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25/02/2016 | FRANCE | N°14PA03759

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 25 février 2016, 14PA03759


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificative pour 1991 ;

- le code de justice administrative.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion

d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte at...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificative pour 1991 ;

- le code de justice administrative.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...). II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont (...) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...) " ;

5. Considérant que la société Jean-Claude Jitrois, qui déclare exercer une activité de maison de couture indépendante spécialisée dans le prêt-à-porter de luxe, a fait l'objet, du 30 juin au 27 novembre 2009, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le crédit d'impôt recherche, d'un montant de 200 000 euros, dont elle avait bénéficié au titre de l'exercice clos en 2008 en raison des dépenses liées à l'élaboration de ses nouvelles collections, au motif qu'elle n'avait pas le caractère d'une entreprise industrielle, au sens de ces dispositions du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; qu'elle a relevé appel du jugement du 24 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a en conséquence été assujettie au titre de cet exercice ; que, par un mémoire distinct, elle demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts en tant qu'elles réservent aux seules entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir la possibilité de bénéficier du crédit d'impôt recherche en raison des dépenses liées à l'élaboration de leurs collections ;

Sur l'atteinte au principe d'égalité devant la loi :

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse " ; que le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

7. Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires ayant précédé l'adoption de l'article 61 de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991, d'où sont issues les dispositions du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, que le législateur a étendu le champ d'application du crédit d'impôt recherche aux dépenses liées à l'élaboration de leurs nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir dans le but de favoriser les entreprises d'un secteur économique fragile, fortement exposé à la concurrence internationale et dont la compétitivité dépend largement de leur capacité d'innovation ; que les entreprises exclusivement commerciales, qui n'ont pas à supporter directement l'ensemble des charges et à assumer les risques inhérents à la production des marchandises qu'elles achètent pour les revendre, se trouvent dans une situation différente de celle des entreprises industrielles au regard de cet objectif ; que, par suite, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, régler ces situations de façon différente ;

Sur l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés " ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

9. Considérant que si les facultés contributives des entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir sont appréciées de manière différente de celles des entreprises purement commerciales, dès lors qu'elles bénéficient du crédit d'impôt recherche dans des conditions plus favorables, cette différence repose sur un critère objectif et rationnel au regard de l'objectif de la loi, tel qu'il a été analysé au point 7 ; que l'appréciation à laquelle s'est livré le législateur n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée est dépourvue de caractère sérieux ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, de la transmettre au Conseil d'Etat ;

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Jean-Claude Jitrois.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Jean-Claude Jitrois et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux ouest).

Fait à Paris, le 17 décembre 2015

C. JARDIN

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N° 14PA03759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03759
Date de la décision : 25/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP ARCIL MARSAUDON ET FISCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-25;14pa03759 ?
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