Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Society of Architects and Developers (SADE) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 septembre 2012 par laquelle le préfet de la région d'Île-de-France a refusé son accord à l'octroi du permis de construire un centre spirituel et culturel orthodoxe russe, à l'angle du Quai Branly et de l'avenue Rapp, à Paris (7ème arrondissement).
Par un jugement n° 1313407, 1313449/7-1 du 27 janvier 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la Fédération de Russie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 mars 2014 et un mémoire enregistré le 15 février 2016, la société " Society of Architects and Developers " (SADE) représentée par Me Fauquet, demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'annuler le jugement n° 1313407, 1313449/7-1 du 27 janvier 2014 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2012 du préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet de la région d'Île-de-France de produire la copie des dossiers d'instruction des demandes de permis de construire déposés par la Fédération de Russie, ainsi que le " dossier intégral de la réunion organisée avec l'UNESCO le 27 avril 2012 " ;
4°) d'ordonner une enquête sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l'affaire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- l'avis contesté, qui a convaincu la Fédération de Russie de retirer sa demande de permis de construire et de résilier le contrat de maîtrise d'oeuvre dont elle était titulaire, constitue un avis conforme et lui fait grief ;
- l'avis a été pris à la suite de pressions politiques illégales, alors qu'elle avait remporté un concours international d'architectes, en présentant un projet conforme au cahier des charges du concours ; qu'elle a subi un abus d'autorité ;
- l'avis est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, méconnait les dispositions du code du patrimoine et du code de l'urbanisme et constitue un détournement de pouvoir ;
- les mesures d'instruction sollicitées sont utiles ;
- les premiers juges ont fait une inexacte application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à sa charge des frais de procédure à verser à la Fédération de Russie, dont les conclusions en ce sens étaient irrecevables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2015, le ministre de la culture et de la communication, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société " Society of Architects and Developers " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le ministre fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable, d'une part, parce qu'elle est dirigée contre un acte qui, constituant une mesure préparatoire, n'a pas de caractère décisoire et, d'autre part, parce que la requérante n'a aucun intérêt à agir à la date d'introduction de son recours contentieux, par application des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, et alors qu'elle n'était plus le maître d'oeuvre de la Fédération de Russie ;
- à titre subsidiaire, et au fond, que l'avis attaqué est suffisamment motivé, qu'il n'est pas entaché de détournement de pouvoir, ni d'erreur manifeste d'appréciation ni d'erreur de droit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert, président-assesseur,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Fauquet, avocat de la société SADE,
- et les observations de Me Baïta, avocat du ministre de la culture et de la communication.
1. Considérant que la Fédération de Russie, qui a acquis en 2010 un terrain d'une superficie de 4 245 m² à l'angle du quai Branly et de l'avenue Rapp dans le VIIème arrondissement de Paris, a, après l'organisation d'un concours, confié à la société Society of Architects and Developers la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un centre culturel et religieux comprenant une église orthodoxe, un séminaire, une bibliothèque, des salles polyvalentes, des logements et un jardin ; qu'après le classement sans suite d'une première demande de permis de construire, la Fédération de Russie a déposé le 29 mai 2012 auprès des services de l'Etat une deuxième demande de permis ; que l'architecte des bâtiments de France, agissant dans le cadre des articles R. 425-30 du code de l'urbanisme et L. 341-10 et R. 341-9 du code de l'environnement, a émis sur cette demande un avis défavorable le 28 septembre 2012, au motif que, par sa volumétrie et son expression architecturale, le projet était de nature à porter atteinte au site inscrit de Paris ; que, le 28 septembre 2012, le préfet de la région d'Île-de-France a, en application des articles R. 423-10 du code de l'urbanisme et L. 621-30 du code du patrimoine, également émis un avis défavorable, au motif que le projet n'apportait pas les garanties techniques suffisantes pour permettre d'assurer la bonne conservation du Palais de l'Alma, immeuble classé au titre des monuments historiques le 30 octobre 2002 et adossé au projet, et était de nature, en raison de sa volumétrie et de son expression architecturale, à porter atteinte à la perception de ce monument historique ; que, le 20 novembre 2012, la Fédération de Russie a retiré sa demande de permis de construire ; que, par le jugement attaqué du 27 janvier 2014, le tribunal administratif de Paris, saisi par la société requérante d'une demande tendant à l'annulation des avis et décision précités, a rejeté ces conclusions en jugeant, s'agissant de la décision du préfet de la région d'Île-de-France, que lorsque le préfet refuse de délivrer l'accord prévu par les dispositions des articles R. 423-10 et R. 425-16 du code de l'urbanisme, il ne prend aucune décision susceptible de recours ; que la société relève régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a refusé d'annuler la décision du 28 septembre 2012 du préfet de la région d'Île-de-France et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la Fédération de Russie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2012 du préfet de la région d'Île-de-France :
2. Considérant, d'une part, que lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, alors même qu'il s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours ; que des moyens tirés de la régularité et du bien-fondé de ce refus d'accord préalable peuvent toutefois, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette dernière décision ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 423-10 du code de l'urbanisme : " Lorsque la demande de permis ou la déclaration préalable porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques ou sur un immeuble adossé à un immeuble classé, un des exemplaires de la demande et du dossier est transmis par l'autorité compétente au service départemental de l'architecture et du patrimoine, dans la semaine qui suit le dépôt, pour accord du préfet de région " et qu'aux termes de l'article R. 425-16 du même code : " Lorsque le projet porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques ou sur un immeuble adossé à un immeuble classé monument historique, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable doit faire l'objet de l'accord prévu par les articles L. 621-27 ou L. 621-30 du code du patrimoine. / Cet accord est donné par le préfet de région " ;
4. Considérant que lorsque le préfet refuse de délivrer l'accord prévu par les dispositions précitées des articles R. 423-10 et R. 425-16 du code de l'urbanisme, il ne prend aucune décision susceptible d'être contestée indépendamment du recours éventuellement dirigée par toute personne justifiant d'un intérêt à agir contre la décision d'autorisation de construire subséquente prise par l'autorité compétente ; que la nature juridique de cet acte n'est pas modifiée par la circonstance, à la supposer établie, que le refus d'accord serait en l'espèce à l'origine du retrait, par la Fédération de Russie, de la demande de permis de construire qu'elle avait déposée ; qu'il suit de là que la société " Society of Architects and Developers " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevables les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la décision prise le 28 septembre 2012 par le préfet de la région d'Île-de-France sur le fondement des dispositions précitées ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société " Society of Architects and Developers " dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 septembre 2012 ne peuvent qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que la Cour ordonne diverses mesures d'instruction, qui ne sont pas utiles ;
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
7. Considérant, d'une part, que la Fédération de Russie a été mise en cause par les premiers juges en qualité de demandeur du permis de construire qui a donné lieu aux avis défavorable et refus d'autorisation de l'architecte des bâtiments de France et du préfet de région attaqués par la société " Society of Architects and Developers ", demande de permis de construire que la Fédération de Russie avait d'ailleurs retirée dès le 20 novembre 2012 antérieurement à l'introduction des requêtes de première instance ; que ces avis et refus n'ayant créé aucun droit à son profit, leur éventuelle annulation à la demande de la société " Society of Architects and Developers " n'était pas de nature à préjudicier à ses droits ; qu'ainsi la Fédération de Russie n'aurait pas eu, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, qualité pour faire tierce opposition au jugement ; que, dès lors, elle n'était pas partie au litige au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ne pouvait, alors même qu'elle avait été invitée en la cause par le tribunal, demander à bénéficier d'une somme au titre des frais exposés pour présenter ses observations ; qu'ainsi la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée, par l'article 2 du jugement attaqué, à verser une somme de 1 500 euros à la Fédération de Russie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
8. Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, verse à la société requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés pour son appel ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société appelante une somme de 1 500 euros au titre des frais que l'Etat a exposés pour sa défense ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 27 janvier 2014 du tribunal administratif de Paris est annulé et la demande de première instance de la Fédération de Russie tendant à la condamnation de la société " Society of Architects and Developers " à lui verser une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société " Society of Architects and Developers " est rejetée.
Article 3 : La société " Society of Architects and Developers " versera une somme de 1 500 euros à l'Etat (ministère de la culture et de la communication) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié la société " Society of Architects and Developers ", au ministre de la culture et de la communication et à la Fédération de Russie.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
Mme Pellissier, présidente de chambre,
M. Diémert, président-assesseur,
Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
Le rapporteur,
S. DIEMERT
La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
F. TROUYETLa République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA01239