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12/04/2016 | FRANCE | N°14PA02700

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 avril 2016, 14PA02700


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public Paris-Habitat-OPH a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à lui verser une somme de 226 835,51 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2012, assortis de leur capitalisation, en exécution du contrat d'assurance " multirisques propriétaires d'immeubles " au titre de l'indemnisation des dommages relatifs à un sinistre survenu sur un immeuble lui appartenant.

Par un jugement n

1205965/7-2 du 14 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a condamné la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public Paris-Habitat-OPH a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à lui verser une somme de 226 835,51 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2012, assortis de leur capitalisation, en exécution du contrat d'assurance " multirisques propriétaires d'immeubles " au titre de l'indemnisation des dommages relatifs à un sinistre survenu sur un immeuble lui appartenant.

Par un jugement n° 1205965/7-2 du 14 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a condamné la SMACL à verser à Paris-Habitat-OPH cette somme de 226 835,51 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2012, assortis de leur capitalisation à compter du 6 avril 2013.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2014, la SMACL, représentée par Me A...B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1205965/7-2 du 14 avril 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Paris-Habitat-OPH devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de Paris-Habitat-OPH la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, elle n'est pas tenue d'apporter sa garantie pour un sinistre dont le fait générateur est la rupture de canalisation, antérieure à la date de prise d'effet du contrat d'assurance ;

- à titre subsidiaire, le montant de l'indemnité mise à sa charge doit exclure la taxe sur la valeur ajoutée, Paris-Habitat-OPH n'établissant pas qu'il ne peut récupérer cette taxe ;

- il n'est pas justifié que la réparation des ascenseurs, des installations électriques et le contrôle de collecteur des eaux présentent un lien de causalité avec le sinistre ;

- il n'est pas établi que les pertes d'eau soient survenues sur une partie du réseau garantie par le contrat d'assurance ;

- les honoraires relatifs à la maitrise d'oeuvre et à l'expertise sont surévalués par rapport au barème fixé par le contrat ;

- Paris-Habitat-OPH ne justifie pas de pertes indirectes restées à sa charge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2014, Paris-Habitat-OPH, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SMACL sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la SMACL doit accorder sa garantie pour un sinistre qui est survenu après la prise d'effet du contrat, le dommage étant constitué par les fissures en sous-sol et non par les fuites d'eau qui en sont l'origine ;

- il est présumé ne pas récupérer la taxe sur la valeur ajoutée aux termes de l'article 256 B du code général des impôts ;

- la réalité, leur lien de causalité avec le sinistre et le quantum des préjudices réclamés sont justifiés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code des assurances ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de M. Cantié, rapporteur public,

- et les observations de Me Parent, avocat de Paris-Habitat-OPH.

1. Considérant que l'office public Paris-Habitat-OPH, propriétaire d'un immeuble situé 44 et 44 bis avenue Emile Zola à Paris (75015) a confié, par un marché public signé le 16 octobre 2008, les prestations d'assurance " multirisques propriétaire d'immeubles " concernant ces locaux à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) ; qu'il a déclaré, le 11 décembre 2008, un sinistre consistant en des fissures affectant un mur porteur du sous-sol de cet immeuble ; que la SMACL ayant refusé d'accorder sa garantie, il a saisi d'abord le juge judiciaire, puis, après s'être désisté de cette instance, le Tribunal administratif de Paris d'une requête tendant à la condamnation de la SMACL à lui verser une somme de 226 835, 51 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en application de la garantie " multirisques propriétaire d'immeubles " ; que la SMACL relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande et l'a condamnée à verser à Paris-Habitat-OPH une somme de 226 835, 51 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

Sur la mise en oeuvre de la garantie d'assurance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du chapitre II du contrat multirisques souscrit par Paris Habitat-OPH relatif aux dégâts des eaux et autres liquides : " l'assureur garantit les frais et/ou dommages matériels causés aux biens assurés par l'eau ou les liquides sous toutes leurs formes et résultant des causes suivantes, imputables ou non au gel : / fuite, rupture, débordement, engorgement des conduites et canalisations d'adduction, de distribution, d'évacuation et de vidange, enterrées ou non (...) / " ; que le b) de ce même article précise que cette garantie est " étendue au remboursement des pertes d'eau sur compteur à la suite d'une fuite ou d'une rupture de canalisation de situant entre le compteur général et le compteur individuel de chaque occupant " ; qu'enfin l'article 7 du chapitre I intitulé " définitions " de ce contrat définit le sinistre comme " l'événement dommageable ou la réclamation susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces stipulations que les sinistres de dégâts des eaux garantis par ce contrat s'entendent des dommages aux biens causés par une fuite d'eau, et non de cette fuite elle-même ;

3. Considérant qu'il est constant que le sinistre affectant les locaux objets de ce contrat d'assurance, consistant en des fissures affectant un mur porteur du sous-sol, a été déclaré le 16 octobre 2008, soit pendant la période de validité du contrat ; que, dans ces conditions, la SMACL était tenue d'accorder sa garantie à Paris-Habitat-OPH, sans pouvoir lui opposer la circonstance que les fuites d'eau à l'origine de ce sinistre ont débuté en novembre 2007, soit antérieurement à la prise d'effet de ce contrat ; que la SMACL n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à accorder sa garantie à Paris-Habitat-OPH au titre de ce sinistre ;

Sur l'étendue de la garantie :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

4. Considérant que si l'article 256 B du code général des impôts dispose que : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ", Paris-Habitat-OPH n'établit pas que, compte tenu du régime fiscal auquel il est soumis en tant qu'établissement public industriel et commercial, il n'est pas susceptible d'imputer ou de se faire rembourser tout ou partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui grève le coût des travaux de réparation du local endommagé, donné à bail commercial ; que, par suite, la SMACL est fondée à soutenir que les condamnations prononcées au profit de Paris-Habitat-OPH au titre des travaux de réparation des désordres doivent l'être sur la base du montant hors taxes des frais engagés ;

En ce qui concerne le montant des préjudices :

5. Considérant, en premier lieu, qu'en première instance comme en appel, la SMACL se borne à contester l'existence d'un lien de causalité entre le sinistre déclaré et les frais de réparation de l'ascenseur, ainsi que les divers frais relatifs aux travaux urgents d'étaiement, d'électricité, de mise en sécurité et de contrôle des réseaux, sans contester efficacement les constatations du rapport d'expertise amiable imputant ces travaux au sinistre ; que c'est donc à bon droit que le montant de ces travaux a été mis à sa charge ; que toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 en ce qui concerne la TVA, il y a lieu de réformer le jugement en ramenant les montants de 140 330, 17 euros TTC au titre des frais de réparation de l'ascenseur et 3 587,03 euros TTC au titre des travaux urgents à, respectivement, 133 014 euros et 3 400 euros hors taxes ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que pas plus en appel qu'en première instance, la SMACL ne conteste sérieusement les constatations du rapport d'expertise selon lesquelles la rupture de canalisation à l'origine du sinistre est intervenue au niveau de la cour de l'immeuble après le compteur ; que, par suite, la SMACL est tenue de garantir les pertes d'eau résultant de cette rupture, en application des stipulations précitées du b) de l'article 6 du chapitre II du contrat d'assurance, pour un montant qui doit être ramené de 6 968, 43 euros TTC à 6 604 euros hors taxes ;

7. Considérant, en troisième lieu, que pour contester le montant des honoraires des entreprises ayant participé à la maîtrise d'oeuvre des travaux de réparation, ainsi que les honoraires des experts, la SMACL soutient qu'il n'est pas établi par les factures produites que ces honoraires respecteraient les barèmes professionnels ; que, toutefois, si les articles 1er et 2 du chapitre IV intitulé " garantie des frais et pertes divers " du contrat en cause prévoient que ces honoraires ne seront remboursés que s'ils n'excèdent pas, respectivement, le " barème de l'ordre des architectes " et le " barème de la profession ", il ne ressort ni de ces stipulations, ni des allégations de la SMACL, qu'il existerait à la date de signature du contrat ou à la date du présent arrêt un quelconque barème tarifaire opposable en matière d'honoraires d'architectes et d'experts ; que, par suite, la SMACL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été condamnée à prendre en charge les frais justifiés par Paris-Habitat-OPH ; que, toutefois, les sommes de 42 133, 26 euros TTC et 14 034, 95 euros TTC allouées en première instance doivent être ramenées, compte tenu de ce qui été dit au point 4, aux sommes de 35 228 euros hors taxes et 11 735 euros hors taxes ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 11 du chapitre IV " garantie des frais et pertes divers " du contrat, " l'assureur garantit les frais pouvant rester à la charge de l'assuré à la suite d'un sinistre ayant causé aux biens assurés des dommages couverts par le présent contrat (à l'exception de ceux résultant d'un vol) moyennant l'attribution d'une indemnité forfaitaire égale à 10 % du montant pris en charge par l'assureur " ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que Paris-Habitat-OPH a conservé à sa charge, à la suite du sinistre en cause, les frais inhérents aux procédures de passation des marchés publics relatifs aux travaux de remise en état des locaux, ainsi que ceux afférents à l'instance judiciaire intentée à son encontre par le locataire des locaux sinistrés ; que la SMACL n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été condamnée à verser à Paris-Habitat-OPH cette indemnité forfaitaire ; que compte tenu de ce qui précède, et d'une perte de loyers non contestée de 1 324, 58 euros, le montant de cette indemnité doit être fixé à 10 % de l'indemnité totale due à la SMACL, qui compte tenu de la franchise contractuelle de 1 600 euros, s'établit à 189 705,58 euros, soit une somme de 18 970,55 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SMACL est seulement fondée à demander que le montant total de l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à Paris-Habitat-OPH soit ramené de la somme de 226 835,51 euros à celle de 212 276 euros, laquelle n'est pas soumise à la TVA ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

10. Considérant que, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; qu'aux termes de l'article 1154 du même code : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ;

11. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, Paris-Habitat-OPH a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 212 276 euros à compter du 6 avril 2012, date d'enregistrement de sa demande ; que cette société a demandé la capitalisation de ces intérêts le 6 avril 2012 ; qu'à cette date, il n'était pas dû plus d'une année d'intérêts sur cette somme ; que ces intérêts doivent donc être capitalisés à compter du 6 avril 2013, et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SMACL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Paris-Habitat-OPH demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de Paris-Habitat-OPH une somme de 1 500 euros à verser à la SMACL sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que la SMACL a été condamnée à verser à l'office public Paris-Habitat-OPH est ramenée de la somme de 226 835,51 euros à la somme de 212 276 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2012. Les intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 6 avril 2013.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 avril 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'office public Paris-Habitat-OPH versera à la SMACL une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'office public Paris-Habitat-OPH présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) et à l'office public Paris-Habitat-OPH.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2016.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVEN

Le greffier,

A-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02700


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02700
Date de la décision : 12/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-04 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Contenu.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. CANTIE
Avocat(s) : CABINET ALONSO MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-12;14pa02700 ?
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