Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Architecture et Avenir (AetA) a demandé au Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser, au titre de l'exécution d'un marché de maîtrise d'oeuvre, des indemnités de 4 324 062 francs FCP au titre de l'allongement du chantier et 8 833 845 francs CFP en rémunération de prestations supplémentaires, assorties des intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2012, la somme de 3 758 930 francs CFP en paiement de son dernier acompte soldant le marché, avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2014, et enfin la somme de 1 000 000 francs CFP à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n° 1300390 du 2 octobre 2014, le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a condamné la Nouvelle-Calédonie à verser à la SARL AetA une somme de
3 000 000 de francs CFP et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement les 24 décembre 2014, 7 janvier 2015 et 29 décembre 2015, la SARL AetA, représentée par
MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1300390 du 2 octobre 2014 en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 14 775 834 francs FCP avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2012, et une somme de 3 758 930 francs CFP avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2014 au titre de l'exécution du marché de maîtrise d'oeuvre ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ayant formulé une réclamation, le 7 février 2014, elle est recevable à demander le paiement de ses prestations contractuelles ;
- elle est recevable à majorer en appel le montant de sa demande au titre de l'allongement de la durée du marché, qui procède des mêmes causes que sa réclamation du 11 juillet 2013 ;
- une somme de 4 324 062 FCFP lui est due en paiement des prestations supplémentaires demandées par le maitre d'ouvrage ou s'imposant à lui, en application de l'article 6-2 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché, ces travaux ne lui étant pas imputables ;
- l'erreur de conception des fondations est exclusivement imputable au géotechnicien ;
- cette somme doit être déterminée par application du taux de rémunération contractuel de 10 % déjà appliqué dans le cadre des différents avenants, sa demande ayant un fondement contractuel et non indemnitaire ;
- une somme de 10 974 360 FCFP TTC lui est due en indemnisation de l'allongement de 12 mois de la durée d'exécution de la seule tranche G2, qui est imputable au seul maître d'ouvrage ;
- une somme de 3 758 930 FCFP TTC lui est due en règlement du solde contractuel du marché de base, en l'absence de toute contestation sur le point de la Nouvelle-Calédonie, qui supporte la preuve de la charge du paiement.
Par un mémoire en défense, et deux mémoires complémentaires, enregistrés respectivement les 20 octobre 2015, 23 février et 2 mars 2016, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la SELARL DetS Legal, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de la requérante tendant à l'allocation des sommes de 3 758 930 FCFP et de 10 451 772 FCFP sont irrecevables faute de réclamation préalable ;
- la demande indemnitaire formulée au titre des travaux supplémentaires ne peut être accueillie dès lors qu'elle est fondée sur une faute d'une entreprise tierce ;
- une partie des travaux supplémentaires n'est pas imputable au maître d'ouvrage et ne peut être retenue ;
- le taux de rémunération retenu par le tribunal doit être confirmé, le taux de 10 % ne constituant pas une exécution loyale du contrat ;
- l'allongement de la durée du chantier ne peut donner lieu à indemnisation en l'absence d'avenant, la rémunération du maître d'oeuvre étant forfaitaire ;
- la Nouvelle-Calédonie n'a pas à supporter les conséquences des fautes d'une entreprise tierce ;
- les conséquences du découpage de la tranche conditionnelle en deux tranches ont déjà été indemnisées ;
- aucune stipulation contractuelle ne prévoyant une exécution simultanée des deux tranches, le délai contractuel d'exécution a été exactement arrêté par le jugement contesté à 30 mois ;
- la requérante n'établit pas l'existence et l'étendue des prestations supplémentaires engendrées par cet allongement ;
- les fautes commises par la requérante doivent venir diminuer le montant de cette indemnisation.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions nouvelles en appel de la SARL AetA.
Un mémoire produit pour la SARL AetA a été enregistré le 4 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de M. Cantié, rapporteur public,
- et les observations de Me Crapart, avocat de la Nouvelle-Calédonie.
1. Considérant que la SARL Architecture et Avenir s'est vu confier, par un marché à prix forfaitaire signé le 17 août 2007, les prestations de maîtrise d'oeuvre des travaux de réhabilitation et d'extension du lycée Escoffier à Nouméa, dont le maître d'ouvrage est, depuis l'année 2012, la Nouvelle-Calédonie ; qu'à la suite de la réception des travaux, elle a saisi le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui payer le solde de ses prestations contractuelles, ainsi que des prestations supplémentaires non prévues au marché et à l'indemniser des préjudices résultant pour elle de la prolongation de la durée du chantier ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie n'a fait droit qu'à une partie de sa demande, à hauteur de 3 000 000 de francs CFP, et a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2. Considérant que la personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle; qu'il en va ainsi même lorsque le requérant n'a spécifié aucun chef de préjudice précis devant les premiers juges ;
3. Considérant que, devant le tribunal administratif, la société Architecture et Avenir avait limité ses conclusions tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'indemnisation de l'allongement du chantier à la somme de 8 835 845 francs CFP ; qu'elle ne diminue pas le montant de ses autres conclusions et ne se prévaut en appel d'aucun chef de préjudice autre que ceux pour la réparation desquels cette somme avait été demandée, non plus que d'une aggravation de ce préjudice ; que les conclusions qu'elle présente devant la Cour tendant à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 10 451 772 FCFP constituent ainsi une demande nouvelle et ne sont, dès lors, pas recevables ;
En ce qui concerne les prestations supplémentaires :
4. Considérant que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération ; qu'en outre, le maître d'oeuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat ; que, dans l'hypothèse où une modification de programme ou de prestations a été décidée par le maître de l'ouvrage, le droit du maître d'oeuvre à l'augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage ; qu'en revanche, ce droit n'est subordonné, ni à l'intervention de l'avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993, ni même, à défaut d'avenant, à celle d'une décision par laquelle le maître d'ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d'oeuvre ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 9-2 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige : " Pour chaque tranche, dans chaque cas le maître d'oeuvre estimera les incidences de ces modifications sur sa rémunération forfaitaire en décomposant par élément de mission " ;
6. Considérant qu'il est constant que le programme de l'opération de réhabilitation et d'extension du lycée Escoffier a donné lieu à des modifications et à des travaux supplémentaires ayant engendré des prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre ; que si la requérante demande à ce titre le paiement d'une somme de 4 324 062 francs CFP, par application du taux contractuel de sa rémunération au coût total de ces travaux supplémentaires, il résulte de l'instruction, et notamment des fiches descriptives de ces travaux, que seule une partie d'entre eux, à savoir les travaux relatifs à la mise en service anticipée demandée par la Nouvelle-Calédonie et ceux destinés à remédier aux carences imputables à une entreprise tierce (fiches n° 37 à 42, 46, 47, 48, 56, 58, 62, 65 à 70, 72 à 74b, 76, 82, 83, 87, 89, 90, 91, 95 à 101), ainsi que ceux relatifs à la reprise des fondations (fiches n° 49 à 53), d'un montant total de 62 675 000 francs CFP, sont la conséquence de modifications dans la consistance du projet s'imposant au maître de l'ouvrage, de modifications du programme demandées par celui-ci ou ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
7. Considérant, par ailleurs, que la requérante, dont des prestations supplémentaires antérieures ont été rémunérées, conformément à l'avenant n° 3 au marché, par application d'un taux de 4,45 %, n'établit pas que les nouvelles prestations supplémentaires qu'elle a du effectuer au titre de ces travaux devraient donner lieu à une rémunération au taux initial de 10 %, lequel incluait notamment des études de conception qui n'ont pas dû être reprises à l'occasion de ces travaux supplémentaires ; que, par suite, les premiers juges ont exactement évalué la rémunération due à la requérante au titre de ces prestations supplémentaires à la somme de 2 500 000 francs CFP ;
En ce qui concerne l'allongement de la durée des travaux :
8. Considérant qu'en se bornant à faire état d'une précédente indemnisation au titre d'une suspension du chantier, intervenue de mai 2010 à février 2011, à la demande du maître d'ouvrage, la requérante n'établit pas que le nouvel allongement de la durée du chantier, quelle que soit sa durée exacte, ait engendré pour elle un bouleversement de l'économie du contrat de maîtrise d'oeuvre
au-delà de la somme de 500 000 francs CFP qui lui a été allouée à ce titre par les premiers juges ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à demander que l'indemnité qui lui a été allouée sur ce fondement soit portée à la somme de 10 974 360 francs CFP TTC ;
En ce qui concerne le paiement des prestations :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un courrier du 7 février 2014, reçu par la Nouvelle-Calédonie le 11 février 2014, la SARL Architecture et Avenir a demandé le paiement de la facture correspondant aux dernières prestations exécutées dans le cadre du marché en litige ; que, par suite, la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondée à soutenir que les conclusions présentées devant le tribunal administratif tendant au paiement de cette facture, pour un montant de 3 758 930 francs CFP, étaient irrecevables faute de réclamation préalable ;
10. Considérant qu'il est constant que la SARL Architecture et Avenir a réalisé la totalité des prestations mises à sa charge par le marché en litige et qu'aucune réserve n'a été émise à leur sujet lors des opérations de réception, laquelle a été prononcée au 25 septembre 2012 ; que, par suite, elle est fondée à demander que la Nouvelle-Calédonie soit condamnée à lui verser une somme de 3 758 930 francs CFP correspondant aux travaux objets de la facture émise le 5 novembre 2013, dont la Nouvelle-Calédonie, qui ne peut utilement invoquer l'absence de production par la SARL d'une attestation d'assurance, ne conteste d'ailleurs pas qu'ils n'ont pas été payés ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Architecture et Avenir est seulement fondée à demander que la somme de 3 000 000 francs CFP que la Nouvelle-Calédonie a été condamnée à lui verser soit portée à la somme de 6 758 930 francs CFP, et que le jugement attaqué soit réformé dans cette mesure ;
Sur les intérêts :
12. Considérant que la SARL Architecture et Avenir a droit aux intérêts au taux légal sur la somme supplémentaire de 3 758 930 francs CFP à compter de la réception de sa réclamation tendant au paiement de cette somme, intervenue le 11 février 2014 ; qu'elle a également droit à ces mêmes intérêts sur la somme de 3 000 000 francs CFP à compter de la réception de sa première réclamation le 9 octobre 2012 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL Architecture et Avenir, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Nouvelle Calédonie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Nouvelle Calédonie une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Architecture et Avenir sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le montant que la Nouvelle Calédonie a été condamnée à verser à la SARL Architecture et Avenir est portée de la somme de 3 000 000 francs CFP à la somme de 6 758 930 francs CFP. Ce supplément de 3 758 930 francs CFP portera intérêts au taux légal à compter du 11 février 2014. La somme de 3 000 000 francs CFP portera intérêts à compter du 9 octobre 2012.
Article 2 : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie du 30 juin 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La Nouvelle Calédonie versera à la SARL Architecture et Avenir une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Architecture et Avenir et à la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme D'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2016.
Le rapporteur,
P. HAMON Le président,
B. EVEN
Le greffier,
A-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au ministre des outre mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA05269