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07/03/2016 | FRANCE | N°15PA02906

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 07 mars 2016, 15PA02906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 30 avril 2014 par lequel le ministre de l'intérieur a ordonné son expulsion en application de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1410685/7-3 du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2015, M.F..., repr

senté par Me Pigeon, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1410685/7-3 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 30 avril 2014 par lequel le ministre de l'intérieur a ordonné son expulsion en application de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1410685/7-3 du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2015, M.F..., représenté par Me Pigeon, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1410685/7-3 du 21 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du ministre de l'intérieur du 30 avril 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre aux autorités consulaires de lui délivrer un visa dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la mesure d'expulsion :

- l'auteur de l'arrêté contesté n'était pas compétent pour le signer ;

- avant de prendre l'arrêté litigieux, le ministre de l'intérieur aurait dû recueillir l'avis de la commission d'expulsion, dès lors que l'urgence absolue n'est pas établie ;

- le ministre de l'intérieur, qui n'établit pas la matérialité des faits sur lesquels il s'est fondé pour ordonner son expulsion, a entaché sa décision d'une erreur de fait ;

- le ministre de l'intérieur a commis une erreur de droit en se fondant sur des motifs qui correspondent à des faits reprochés à des personnes qui seraient en relation avec lui, et non sur des faits qu'il aurait lui-même commis ou qui lui seraient imputables ; il n'est pas l'auteur de faits qui auraient donné lieu à des sanctions pénales ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'établit pas que seraient réunies les conditions auxquelles ces dispositions subordonnent la possibilité de prononcer une mesure d'expulsion ;

- en ordonnant son expulsion au lieu de le déférer aux autorités judiciaires compétentes, le ministre de l'intérieur a méconnu l'article 40 du code de procédure pénale ;

- en lui reprochant des faits pénalement répréhensibles, alors que ces faits n'ont pas fait l'objet d'une sanction pénale, le ministre de l'intérieur a méconnu le principe de la présomption d'innocence, auquel il est soumis dans l'exercice de son pouvoir de police ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a disposé d'aucun recours effectif lui permettant de contester l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu l'article 4 du quatrième protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité et de l'annulation de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été signée par une autorité incompétente ;

- en fixant l'Algérie comme pays de renvoi, le ministre de l'intérieur a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a disposé d'aucun recours effectif lui permettant d'invoquer les traitements inhumains et dégradants qu'il encourt dans son pays d'origine ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu l'article 6-1 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en fixant l'Algérie comme pays de renvoi, le ministre a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur sa situation personnelle ;

- l'annulation de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre implique nécessairement que l'autorité administrative lui délivre un certificat de résidence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 400 euros soit mise à la charge de M. F...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel de M. F...est irrecevable, à défaut de respecter l'exigence de motivation prévue par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- aucun des moyens invoqués par M. F...n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 4 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Blanc,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de M.C..., représentant du ministre de l'intérieur.

Une note en délibéré, enregistrée le 16 février 2016, a été présentée par le ministre de l'intérieur.

1. Considérant que M.F..., ressortissant algérien, né en 1977, a été interpellé le 19 mars 2014 par la police turque à bord d'un autocar qui s'apprêtait à franchir illégalement la frontière en direction de la Syrie ; qu'à son arrivée sur le sol national, le ministre de l'intérieur, par arrêté du 30 avril 2014, a décidé son expulsion en urgence absolue à destination de l'Algérie en application des dispositions des articles L. 521-3 et L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. F...relève appel du jugement du 21 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la mesure d'expulsion :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " À compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 du décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer : " (...) La direction des libertés publiques et des affaires juridiques prépare et met en oeuvre la législation relative aux libertés publiques et aux polices administratives (...) " ;

3. Considérant que l'arrêté du 30 avril 2014 ordonnant l'expulsion de M. F... a été signé par M. B... D..., qui a été nommé directeur des libertés publiques au ministère de l'intérieur par décret du 9 avril 2014, publié au journal officiel de la République française, le 11 avril suivant ; que celui-ci était ainsi compétent pour signer l'arrêté contesté en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, lesquelles ne sont, ni trop imprécises, ni trop générales, dès lors que la délégation qu'elles prévoient est limitée aux seules affaires placées sous l'autorité du délégataire qu'elles désignent ; que, par ailleurs, en application de l'article 13 du décret du 12 août 2013 précité, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques est compétent pour " mettre en oeuvre la législation relative aux libertés publiques et aux polices administratives ", dont font partie les mesures d'expulsion prise à l'encontre des étrangers ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de ce que le signataire de l'arrêté du 30 avril 2014 n'aurait pas été titulaire d'une délégation de signature régulière ou n'aurait pas été compétent manquent en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : 1o L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; 2o L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans (...) " ;

5. Considérant que pour justifier la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. F...en application des dispositions précitées de l'article L. 521-3, le ministre de l'intérieur a relevé aux termes de son arrêté du 30 avril 2014 que l'engagement du requérant au profit du jihad international était établi et que celui-ci constituait, de ce fait, une menace permanente, dès lors qu'il était susceptible de participer à la constitution d'un groupe extrémiste à potentiel violent, qui serait capable de commettre ou de fomenter une action terroriste sur ou depuis le territoire national ; que les éléments sur lesquels s'est fondé le ministre de l'intérieur proviennent d'une note établie par la direction centrale du renseignement intérieur, dont il ressort, en particulier, que M. F...était en relation étroite et permanente avec des membres de la mouvance islamiste radicale, partisans du jihad armé, qui ont été impliqués dans le recrutement d'individus pour intégrer une filière jihadiste et pénalement condamnés pour avoir apporté une aide notamment logistique à un réseau terroriste ou poursuivis pour s'être rendus en Syrie mener le jihad ; que M. F...est également lié à un groupe d'individus originaires d'Albertville, dont plusieurs ont quitté la France dans le courant du mois de février 2014 à destination de la Turquie, avec l'intention de se rendre en Syrie ; qu'il s'est lui-même rendu, le 16 février 2014, en Turquie et y a été interpellé par les autorités de ce pays, le 14 mars suivant, alors qu'il se trouvait à bord d'un autocar qui s'apprêtait à franchir illégalement la frontière turque en direction de la Syrie, en compagnie de plusieurs membres du groupe d'individus d'Albertville, qui ont expressément déclaré aux autorités, les ayant interrogés, avoir voulu rejoindre la Syrie ; que l'influence du requérant à l'égard de personnes qui se sont rendues en Syrie a été révélée par des témoignages de membres de leur famille, qui ont signalé leur départ aux autorités publiques ; que si M. F...soutient que le ministre de l'intérieur n'établirait pas la matérialité des faits dont il se prévaut à son encontre, il ne conteste pas les circonstances de son arrestation, ni n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ceux, suffisamment précis et circonstanciés, sur lesquels la mesure d'expulsion litigieuse est fondée ; que contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance qu'il n'aurait pas commis d'infractions pour lesquelles il aurait été pénalement condamné ou qu'il n'ait pas été poursuivi pour de telles infractions, ne faisait pas obstacle ce que le ministre de l'intérieur décide son expulsion, dès lors qu'une telle mesure, qui n'a pas le caractère d'une sanction, constitue une mesure de police destinée à préserver l'ordre public ; qu'ainsi, en considérant que le comportement de M. F...devait être regardé comme étant de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat et qu'il était lié à des activités à caractère terroriste au sens de l'article L. 521-3, le ministre de l'intérieur n'a pas méconnu ces dispositions, ni entaché sa décision d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : (...) 2o L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative (...) " ;

7. Considérant qu'eu égard à la gravité des faits reprochés à M. F...et à la situation résultant des actes de terrorisme perpétrés sur le territoire national au cours du mois de mars 2012, le ministre de l'intérieur n'a pas non plus commis d'erreur d'appréciation, en estimant, à la date à laquelle elle a été prononcée, que l'expulsion de M.F... revêtait un caractère d'urgence absolue au sens du I de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'avait pas, ainsi, à saisir la commission prévue par ces dispositions avant de prendre l'arrêté contesté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que l'obligation à laquelle est tenue l'autorité administrative d'informer le procureur de la République des crimes et délits dont elle a connaissance en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale n'a aucune incidence sur la légalité de la mesure de police que constitue une mesure d'expulsion ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que le requérant ne peut pas utilement se prévaloir des garanties qui entourent les procédures judiciaires, dès lors qu'une mesure d'expulsion n'a pas le caractère d'une peine mais d'une mesure de police administrative ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la présomption d'innocence est inopérant à l'encontre de l'arrêté contesté, par lequel le ministre de l'intérieur s'est borné à tirer les conséquences de la menace, suffisamment établie par les pièces du dossier, que constitue l'intéressé pour l'ordre public ;

10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l' ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

11. Considérant que si M. F...fait valoir qu'il est arrivé en France en 1980, accompagné de sa famille, à l'âge de 2 ans et demi, qu'il a vécu toute sa vie en Savoie et qu'il est très bien intégré à la société française, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a déclaré être célibataire depuis son divorce, prononcé le 9 mai 2013, et qu'il est père d'un enfant, âgé de quatre ans seulement à la date de l'arrêté contesté, qui vit avec sa mère en Algérie, où il est lui-même propriétaire d'un logement ; qu'ainsi, eu égard à la gravité des faits reprochés à l'intéressé et à la circonstance qu'il a conservé des attaches fortes avec l'Algérie, où réside sa fille mineure, le ministre de l'intérieur, en décidant son expulsion, n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise ;

12. Considérant, en septième lieu, que si M. F...se prévaut des stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoit, pour toute personne relevant de la juridiction des parties contractantes, des garanties relatives aux conditions d'arrestation ou de détention, un tel moyen est inopérant à l'égard d'un arrêté d'expulsion, qui n'implique pas en lui-même l'arrestation ou la détention de l'intéressé ;

13. Considérant, en huitième lieu, que M. F...reproche au ministre de l'intérieur d'avoir procédé à l'exécution de l'arrêté du 30 avril 2014 immédiatement après sa notification et soutient qu'il aurait ainsi été privé de la possibilité d'exercer un recours effectif contre cet acte en méconnaissance des garanties prévues par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que toutefois la légalité d'une mesure d'expulsion ne dépend pas des conditions dans lesquelles un tel acte peut être contesté devant le juge ; qu'ainsi, l'absence de recours suspensif, à supposer que cette circonstance ne respecte pas les exigences de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est en elle-même sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté du 30 avril 2014 ;

14. Considérant, en neuvième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du protocole additionnel n° 4 de la convention européenne susvisée : " Les expulsions collectives d'étrangers sont interdites " ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure d'expulsion contestée a été prise au vu d'un examen de la situation particulière du requérant et qu'aucune autre mesure d'expulsion n'a été prononcée à l'encontre des autres individus interpellés en même temps que M. F..., qui avaient la nationalité française ; qu'ainsi, le requérant ne saurait utilement soutenir que les stipulations précitées auraient été méconnues ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

16. Considérant, en premier lieu, que les moyens invoqués par le requérant à l'encontre de la mesure d'expulsion n'étant pas fondés, le moyen dont il se prévaut pour contester la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'illégalité de la mesure d'expulsion sur laquelle cette décision est fondée, doit être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...E...qui était compétent pour signer la mesure d'expulsion prononcée à l'encontre de M.F..., était également, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés au point 3, compétent pour déterminer le pays de renvoi ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

19. Considérant que si M. F...soutient qu'il encourt en Algérie des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne, il n'établit pas qu'il serait pénalement poursuivi par les autorités algériennes pour des actes de terrorisme, ni qu'il aurait été condamné en Algérie, ainsi qu'il l'allègue, à une peine d'emprisonnement de trois ans ; qu'en tout état de cause, le fait d'être incarcéré pour des actes de terrorisme ne constitue pas en soi un traitement contraire à l'article 3 précité ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant qu'il serait expulsé à destination de son pays d'origine, le ministre de l'intérieur aurait méconnu ces stipulations ; que le ministre de l'intérieur n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur la situation personnelle de M.F... ;

20. Considérant, en quatrième lieu, que M.F..., pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination, dès lors que la légalité de cette décision ne dépend pas des conditions dans lesquelles elle peut être contestée devant le juge ;

21. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que le moyen tiré des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 avril 2014, par lequel le ministre de l'intérieur a ordonné son expulsion ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. F...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement de la somme que le ministre de l'intérieur demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 11 février 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 mars 2016.

Le rapporteur,

P. BLANC Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02906
Date de la décision : 07/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : PIGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-07;15pa02906 ?
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