Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Mara Télécom a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française l'annulation de la décision du ministre de l'économie, des finances, du travail et de l'emploi de la Polynésie française en date du 21 août 2012 refusant d'appliquer les articles LP 339-1 et LP 339-2 dans leur rédaction issue de la loi de pays du 6 septembre 2011, et à ce qu'il soit enjoint à l'autorité compétente de réexaminer sa demande tendant à l'annulation des rôles d'imposition établis à son encontre.
Par un jugement n° 1200611 du 19 mars 2013, le Tribunal administratif de la
Polynésie française a rejeté la requête de la société Mara Télécom.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2013 par télécopie et régularisée le 24 juin 2013, la société Mara Télécom, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200611 du 19 mars 2013 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de prononcer la décharge des impositions résultant des rôles établis pour un montant total de 1 500 000 000 francs CFP ;
3°) d'annuler la décision du ministre de l'économie, des finances, du travail et de l'emploi de la Polynésie française en date du 21 août 2012 refusant d'appliquer les articles LP 339-1 et LP 339-2 dans leur rédaction issue de la loi de pays n° 2011-27 du 26 septembre 2011 ;
4°) d'enjoindre à l'autorité compétente de réexaminer sa demande tendant à l'annulation des rôles d'imposition établis à son encontre et de faire application des articles LP 339-1 et LP 339-2 dans leur rédaction issue de la loi de pays du 26 septembre 2011 avec émission de nouveaux rôles et échelonnement des sommes à payer ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française les entiers dépens et le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement, qui ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la décision attaquée ne pouvait être contestée par la voie de l'excès de pouvoir, ni les raisons pour lesquelles il a qualifié les conclusions de la société de simple recours pour excès de pouvoir ; les demandes de la société tendaient à obtenir la réduction des sommes mises à sa charge, plus précisément à un échelonnement de leur paiement ; sa requête tendait également à une injonction de réexamen de la demande en vue de l'application des articles LP 339-1 et LP 339-2 dans leur rédaction issue de la loi de pays du 26 septembre 2011, ce qui équivalait à une demande de réduction ;
- dans sa réclamation, elle a fait état de ses difficultés financières et demandé en conséquence à l'annulation des rôles d'imposition et une nouvelle émission de ces rôles afin de bénéficier des dispositions prévoyant un échelonnement plus avantageux pour le paiement du droit d'accès ; une telle demande s'apparente à une demande de décharge suivie d'une réduction des sommes mises à sa charge ; dès lors, le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que c'était à juste titre que l'administration avait considéré la réclamation présentée par la société comme une réclamation contentieuse ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la société a entendu introduire le recours contentieux prévu par les articles 611-8 et suivants du code des impôts de la Polynésie française ;
- le ministre n'était pas compétent pour prendre la décision contestée ;
- les nouveaux articles LP 339-1 et LP 339-2 prévoient des conditions de versement plus avantageuses avec un étalement sur 9 ans ; le paiement du droit d'accès en trois ans pénalise fortement la société Mara Télécom ; la décision contestée refuse le bénéfice du nouvel échéancier de paiement alors qu'un opérateur concurrent en bénéficie ; il en résulte une rupture d'égalité entre opérateurs de télécommunication qui n'est justifiée par aucune différence de situation entre la société Mara Télécom et les sociétés concurrentes ayant obtenu une autorisation en 2012 ; la
société Mara Télécom n'ayant pas pu bénéficier matériellement de l'attribution antérieure de ses autorisations, elle se retrouve dans une situation identique à celle de ses concurrents qui ont obtenu une autorisation en 2012 ;
- la société Mara Télécom n'a eu aucune possibilité d'utiliser son autorisation de télécommunications mobiles entre le 9 octobre 1998, date de d'obtention de l'autorisation, et le
18 mai 2011, date de publication de l'arrêté fixant le tarif de terminaison d'appel vocal sur le réseau mobile de l'opérateur Tikiphone ; en l'absence de tarif de référence d'interconnexion, les opérateurs autres que l'opérateur historique ne pouvaient pas effectivement exploiter leur autorisation ; le montant exigé par la Polynésie française ne peut pas être regardé comme la contrepartie de la possibilité d'exploiter une autorisation de télécommunications mobiles ; dès lors, le ministre s'est fondé sur une créance irrégulière pour refuser la demande d'annulation des rôles émis au titre des années 2008 à 2011.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 décembre 2013 et 11 décembre 2013, la Polynésie française, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la société a présenté un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif dans sa requête sommaire du 12 novembre 2012 et son mémoire ampliatif du 9 janvier 2013 ;
- la société n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle n'aurait pas reçu les avis d'imposition ; dès lors, la réclamation était tardive pour les impositions établies au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;
- le délai imparti pour statuer sur cette réclamation expirait le 22 décembre 2012 ; la requête déposée le 13 novembre 2012 devant le tribunal administratif était prématurée et par voie de conséquence irrecevable ;
- les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge des impositions résultant des rôles d'imposition établis entre 2008 et 2011 au nom de la société Mara Télécom pour un montant total de 1 500 000 000 de francs CFP, qui présentaient le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société Mara Télécom a obtenu, par un arrêté du 5 mai 2008 du conseil des ministres de la Polynésie française, une autorisation d'utilisation de fréquences radioélectriques pour un réseau de télécommunication mobile ouvert au public ; que la Polynésie française a émis entre 2008 et 2011 au nom de la société Mara Télécom neuf rôles d'imposition pour un montant total de 1 500 000 000 de francs CFP au titre du droit d'accès forfaitaire annuel à l'exploitation des réseaux et services de télécommunication ; que, conformément aux dispositions alors applicables de l'article 339-2 du code des impôts de la Polynésie française, ces rôles d'imposition prévoyaient un premier versement de 500 000 000 de francs CFP suivi de huit versements trimestriels de 125 000 000 de francs CFP chacun ; que la société a acquitté une somme de 305 000 000 de francs CFP à titre d'acompte sur le premier rôle d'imposition établi le 12 juin 2008 ; qu'elle a demandé l'annulation des rôles d'imposition établis à son encontre et l'émission de nouveaux rôles lui permettant de bénéficier de l'échelonnement plus avantageux du paiement du droit d'accès forfaitaire prévu par les nouvelles dispositions des articles LP 339-1 et LP 339-2 du code des impôts de la Polynésie française ; que le ministre de l'économie, des finances, du travail et de l'emploi de la Polynésie française a opposé le 21 août 2012 un refus, au motif que la modification de ces textes était intervenue en 2011, postérieurement à l'émission des rôles d'imposition ; que la société
Mara Télécom relève appel du jugement du 19 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2012 ;
Sur la recevabilité des conclusions en décharge :
2. Considérant que les conclusions tendant à la décharge des impositions résultant des rôles d'imposition établis entre 2008 et 2011 au nom de la société Mara Télécom pour un montant total de 1 500 000 000 de francs CFP, au titre du droit d'accès forfaitaire annuel à l'exploitation des réseaux et services de télécommunication, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la décision en litige ne pouvait être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, ni celles ayant conduit le tribunal à qualifier les conclusions de la société de recours pour excès de pouvoir ; qu'il ressort toutefois des termes du jugement attaqué, qui mentionne dans ses visas la demande de la société tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2012, que " la société Mara Télécom se borne à demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation de cette décision " et que les décisions prises sur la réclamation présentée par un contribuable qui entend contester une imposition mise à sa charge " ne sont pas détachables de la procédure d'imposition et ne peuvent donc faire l'objet que du recours contentieux prévu par les articles 611-8 et suivants du code des impôts de la
Polynésie française tendant à la décharge ou à la réduction des sommes mises à la charge du contribuable, sans pouvoir être déférées au tribunal administratif par la voie de recours pour excès de pouvoir " ; que par suite, le tribunal a suffisamment motivé son jugement sur les points qui viennent d'être mentionnés ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du dossier de première instance que la société, dans ses mémoires déposés les 9 janvier et 27 mars 2013, a également demandé, dans un paragraphe intitulé " conclusions aux fins d'injonction ", qu'il soit enjoint à l'autorité compétente de réexaminer sa demande tendant à l'annulation des rôles d'imposition établis à son encontre et à l'application des nouvelles dispositions des articles LP 339-1 et LP 339-2 ; que, contrairement à ce que soutient la société, de telles conclusions ne sauraient être analysées comme une demande en réduction des impositions mises à sa charge ; que dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait retenu une interprétation erronée des conclusions dont il était saisi ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article LP 611-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Les réclamations relatives aux impôts ou pénalités dont l'assiette incombe à la direction des impôts et des contributions publiques ressortissent à la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir, soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'une disposition législative ou réglementaire. (...) " ;
6. Considérant que la société requérante fait valoir que la demande qu'elle avait formulée dans sa réclamation, qui tendait à l'annulation des rôles d'imposition et à une nouvelle émission de ces rôles afin de bénéficier des dispositions prévoyant un échelonnement plus avantageux pour le paiement du droit d'accès, devait être analysée comme une demande de décharge suivie d'une réduction des sommes mises à sa charge ; qu'il résulte du moyen tel qu'il est exposé par la société que la réclamation du 22 juin 2012 doit être regardée comme une réclamation contentieuse au sens des dispositions précitées de l'article LP 611-1 ; qu'ainsi, la qualification invoquée par la société est identique à celle retenue par le tribunal qui indique dans son jugement que l'administration a considéré à bon droit qu'il s'agissait d'une réclamation contentieuse ; qu'en tout état de cause, la requête présentée par la société devant le tribunal administratif ne reprenait pas les termes de la réclamation ; que dès lors, le moyen tiré de ce que cette réclamation contenait une demande en réduction du droit d'accès forfaitaire doit être écarté ;
7. Considérant, en dernier lieu, que les décisions par lesquelles l'administration statue sur la réclamation du contribuable qui entend contester la créance de l'administration fiscale, en tout ou en partie, en ce qui concerne les impositions auxquelles il a été assujetti, ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition ; qu'elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux que dans le cadre de la procédure prévue aux articles 5 et suivants de l'ordonnance susvisée du 8 juillet 1998 et aux articles 611-2 et suivants du code des impôts de la Polynésie française ;
8. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que la société Mara Télécom, dans ses différents mémoires déposés devant le tribunal administratif, qu'elle a elle-même intitulés " recours pour excès de pouvoir ", a explicitement demandé l'annulation de la décision du
21 août 2012 ; que, contrairement à ce que prétend la société, ces mémoires ne contiennent aucune demande en décharge ou en réduction du droit d'accès forfaitaire auquel elle a été assujettie ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, ses conclusions aux fins d'injonction ne pouvaient pas être interprétées comme des conclusions aux fins de décharge ou de réduction ; que la décision du
21 août 2012, par laquelle l'administration a refusé de faire droit à la réclamation de la société
Mara Télécom, n'est pas détachable de la procédure contentieuse engagée par cette dernière et ne saurait dès lors faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que par suite, les conclusions de la requête de la société Mara Télécom, qui tendent à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision, ne sont pas recevables ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la Polynésie française, que la société Mara Télécom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande comme étant irrecevable ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu de laisser à la charge de la société requérante la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Mara Télécom est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mara Télécom et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 mars 2016.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA02401