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31/03/2016 | FRANCE | N°15PA00267

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 31 mars 2016, 15PA00267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la lettre du 13 juillet 2010 par laquelle le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a refusé de lui communiquer les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur, ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur s'opposant à sa demande que la décision du président de la CNIL révèle. Il a également demandé

au tribunal d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sous astreinte de 1 000 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la lettre du 13 juillet 2010 par laquelle le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a refusé de lui communiquer les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur, ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur s'opposant à sa demande que la décision du président de la CNIL révèle. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de l'autoriser à obtenir la communication, l'accès et la rectification des informations contenues le concernant dans le fichier en cause.

Par un jugement n° 1411658/6-1 du 21 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 janvier 2015 et 11 février 2016, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1411658/6-1 du Tribunal administratif de Paris du 21 novembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande tendant à obtenir la communication, l'accès et la rectification des informations le concernant contenues dans le fichier de renseignements du ministère de l'intérieur ;

3°) d'annuler la lettre du président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en date du 13 juillet 2010 lui indiquant que les vérifications portant sur le fichier de renseignements du ministère de l'intérieur ont été effectuées et ne permettent pas de lui apporter de plus amples informations ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de l'autoriser à obtenir la communication, l'accès et la rectification des informations le concernant contenues dans le fichier en cause ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 15 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- les auteurs des décisions contestées n'étaient pas compétents pour les signer ;

- les décisions contestées, en particulier, celle de la CNIL, chargée de procéder aux vérifications portant sur les fichiers, ne sont pas motivées ;

- aucune des décisions contestées n'a été prise contradictoirement ;

- le refus opposé à sa demande de communication, d'accès et de rectification des informations contenues dans le fichier de renseignements du ministère de l'intérieur a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 ; il n'est pas établi que la communication des informations le concernant contenues dans ce fichier serait de nature à porter atteinte à la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ;

- les mentions figurant dans ce fichier, auxquelles il demande à avoir accès et dont il demande la rectification, ont un caractère discriminatoire, le privent de la possibilité postuler à des emplois publics ou privés et lui causent un préjudice de carrière ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle repose sur des motifs hypothétiques, procédant d'une pure spéculation, fondée sur les croyances religieuses du requérant, alors que son casier judiciaire est vierge ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a d'ores et déjà été soumis à des enquêtes et des contrôles de police entre 1998 et 2006 et qu'il ne constitue pas une menace pour la sûreté de l'Etat, ni pour la sécurité aéroportuaire ;

- les conséquences de la mesure contestée sur sa situation personnelle sont excessives, dès lors qu'il est seul en mesure de pourvoir aux besoins de sa famille et qu'il est privé de la possibilité de travailler.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2015, le président de la CNIL conclut au rejet de la requête de M.A.réservés à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, au ministre de l'intérieur de communiquer à la Cour les éléments mentionnés dans les motifs de la présente décision, dans les conditions que ces motifs prévoient

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M.A.réservés à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, au ministre de l'intérieur de communiquer à la Cour les éléments mentionnés dans les motifs de la présente décision, dans les conditions que ces motifs prévoient

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Blanc,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...a saisi, le 21 juillet 2006, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'une demande tendant à obtenir la communication et la rectification des informations le concernant contenues dans les fichiers de police ou ayant un usage de police ; qu'en réponse à sa demande, la CNIL l'a informé que l'accès aux fichiers en cause s'exerçait selon les modalités prévues à l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 et lui a indiqué, par lettre du 3 novembre 2009, qu'il n'était enregistré ni dans le système de traitement des infractions constatées (STIC), ni dans le fichier JUDEX de la gendarmerie nationale ; que, par une lettre du 13 juillet 2010, le président de la CNIL a, par ailleurs, informé M. A...que des vérifications portant sur le fichier de renseignements du ministère de l'intérieur avaient également été effectuées mais qu'elles ne permettaient pas de lui apporter de plus amples informations ; que M. A...fait appel du jugement du 21 novembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la lettre du 13 juillet 2010 par laquelle le président de la CNIL a refusé de lui communiquer les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur ainsi que de la décision implicite du ministre de l'intérieur s'opposant à sa demande que la décision du président de la CNIL révèle ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 13 juillet 2010 du président de la CNIL :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 : " (...) lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant (...) " ; qu'aux termes de l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de cette loi : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations (...) / Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La commission peut constater, en accord avec le responsable du traitement, que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et qu'il y a lieu de l'en informer. En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / Lorsque le traitement ne contient aucune information concernant le demandeur, la commission informe celui-ci, avec l'accord du responsable du traitement. / En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, s'agissant de l'exercice du droit d'accès indirect et de rectification relatif à des données à caractère personnel contenues dans des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, il revient à la CNIL, à laquelle la demande d'accès aux données est adressée, de désigner l'un de ses membres pour mener, en son nom, les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires ; que, toutefois, lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, à ce qu'il soit informé que ces informations doivent être rectifiées ou supprimées, ou à ce qu'il soit informé que le traitement ne contient aucune information le concernant, l'indication alors fournie au demandeur par le président de la Commission, selon laquelle il a été procédé aux vérifications nécessaires, ne peut être regardée comme l'exercice par la Commission de l'une de ses compétences mais comme la simple notification d'une décision de refus d'accès prise par le responsable du traitement ; que la lettre du 13 juillet 2010, par laquelle le président de la CNIL a informé M. A...que la commission avait procédé aux vérifications nécessaires, doit ainsi être regardée comme procédant seulement à la notification du refus opposé par le ministre de l'intérieur à la demande de l'intéressé ; qu'une telle lettre ne constituant pas elle-même une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions tendant à son annulation ;

Sur les conclusions dirigées contre le refus opposé par le ministre de l'intérieur à la demande de M.A... :

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi 6 janvier 1978 et du décret du 20 octobre 2005 que lorsque, dans le cadre de l'instruction d'un recours dirigé contre le refus de communiquer des informations relatives à une personne mentionnée dans un fichier intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique dont l'acte de création a fait l'objet d'une dispense de publication, le ministre refuse la communication de ces informations au motif que celle-ci porterait atteinte aux finalités de ce fichier, il lui appartient néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite, à la demande du juge, ces informations ou tous éléments appropriés sur leur nature et les motifs fondant le refus de les communiquer de façon à lui permettre de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de ce dernier, sans que ces éléments puissent être communiqués aux autres parties, auxquelles ils révèleraient les finalités du fichier qui ont fondé la non publication du décret l'autorisant ;

5. Considérant que le ministre de l'intérieur se prévaut de ce que M. A...a déjà obtenu la communication d'une notice établie par l'unité de coordination de lutte antiterroriste (UCLAT) le concernant et soutient que les éléments figurant dans cette notice sont de nature à justifier le refus opposé au requérant de lui communiquer les informations le concernant, éventuellement contenues, dans le fichier de renseignements dont il a la responsabilité, dès lors qu'une telle communication porterait atteinte aux finalités mêmes de ce fichier ; que, toutefois, afin de permettre à la Cour d'apprécier les mérites de cette argumentation, il y a lieu, avant dire droit, et tous droits et moyens des parties réservés, d'ordonner au ministre de l'intérieur de lui communiquer tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux informations concernant M. A... inscrites, à la date de sa décision, dans le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur, sans que ces éléments soient versés au contradictoire ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions présentées par M. A...tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la lettre du 13 juillet 2010 du président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sont rejetées.

Article 2 : Est ordonné, avant dire droit, tous droits et moyens des parties demeurant.réservés à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, au ministre de l'intérieur de communiquer à la Cour les éléments mentionnés dans les motifs de la présente décision, dans les conditions que ces motifs prévoient

Article 3 : Ces éléments devront parvenir au greffe de la Cour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de l'intérieur et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Délibéré après l'audience du 17 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 mars 2016.

Le rapporteur,

P. BLANC Le président,

C. JARDINLe greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00267
Date de la décision : 31/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-07-05-02-05 Droits civils et individuels.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : GUEMIAH

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-31;15pa00267 ?
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