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17/03/2016 | FRANCE | N°14PA03213

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 17 mars 2016, 14PA03213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Aleca a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de droits en matière de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, respectivement au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1317627/1-2 du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a reje

té sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Aleca a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de droits en matière de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, respectivement au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1317627/1-2 du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juillet 2014, le 19 janvier 2015 et le 17 juin 2015, la société Aleca, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1317627/1-2 du 4 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités litigieuses.

Elle soutient que :

- les motifs du jugement sont mal fondés en ce qui concerne les rectifications en matière de non déductibilité des pertes opérées au titre de la transmission universelle de patrimoine et résultant du non déductibilité des " pertes reportables " inscrites au bilan ;

- il résulte des dispositions de l'article 1844-5 du code civil, de l'article 7, 4ème paragraphe du règlement n° 2004-001 du 4 mai 2004 du comité de la règlementation comptable et de l'avis n° 2004-01 du 25 mars 2004 du conseil national de la comptabilité que la transmission universelle de patrimoine résultant de la dissolution sans liquidation d'une filiale au profit de son associé unique intervient trente jours après sa publication de l'opération dans un journal d'annonces légales ; il résulte également de la jurisprudence de la Cour de cassation qu'en cas de dissolution d'une société unipersonnelle dont l'associé unique est une personne morale, la personnalité de celle-ci prend fin de plein droit à l'issue du délai de trente jours ouvert aux créanciers pour faire opposition, sauf opposition d'un créancier dans ce délai ; la décision de dissolution d'une société est en outre irrévocable ; l'opération de transmission universelle a par ailleurs acquis date certaine et était opposable à l'administration dès lors que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Dica a été soumis à la formalité de l'enregistrement le 16 octobre 2006 ;

- l'opération de transmission universelle du patrimoine du 3 octobre 2006 a bien été approuvée par la société Aleca elle-même, dont le gérant avait signé cet acte ;

- la dissolution sans liquidation de la société Dica décidée le 3 octobre 2006 avec effet rétroactif au 1er janvier 2006 étant devenue définitive trente jours après sa publication, la transmission universelle de patrimoine de la société Dica à la requérante est intervenue au cours de l'exercice clos en 2006 ; par ailleurs, la personnalité morale de la société Dica ayant définitivement disparu le 12 novembre 2006 à l'expiration du délai d'opposition des créanciers, la confusion de patrimoine avait produit tous ses effets à cette date et aucune opération de transmission de patrimoine n'a pu intervenir en 2008 ; dès lors, en mettant à sa charge au titre de l'exercice clos en 2008 les rehaussements résultants des conséquences de cette transmission universelle de patrimoine, l'administration a méconnu les dispositions susmentionnées ;

- la fixation en 2006 de la date des effets de la transmission universelle du patrimoine de société Dica résulte également de la doctrine contenue dans les instructions fiscales publiées sous les références 4-I-1-03 du 7 juillet 2003 et I-1-05 n° 65 du 30 décembre 2005, en vertu desquelles la confusion intervient à la date du transfert de patrimoine à l'expiration du délai d'opposition des créanciers, trente jours après la publication dans un journal d'annonces légales, lesquelles sont opposables à l'administration en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- elle était de bonne foi et les rectifications résultant de la réintégration comme non déductibles des pertes litigieuses sont la conséquence des fautes commises à son préjudice par son expert-comptable en omettant de comptabiliser au titre de l'exercice clos en 2006 les conséquences de la confusion de patrimoine.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 février et 20 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable en application des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle reproduit intégralement et exclusivement le texte de la demande de première instance et ne comporte aucun moyen d'appel ;

- le jugement attaqué est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative du fait d'une omission de réponse au moyen tiré par la société Aleca du bénéfice de la doctrine fiscale ;

- la société Aleca a elle-même, d'une part, enregistré au titre de l'exercice clos en 2008 les écritures comptables relatives à la transmission universelle de patrimoine de la société Dica et, d'autre part, fixé les effets de cette transmission au 1er janvier 2008 à titre rétroactif comme l'établit le procès-verbal de son assemblée générale extraordinaire du 5 juin 2008 ;

- la société Dica a poursuivi ses activités jusqu'en 2008 ;

- la société Aleca n'est pas fondée à se prévaloir de la décision de dissolution intervenue en 2006 dès lors que cette décision a été prise par la société Dica et non par la société Aleca ;

- les autres moyens soulevés par la société Aleca ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société à responsabilité Aleca, qui exploite une activité de confection de prêt-à-porter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés ; que, par une proposition de rectification du 14 novembre 2011, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, l'administration a, notamment, réintégré dans les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2008 une " perte sur confusion de patrimoine " d'un montant de 364 823 euros correspondant à l'actif net négatif de la société Dica ; que, par un jugement du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que la société Aleca relève appel de ce jugement ;

Sur l'aplication de la loi fiscale :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que, si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

S'agissant de la réintégration d'une perte pour confusion de patrimoine d'un montant de 364 823 euros déduite des résultats de l'exercice clos en 2008 :

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " (...) II bis.-En cas de reprise d'un passif excédant la valeur réelle de l'actif qui est transféré à l'occasion d'une opération mentionnée au 3° du I de l'article 210-0 A, la charge correspondant à cet excédent ne peut être déduite " ; que le I de l'article 210-0 A du même code dispose que : " Les dispositions relatives aux fusions et aux scissions, prévues au 7 bis de l'article 38, au I ter et au V de l'article 93 quater, aux articles 112, 115, 120, 121,151 octies, 151 octies A, 151 octies B, 151 nonies, 208 C, 208 C bis, 210 A à 210 C, aux deuxième et quatrième alinéas du II de l'article 220 quinquies et aux articles 223 A à 223 U, sont applicables : (...) 3° Aux opérations décrites au 1° et au 2° pour lesquelles il n'est pas procédé à l'échange de titres de la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport contre les titres de la société absorbée ou scindée lorsque ces titres sont détenus soit par la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport, soit par la société absorbée ou scindée " ;

4. Considérant, en l'espèce, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes non contestés de la proposition de rectification du 14 novembre 2011, page 15, que la société Aleca a déduit des résultats de l'exercice clos en 2008 une somme de 364 822,64 euros, correspondant à l'actif net négatif de la société Dica, qu'elle avait comptabilisée au compte 671810 en tant que " perte sur confusion de patrimoine " ; que le service a réintégré ce montant dans les résultats de ce même exercice au motif que, pour les opérations de confusion de patrimoine décidées depuis le 1er janvier 2005, il résultait des dispositions précitées du II bis de l'article 209 du code général des impôts que la perte correspondant à l'excédent du passif sur la valeur réelle de l'actif transféré ne peut pas être déduite ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, ce chef de rehaussement ne résulte pas de la fixation par le service au 1er janvier 2008 des effets de la transmission universelle du patrimoine de la société Dica, dont la requérante soutient qu'elle est intervenue en 2006, mais du caractère non déductible de la perte sur confusion de patrimoine que la société Aleca avait comptabilisée au titre de l'exercice clos en 2008 ;

5. Considérant, à cet égard, d'une part, que la société requérante ne conteste pas le principe du caractère non déductible des pertes litigieuses ;

6. Considérant, d'autre part, qu'en se bornant à soutenir que la transmission universelle de patrimoine résultant de la dissolution sans liquidation de la société Dica avait produit tous ses effets au cours de l'exercice clos en 2006, elle ne critique pas utilement le principe de la réintégration dans son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2008 des pertes litigieuses qu'elle avait elle-même déduites des résultats de ce même exercice, dès lors au surplus qu'il résulterait de l'éventuel bien-fondé de son moyen qu'elle n'était en tout état de cause pas fondée, comme elle l'a fait, à déduire le mali de confusion litigieux de ses résultats de l'exercice clos en 2008 ;

7. Considérant, enfin, qu'elle ne peut utilement se prévaloir, pour contester la réintégration en cause, ni de sa bonne foi, ni des fautes qu'aurait commises son expert-comptable en omettant de comptabiliser au titre de l'exercice clos en 2006 lesdites pertes de confusion résultant de la transmission universelle du patrimoine de la société Dica ;

S'agissant des autres charges réintégrées :

8. Considérant, pour les mêmes motifs que ceux résultant des points 2, 6 et 7, qu'en se bornant à soutenir que la transmission universelle de patrimoine résultant de la dissolution sans liquidation de la société Dica avait produit tous ses effets au cours de l'exercice clos en 2006, la société requérante, sur qui repose la charge de la preuve du principe de la déductibilité des charges qu'elle a déduites de son bénéfice, ne critique pas utilement le principe de la réintégration dans son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2008 de la perte de 6 157,67 euros qu'elle a elle-même déduite des résultats de ce même exercice ; que, pour les mêmes motifs, la requérante ne conteste pas plus utilement la réintégration par l'administration dans les bénéfices de l'exercice clos en 2009 de la somme de 148 188,54 euros que la société Aleca avait déduite au 31 décembre de cet exercice en tant que charge exceptionnelle résultant de l'abandon d'une créance transmise par la société Dica ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée d'un montant de 9 002 euros en litige mis à la charge de la société Aleca au titre de l'exercice clos en 2008 résulte de l'inscription par la société requérante pour la première fois au passif du bilan de cet exercice d'une dette de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, la dette étant comptabilisée au 1er janvier du premier exercice non prescrit, le service était fondé à procéder au rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige au titre de cet exercice, sans qu'il importe à cet égard que la dette de taxe initiale de la société Dica lui aurait été transmise en 2006 ;

Sur le bénéfice de la doctrine fiscale :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour contester les impositions et pénalités en litiges, de ce qu'il résulterait de la doctrine contenue dans les instructions fiscales publiées sous les références 4-I-1-03 du 7 juillet 2003 n°6 et n° 4 I-1-05 n° 65 du 30 décembre 2005 que la date des effets de la transmission universelle du patrimoine de société Dica est intervenue au cours de l'année 2006 ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir et la recevabilité du moyen tiré de l'irrégularité du jugement soulevés par le ministre des finances et des comptes publics, que la société Aleca n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Aleca est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aleca et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 3 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03213
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-09 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SASSI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-17;14pa03213 ?
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