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14/03/2016 | FRANCE | N°15PA02304

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 14 mars 2016, 15PA02304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a placé en rétention administrative.

Par une ordonnance du 29 avril 2015, la présidente du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Tribunal administratif de Melun la requête de M.B....

Par un jugement n

1503284 du 2 mai 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a placé en rétention administrative.

Par une ordonnance du 29 avril 2015, la présidente du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Tribunal administratif de Melun la requête de M.B....

Par un jugement n° 1503284 du 2 mai 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé l'arrêté du 27 avril 2015 plaçant M. B...en rétention administrative, et, d'autre part, rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du même jour portant décision de reconduite à la frontière et fixant le pays de destination.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2015, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun du 2 mai 2015 en tant qu'il a pour partie rejeté ses conclusions ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 avril 2015 portant décision de reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de 10 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions du 2° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles la décision de reconduite à la frontière contestée a été prise sont incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée préfet du Val-d'Oise, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. C...B..., de nationalité tunisienne, né le 21 mars 1989 à Gafsa (Tunisie), est entré en France le 28 mai 2010, sous couvert d'un visa valable jusqu'au 30 août 2012 valant autorisation de travail délivrée en application des stipulations de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif aux échanges de jeunes professionnels ; qu'il a sollicité du préfet de la Seine-Saint-Denis son admission exceptionnelle au séjour et la délivrance d'un titre de séjour " salarié " ; que, par un arrêté du 4 mars 2014, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; qu'il a été interpellé le 27 avril 2015 alors qu'il travaillait sans titre de séjour ; que, par deux arrêtés du même jour, le préfet du

Val-d'Oise a décidé, d'une part, sa reconduite à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il établit être légalement admissible et, d'autre part, son placement en rétention administrative ; que M. B...fait appel du jugement du 2 mai 2015 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté portant décision de reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité l'arrêté de reconduite à la frontière :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger, sauf s'il est au nombre de ceux visés à l'article L. 121-4, doit être reconduit à la frontière : 1° Si son comportement constitue une menace pour l'ordre public. La menace pour l'ordre public peut s'apprécier au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales sur le fondement des articles du code pénal cités au premier alinéa de l'article L. 313-5 du présent code, ainsi que des 1°, 4°, 6° et 8° de l'article 311-4, de l'article 322-4-1 et des articles 222-14, 224-1 et 227-4-2 à 227-7 du code pénal ; 2° Si l'étranger a méconnu l'article L. 5221-5 du code du travail. Le présent article ne s'applique pas à l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 (...). " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil : " La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu'au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l'homme " ; que son champ d'application est précisé par son article 2 selon lequel : " 1. La présente directive s'applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d'un Etat membre (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort clairement de ces dispositions que la directive n'est applicable qu'aux décisions de retour qui sont prises par les Etats membres au motif que les étrangers sont en situation de séjour irrégulier ; que la directive n'a pas vocation à régir les procédures d'éloignement qui reposent sur des motifs distincts, notamment la menace à l'ordre public ou la méconnaissance d'autres normes de portée générale, telle que l'obligation de détenir une autorisation de travail pour exercer une activité professionnelle ; qu'ainsi, les décisions prises sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne relèvent pas de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, alors même qu'elles peuvent légalement intervenir à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière, dès lors que le motif qui fonde ces décisions n'est pas l'irrégularité du séjour des intéressés mais l'exercice d'une activité professionnelle sans autorisation des services compétents ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les objectifs de cette directive doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant, célibataire et sans charge de famille, n'établit résider habituellement en France que depuis 2014 ; qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache en Tunisie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans ; qu'il n'allègue, ni n'établit, être dans l'impossibilité de poursuivre son activité professionnelle dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 27 avril 2015 portant décision de reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 mars 2016.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02304
Date de la décision : 14/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-14;15pa02304 ?
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