peuvent qu'être rejetées ;

7. Considérant que Mlle B...justifie d'une perte de revenus de 6 096 euros ainsi que d'une incidence professionnelle pouvant être évaluée à la somme de 10 000 euros ; qu'elle est affectée, depuis l'âge de 20 ans, d'une invalidité évaluée par l'expert à 10 %, qui a un retentissement significatif sur sa vie familiale et sociale et limite les possibilités de s'adonner à des activités de loisirs, en raison notamment de l'asthénie liée à sa pathologie ; que, dans ces conditions, la somme de 40 000 euros retenue par le Tribunal administratif de Paris au titre des troubles dans les conditions d'existence subis par Mlle B...n'est pas excessive ; que, par ailleurs, pour les souffrances de l'intéressée, évaluées par l'expert à 3 sur 7, le tribunal n'a pas davantage apprécié de manière déraisonnable le préjudice en mettant à la charge de l'ONIAM à ce titre une somme de 4 000 euros ; qu'il en résulte que le préjudice subi par Mlle B...est nécessairement supérieur à la somme de 50 000 euros de sorte qu'il ne peut être reproché au Tribunal administratif de Paris d'avoir évalué de manière excessive les préjudices subis par Mlle B... ; que, par conséquent, l'appel incident formé par l'ONIAM tendant à la limitation de la somme allouée en première instance ne peut qu'être rejeté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme sollicitée par Mlle B...et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'ONIAM n'étant pas la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête Mlle B...est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de l'ONIAM est rejeté.

Article 3 : Les conclusions formées par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle F...B..., à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Délibéré après l'audience du 7 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Chavrier, première conseillère,

Lu en audience publique, le 29 avril 2016.

La rapporteure,

A-L. CHAVRIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA03721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03721
Date de la décision : 29/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Anne Laure CHAVRIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : VERNASSIEREX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-29;14pa03721 ?
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