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15/04/2016 | FRANCE | N°15PA03261

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 avril 2016, 15PA03261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 avril 2014 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a refusé de reconnaître sa pathologie contractée à compter du 29 avril 2013 comme imputable au service et l'a placée en congé ordinaire de maladie du 30 avril 2013 au 30 octobre 2013.

Par un jugement n° 1408761/5-3 du 17 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour

:

Par une requête enregistrée le 11 août 2015, le ministre de l'agriculture, de l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 avril 2014 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a refusé de reconnaître sa pathologie contractée à compter du 29 avril 2013 comme imputable au service et l'a placée en congé ordinaire de maladie du 30 avril 2013 au 30 octobre 2013.

Par un jugement n° 1408761/5-3 du 17 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la Cour d'annuler ce jugement n° 1408761/5-3 du

17 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- ce jugement est insuffisamment motivé sur l'existence d'un lien direct entre la pathologie de la fonctionnaire et ses activités professionnelles ;

- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, il a pu refuser d'admettre le lien de causalité entre le service et l'état pathologique de l'intéressée dès lors qu'il établit suffisamment les dysfonctionnements ayant eu lieu au sein du service entre 2011 et 2013 ;

- l'accident dont a été victime Mme A...n'est pas imputable au service.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2015, Mme B...A...conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de l'Etat au versement de la somme de 100 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

1. Considérant que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève régulièrement appel du jugement n° 1408761/5-3 du 17 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme B...A...tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2014 par laquelle il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident dont elle a été victime le 29 avril 2013 et l'a placée en congé ordinaire de maladie du

30 avril au 30 octobre 2013 ; que l'intimée, ingénieur des ponts, des eaux et forêts et chargée de mission au bureau du développement économique, rattaché à la sous-direction de la forêt et du bois du ministère chargé de l'agriculture, a déposé une déclaration d'accident de service auprès de la direction générale du ministère le 18 juin 2013 ; qu'elle a estimé que son état dépressif était consécutif à ses conditions de travail, notamment à son entretien du 29 avril 2013 à l'occasion duquel le directeur en chef des ponts, des eaux et des forêts a confirmé sa demande formulée dans un courrier du 26 avril 2013, tendant à ce qu'elle s'abstienne de tout contact externe en raison des difficultés apparues dans l'exercice de ses missions ; qu'à l'issue d'une expertise médicale du 23 septembre 2013, réalisée à la demande du président du comité médical du ministère chargé de l'agriculture, saisi par le ministre de l'agriculture, le docteur Maloux, psychiatre psychothérapeute et expert près la Cour administrative de Paris, a reconnu l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 29 avril 2013 ; que, par une contre-expertise du 30 janvier 2014, également diligentée par le comité médical du ministère chargé de l'agriculture, le docteur Sarda, psychiatre psychothérapeute a estimé, à son tour, que les arrêts de travail établis depuis le 29 avril 2013 avaient un lien direct, certain et exclusif avec les conditions de travail déclarées à cette date ; que, saisie pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'affection dont souffre l'intéressée, la commission de réforme a conclu à l'absence de lien de causalité entre la pathologie présentée par l'agent et l'exercice professionnel dans un avis du

11 mars 2014, ayant obtenu deux voix contre, une abstention et une voix pour ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le ministre chargé de l'agriculture soutient que le jugement est insuffisamment motivé quant à l'existence d'un lien direct entre la pathologie de Mme A...et l'entretien avec son directeur du 29 avril 2013, et doit donc être annulé ; que, dans leur jugement, les premiers juges ont indiqué, après avoir souligné l'absence d'antécédent psychiatrique chez la requérante, que tant le docteur Maloux que le docteur Sarda, psychiatres psychothérapeutes sollicités par le président de la commission de réforme, saisie par le ministère chargé de l'agriculture afin de déterminer l'imputabilité au service de la dépression de l'intéressée, ont conclu à l'existence d'un lien direct et certain entre sa pathologie et l'entretien professionnel du 29 avril 2013 dans leurs rapports des 23 septembre 2013 et 30 janvier 2014 ; qu'ils ont également précisé que le ministre chargé de l'agriculture s'était borné à souligner que la requérante n'avait pas quitté immédiatement son travail à la suite de l'entretien du 29 avril 2013 et à faire état d'une longue suite de dysfonctionnements entre 2011 et 2013, pour refuser d'admettre qu'un lien certain entre le service et l'état pathologique de l'intéressée soit établi, entachant ainsi la décision ministérielle d'illégalité ; que, dans ces conditions, les juges de première instance ont suffisamment motivé leur jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée :

" Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) " ; qu'il résulte de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 que l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est appréciée par l'administration, qui doit consulter la commission de réforme avant de refuser de reconnaître cette imputabilité ; qu'il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ;

4. Considérant que l'entretien du 29 avril 2013, au cours duquel son supérieur hiérarchique n'a fait que rappeler Mme A...à son obligation de réserve, après que l'intéressée eût accordé une interview à un organe de presse, dans laquelle elle mettait en cause la position de son administration dans la mise en oeuvre d'une règlementation européenne, ne constitue pas, par lui-même un accident de service, alors d'ailleurs qu'il ressort du dossier que cet entretien a consisté en la remise, à l'intéressée, d'un courrier lui demandant expressément de s'abstenir à l'avenir de tous contacts sur ses dossiers en cours ; qu'il ressort par ailleurs du dossier que cet entretien faisait suite à une succession de manquements, de la part de MmeA..., à ses obligations professionnelles, lesquels étaient régulièrement relevés par sa hiérarchie depuis au moins l'année 2011, dans des termes qui ne présentaient nullement un caractère brutal ; qu'il lui était notamment demandé, par courriel du 21 septembre 2011, de bien vouloir tenir sa hiérarchie informée de ses rendez-vous et déplacements, de s'astreindre à rendre compte des missions qu'elle effectuait et des réunions auxquelles elle participait, éventuellement par de brefs courriers électroniques et de participer aux réunions auxquelles elles était conviée, sur les dossiers dont elle avait la charge ; qu'un courrier du 1er mars 2013, signé du directeur général des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires, lui indiquait qu'elle avait accumulé, au cours de l'année 2012, de nombreux jours d'absence non justifiées et l'invitait à " retrouver des habitudes de présence normales " ; qu'au vu de l'ensemble des pièces produites au dossier, qui témoignent d'une incapacité de Mme A...à s'astreindre au respect des règles auxquelles elle était normalement tenue dans l'exercice des fonctions qui lui étaient confiées, mais ne révèlent en aucun cas une brutalité à son égard, l'entretien du 29 avril 2013, déclaré par l'intéressée comme un " accident de service ", ne peut être regardé, nonobstant les avis médicaux émis les

23 septembre 2013 et 30 janvier 2014, comme constituant la cause directe des troubles psychologiques dont souffre l'intéressée ; que, par suite, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 4 avril 2014 au motif que la pathologie dont souffrait Mme A...était imputable au service ;

5. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A...tant dans ses écritures de première instance qu'en appel ;

6. Considérant que Mme A...soutenait devant les premiers juges que l'avis émis par la commission de réforme réunie le 11 mars 2014 n'était pas motivé ; que cet avis ne constituant pas une décision, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant ; que, par ailleurs, tant en première instance qu'en appel, elle se borne à invoquer les avis médicaux émis les

23 septembre 2013 et 30 janvier 2014 et à soutenir que les manquements professionnels qui lui sont reprochés n'ont jamais donné lieu à des sanctions disciplinaires ; que ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée au point 4. ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué ; que les conclusions présentées par Mme A...devant le tribunal administratif et devant la Cour, doivent être rejetées, y compris celles présentées sur le fondement l'article L 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1408761/5-3 du 17 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribuanl administratif de Paris par Mme A...et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à Mme B...A....

Délibéré après l'audience du 6 avril 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 avril 2016.

Le rapporteur,

A. LEGEAILe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03261
Date de la décision : 15/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. EGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-15;15pa03261 ?
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