Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Car Oil a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009 ainsi que des pénalités correspondantes, mis en recouvrement le 7 mars 2012.
Par un jugement n° 1222022 du 18 octobre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2013, la société Car Oil, représentée par
MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1222022 du 18 octobre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité pour défaut de réponses à des moyens ;
- la proposition de rectification n'était pas motivée ;
- la procédure d'opposition à contrôle fiscal n'était pas justifiée ;
- la procédure de taxation d'office est irrégulière au titre des années 2007 et 2008 en l'absence de mise en demeure de déposer une déclaration fiscale pour ces années ;
- l'administration fiscale a commis un abus de droit rampant dès lors que le service vérificateur a estimé qu'elle avait créé de faux documents comptables ;
- les impositions et intérêts et pénalités ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 avril 2014 et le 24 juin 2014, le Ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête par des moyens contraires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la réclamation préalable ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société Car Oil, qui exerce une activité de négoce de lubrifiants, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2006 au
30 juin 2009 qui a abouti à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements en matière d'impôts sur les sociétés selon la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal, le tout avec intérêts et pénalités de retard ; qu'elle relève appel du jugement en date du
18 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que le tribunal a omis de répondre à son moyen tiré de l'absence de motivation de la proposition de rectification qui lui a été adressée ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues au II de l'article L. 47 A. " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Car Oil a été informée de l'engagement du contrôle par un avis de vérification du 14 juin 2010, qui précisait que la première intervention aurait lieu au siège de la société situé à Dracy-le-Fort (Saône-et- Loire) le 28 juin 2010 à 15 heures ; que la société a été en outre invitée à tenir à la disposition du vérificateur ses documents comptables et pièces justificatives et, dans la mesure où sa comptabilité était informatisée, l'ensemble des informations, données, traitements et documentation visés au deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ; qu'elle a accusé réception de cet avis le
16 juin 2010 ; que, par un courrier du 29 mars 2011, reçu le 30 mars 2011, le vérificateur a informé la société qu'il mettrait en oeuvre des traitements informatiques et l'invitait à faire connaître son choix entre les différentes modalités de traitement prévues à l'article L. 47. A du livre des procédures fiscales ; que, par courrier du 14 avril 2011, la société choisissait de mettre à disposition du vérificateur, dans l'entreprise, le matériel et les fichiers nécessaires ; que si, aux termes d'un échange de courriers, la date du 10 juin 2011 a finalement été retenue pour procéder au contrôle, il est constant qu'à cette date, les éléments nécessaires aux traitements informatiques n'ont pas été présentés aux agents vérificateurs, le conseil de la société informant lesdits agents du déménagement du siège social à Paris, intervenu le 23 mai 2011 avec effet au 16 mai ; que par courrier du
20 juin 2011, reçu le 22 juin, le vérificateur indiquait à la société, après un entretien avec son conseil, maintenir le traitement informatique dans les locaux de Dracy-le-Fort et fixait la date des opérations de contrôle au 11 juillet 2011 ; qu'à cette date, les éléments nécessaires au contrôle n'ont toujours pas été présentés, le gérant se bornant à réaffirmer que le siège de la société avait été transféré à Paris ; que, par courrier du 12 juillet 2011, le vérificateur demandait à la société de lui indiquer à quelle adresse et dans quelles conditions les traitements informatiques pourraient avoir lieu et lui précisait les sanctions encourues en cas d'opposition à contrôle fiscal ; que le gérant n'a pas répondu pertinemment à ce courrier en se bornant à communiquer la copie d'une lettre qu'il avait adressée le 18 août 2011 à la sous-préfecture de Soissons concernant une procédure de retrait de permis de conduire dont il faisait l'objet ; qu'enfin, par lettre du 12 septembre 2011, les agents chargés du contrôle ont annoncé leur venue le 4 octobre au siège social à Paris et rappelé à la société les sanctions encourues en cas d'opposition à contrôle fiscal ; que lorsqu'ils se sont présentés aux date et heure prévues, le personnel du centre d'affaires dans lequel était domiciliée ...; qu'eu égard à l'ensemble de ces faits, le vérificateur était fondé à considérer que la société s'était opposée au contrôle et à dresser, en conséquence, un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal, lequel a été réceptionné par la société le 25 octobre 2011 ;
5. Considérant que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office ; que, par suite, alors même que l'administration a adressé une proposition de rectification à la société Car Oil, celle-ci ne pouvait utilement soutenir que cette proposition était insuffisamment motivée ; que le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre aux moyens inopérants, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité de ce chef ;
6. Considérant, en second lieu, que si la société Car Oil soutient encore que le tribunal n'a pas répondu à son observation sur l'erreur de calcul qui aurait été commise par l'administration fiscale sur le montant des charges à déduire et par suite sur la détermination du résultat imposable, il résulte du considérant 7 du jugement, que le tribunal a suffisamment répondu au moyen soulevé ; que, par suite, le jugement n'est pas non plus entaché d'irrégularité sur ce point ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du point 4 que l'opposition à contrôle fiscal est établie ; qu'ainsi la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'évaluation d'office mise en oeuvre sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales était irrégulière ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que si la société relève que la réponse aux observations du contribuable fait référence à l'absence de régularisation à la suite de la mise en demeure prévue par l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, il résulte toutefois des termes même de cette réponse que l'administration a fait application de la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal ; que ce n'est qu'à titre subsidiaire que l'administration fiscale a soutenu que la taxation d'office des revenus de la société pouvait également être fondée sur l'absence de réponse à une mise en demeure ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'envoi régulier, par l'administration, d'une mise en demeure préalable à la procédure de taxation d'office est inopérant ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte du point 5 que le moyen tiré de l'absence de motivation de la proposition de rectification est également inopérant ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que la société Car Oil a produit tant en première instance qu'en appel des documents comptables qui n'avaient pas été produits lors de la vérification de comptabilité et que l'administration fiscale considère comme non probants dans le cadre de la procédure contentieuse ; qu'ainsi ces documents n'ont pas été écartés pour fonder les redressements ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait implicitement, et donc irrégulièrement, mis en oeuvre la procédure d'abus de droit en écartant les documents comptables produits par la société ne peut, en tout état de cause qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; que, dès lors que les impositions en litige ont été mises à la charge de la société Car Oil par voie de taxation d'office, la charge de la preuve de l'exagération des impositions incombe à la requérante ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée retenu par le service a été celui déclaré par la société et que le montant de la taxe admise en déduction a été limité au montant de la taxe déduite sur les acquisitions intra communautaires mentionnées sur les déclarations CA 3 mais que la taxe afférente aux achats d'autres biens et services n'a pas été retenue ; que la société Car Oil a produit devant les premiers juges et en appel, divers documents comptables et un nombre très important de copies de documents, de factures et de relevés bancaires ; que l'ensemble des documents produits ont été édités postérieurement, non seulement au contrôle, mais également à la clôture de chacun des exercices, soit en mars 2012 au plus tôt ; que, par ailleurs, le grand livre des comptes édité en 2013 comporte des montants différents de ceux figurant sur celui édité en 2012 ; qu'ainsi l'intangibilité des enregistrements comptables n'est pas établi ; que, contrairement à ce que soutient la société Car Oil, les factures produites, dont certaines sont manuscrites ou illisibles ou ne comportent pas le nom du débiteur, ne sont pas toutes régulières en la forme ; que les documents produits ne permettent pas d'établir un lien entre les déclarations CA3 produites et les factures présentées ; que contrairement à ce que soutient la société Car Oil, elle n'a pas justifié du paiement de l'ensemble des factures présentées, malgré la demande qui lui en a été adressée, les justificatifs n'étant pas systématiquement produits, et notamment, en qui concerne le mois de novembre 2007, pour les factures numérotées
172, 168, 164, 165, 166, 161, 167, 188, 173, 174, 176, 177, 208 ; qu'il en est de même sur toute la période en litige ; qu'ainsi contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'a pas produit la copie de tous les extraits de comptes bancaires pour les années 2007 à 2009 démontrant l'effectivité du paiement des factures ; qu'ainsi, en se bornant à soutenir que toutes les factures sont régulières et que la seule omission ou inexactitude sur la facture de l'une des mentions obligatoires n'entraîne pas nécessairement la remise en cause de la validité d'une facture pour l'exercice des droits à déduction de la taxe dès lors que l'opération est justifiée dans sa réalité, ce qui n'est pas établi, la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les déductions opérées étaient justifiées ; qu'en outre, l'administration fiscale soutient sans être contredite qu'en ce qui concerne les factures produites pour les frais de déplacement du gérant, l'objet des déplacements n'est pas précisé alors que le gérant de la société requérante était également le dirigeant d'autres sociétés et qu'il n'est pas établi que ces déplacements même professionnels se rapporteraient uniquement à la société Car Oil ; que l'administration soutient encore sans être contredite, en ce qui concerne les factures de téléphone, EDF ou GDF, et de façon générale les frais généraux afférents à l'administration des locaux, que les locaux ne sont pas uniquement occupés par la société Car Oil, mais également par la société Nob et la société Car Oil Fuels qui avaient le même dirigeant que la société requérante et que les seules factures, sans contrat d'abonnement, ne permettent pas de retenir que le service facturé a été consommé par elle pour les besoins de son exploitation propre ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les factures produites postérieurement au contrôle ne peuvent être regardées dans leur ensemble comme probantes et donc comme justifiant des déductions opérées ; que la contestation de la société Car Oil relative aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne peut qu'être rejetée ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
13. Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs indiqués au point 12, la société requérante ne conteste pas utilement le profit sur le Trésor réintégré à ses résultats ;
14. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) Sous réserve de l'option prévue à l' article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants " ;
15. Considérant qu'en raison de son opposition au contrôle fiscal, la société requérante n'a pas justifié de l'existence et du montant des déficits imputés par elle au titre des exercices
2006 à 2008 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'elle ne peut se prévaloir d'une comptabilité dont les écritures sont sincères et dont le caractère serait probant par la production, en outre après contrôle, d'une comptabilité partielle éditée en 2012 puis rectifiée en 2013 ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à demander le report de déficits antérieurs ;
16. Considérant qu'en ce qui concerne la détermination du résultat imposable, il résulte de l'instruction que les charges admises en déduction ont été déterminées à partir des déclarations annuelles des salaires et honoraires versés, des achats ressortant du chiffre d'affaires déclaré par le fournisseur de la société requérante ainsi que du montant des acquisitions intracommunautaires figurant sur les déclarations de taxe sur le chiffre d'affaires et du montant de taxe professionnelle mis à la charge de la société ; que la société requérante ne conteste pas utilement les impositions mises à sa charge en se bornant à invoquer un montant de charges déductibles, sans en préciser la nature ;
Sur les pénalités :
17. Considérant que la société requérante ne conteste les intérêts et pénalités mis à sa charge qu'en conséquence du principal ; que pour les motifs indiqués aux points précédents, sa contestation ne peut, dès lors, qu'être rejetée ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Car Oil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel repris à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Car Oil demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Car Oil est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Car Oil, au ministre des finances et des comptes publics et à la Direction de contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 avril 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
A.L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA04590