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25/02/2016 | FRANCE | N°15PA03185

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 25 février 2016, 15PA03185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur lui refusant la communication des informations le concernant figurant au sein des traitements automatisés de données à caractère personnel de la direction centrale du renseignement intérieur et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les informations qu'il sollicite.

Par jugement avant dire droit n° 1415059/6-1 du 29 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a enjoint

au ministre de l'intérieur, dans un délai de deux mois à compter de la notific...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur lui refusant la communication des informations le concernant figurant au sein des traitements automatisés de données à caractère personnel de la direction centrale du renseignement intérieur et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les informations qu'il sollicite.

Par jugement avant dire droit n° 1415059/6-1 du 29 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a enjoint au ministre de l'intérieur, dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision, de lui communiquer, pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire, tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux informations concernant l'intéressé contenues dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur ou, le cas échéant, tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 6 août 2015, le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler le jugement avant dire droit n° 1415059/6-1 du 29 mai 2015.

Il soutient que le jugement attaqué, en lui prescrivant de communiquer au juge, pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire, tous éléments d'information appropriés sur les motifs du refus opposé au requérant, alors qu'il ne peut procéder à aucune communication de données relevant d'un fichier dit de " souveraineté ", compte tenu de la finalité d'un tel fichier, a méconnu les dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 ainsi que l'article 88 du décret du 20 octobre 2005.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2015, M.A..., représenté par Me C..., conclut au rejet du recours du ministre de l'intérieur et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen invoqué par le ministre de l'intérieur n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Blanc,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 : " Par dérogation aux articles 39 et 40, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. /Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant. / Lorsque le traitement est susceptible de comprendre des informations dont la communication ne mettrait pas en cause les fins qui lui sont assignées, l'acte réglementaire portant création du fichier peut prévoir que ces informations peuvent être communiquées au requérant par le gestionnaire du fichier directement saisi. " ; qu'aux termes de l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de cette loi : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations (...) Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La commission peut constater en accord avec le responsable du traitement, que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et qu'il y a lieu de l'en informer. En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. Lorsque le traitement ne contient aucune information concernant le demandeur, la commission informe celui-ci, avec l'accord du responsable du traitement. / En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur ".

2. Considérant que par un jugement avant dire droit du 29 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris, saisi des conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur lui refusant la communication des informations le concernant figurant au sein du traitement automatisé de données à caractère personnel de la direction centrale du renseignement intérieur, dont l'existence avait été confirmée à l'intéressé dans le courrier par lequel la Commission nationale de l'informatique et des libertés l'avait informée qu'elle avait procédé aux vérifications demandées en application de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978, a ordonné au ministre de l'intérieur de lui communiquer, pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire, tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux informations concernant l'inscription de M. A... dans ce fichier ; que par ce jugement avant dire droit, il a indiqué que, dans l'hypothèse où le ministre estimerait que la communication de ces informations mettrait en cause les fins assignées à ce fichier, et où il estimerait en conséquence devoir refuser leur communication, il lui appartiendrait néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion, de façon à permettre au tribunal de se prononcer en connaissance de cause sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets imposés par des considérations tenant à la sûreté de l'Etat, à la défense et à la sécurité publique ; qu'enfin, dans le cas où un refus, exprès ou implicite, serait opposé à une demande d'information formulée par lui, le tribunal administratif a jugé qu'il lui appartiendrait, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de joindre, en vue du jugement à rendre, cet élément de décision à l'ensemble des données fournies par le dossier ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " I. Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et : / 1° Qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ; (...) / L'avis de la commission est publié avec l'arrêté autorisant le traitement. / II. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 8 sont autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la commission ; cet avis est publié avec le décret autorisant le traitement. / III. Certains traitements mentionnés au I et au II peuvent être dispensés, par décret en Conseil d'Etat, de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise ; pour ces traitements, est publié, en même temps que le décret autorisant la dispense de publication de l'acte, le sens de l'avis émis par la commission (...) " ;

4. Considérant que si le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle puisse être rendue sur la base de pièces dont une des parties n'aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairement autrement, afin d'assurer l'effectivité du droit au recours, lorsque l'acte litigieux n'est pas publié en application de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; que si une telle dispense de publication, que justifie la préservation des finalités des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, fait obstacle à la communication tant de l'acte réglementaire qui en a autorisé la création que des décisions prises pour leur mise en oeuvre aux parties autres que celle qui les détient, dès lors qu'une telle communication priverait d'effet la dispense de publication, elle ne peut, en revanche, empêcher leur communication au juge lorsque celle-ci est la seule voie lui permettant d'apprécier le bien-fondé d'un moyen ; qu'il suit de là que, quand, dans le cadre de l'instruction d'un recours dirigé contre le refus de communiquer des informations relatives à une personne mentionnée dans un fichier intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique dont l'acte de création a fait l'objet d'une dispense de publication, le ministre refuse la communication de ces informations au motif que celle-ci porterait atteinte aux finalités de ce fichier, il lui appartient néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite, à la demande du juge, ces informations ou tous éléments appropriés sur leur nature et les motifs fondant le refus de les communiquer de façon à lui permettre de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de ce dernier, sans que ces éléments puissent être communiqués aux autres parties, auxquelles ils révèleraient les finalités du fichier qui ont fondé la non publication du décret l'autorisant ;

5. Considérant qu'ainsi, en jugeant que le ministre de l'intérieur était tenu de communiquer au juge les informations demandées par M. A...sans prévoir que, dans l'hypothèse où l'exposé de ces éléments compromettrait les finalités du fichier non publié auxquelles elles se rapportent en fournissant aux autres parties des indications, en violation des exigences ayant justifié la dispense de publication de l'acte réglementaire qui a créé ce fichier, ces éléments ne seraient pas versés à l'instruction contradictoire, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement avant dire droit du 29 mai 2015 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement avant dire droit n° 1415059/6-1 du Tribunal administratif de Paris du 29 mai 2015 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées en appel par M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Délibéré après l'audience du 11 février 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 février 2016.

Le rapporteur,

P. BLANC Le président,

C. JARDINLe greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°15PA03185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03185
Date de la décision : 25/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-06-02 Droits civils et individuels. Accès aux documents administratifs. Communication de traitements informatisés d'informations nominatives (loi du 6 janvier 1978).


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : LE JEUNE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-25;15pa03185 ?
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