Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 65 701,06 euros, assortie des intérêts de droit.
Par une ordonnance n° 1505602/3 du 21 octobre 2015, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser cette provision, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2013.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 5 novembre 2015, et par un mémoire enregistré le 22 décembre 2015, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes doit être regardé comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 25 septembre 2015 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution de cette ordonnance.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle retient l'existence d'une créance non sérieusement contestable en se fondant sur la notification de la cession des créances litigieuses au contrôleur budgétaire et comptable ministériel des ministères sociaux par courrier du 29 avril 2015 dont il a été accusé réception le 4 mai 2015 ;
- ni le ministère, ni le comptable public n'ont été informés au préalable de la cession de créances ;
- la créance devait être notifiée à la personne compétente pour la liquider soit auprès du comptable public ;
- la société n'a jamais produit l'exemplaire unique ou le certificat de cessibilité ;
- lors du dépôt de la requête en référé-provision, le 7 avril 2015, elle n'avait pas respecté la procédure de cession de créances ;
- il est fondé à demander l'annulation et le sursis à exécution de l'ordonnance ;
- la société n'est pas fondée à soutenir que la troisième créance cédée n'était pas contestable au motif que les deux premières créances ont été honorées.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 1er décembre 2015 et le 21 janvier 2016, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de rejeter le recours ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 décembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code monétaire et financier ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet, rapporteur,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association Racine a exécuté, dans le cadre d'un marché public, des prestations d'ingénierie sociale en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, pour le compte du ministère des affaires sociales ; qu'elle a cédé, le 27 février 2013, à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France trois créances nées de l'exécution de ce marché, dont l'une s'établissant à la somme de 65 701,06 euros TTC est demeurée impayée ; qu'à la suite du refus du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes de lui régler cette somme malgré trois courriers reçus les 12 avril 2013, 30 septembre 2014 et 24 février 2015, la société a, le 7 avril 2015, demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à lui verser une provision de même montant ; que le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande par une ordonnance du 21 octobre 2015 dont le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes demande l'annulation ; que le ministre doit également être regardé comme demandant qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative :
" Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification " ;
Sur les conclusions du ministre à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-17 du code monétaire et financier : " Lorsque la créance est cédée ou nantie au titre d'un marché public, la notification doit être faite entre les mains du comptable assignataire désigné dans les documents contractuels (...) " ; qu'aux termes de l'article 106 du code des marchés publics : " (...) L'exemplaire unique ou le certificat de cessibilité est remis par l'organisme bénéficiaire de la cession ou du nantissement au comptable assignataire en tant que pièce justificative pour le paiement (...) " ;
4. Considérant que, pour faire droit à la demande de la société, le juge des référés du tribunal administratif s'est notamment fondé sur un courrier de la société daté du 29 avril 2015, adressé au contrôleur budgétaire et comptable des ministères sociaux qui en a accusé réception le 4 mai 2015, pour estimer que la société avait, contrairement à ce que soutenait le ministre, notifié la cession de créance litigieuse au comptable assignataire du marché ;
5. Considérant, toutefois, que le ministre fait valoir à bon droit et sans être contredit par la société que le courrier de cette dernière daté du 29 avril 2015, n'était pas accompagné de l'exemplaire unique du marché ; qu'ainsi la notification de la cession de créance n'a pas été réalisée dans des conditions régulières ; que par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à
tort que le juge des référés du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif rappelé ci-dessus pour faire droit à la demande de la société ;
6. Considérant qu'il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société ;
7. Considérant que, compte tenu des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 313-17 du code monétaire et financier, la société ne saurait utilement se prévaloir de ses courriers en date des 2 avril 2013, 26 septembre 2014 et 19 février 2015, adressés au ministre et non au contrôleur budgétaire et comptable ministériel ; qu'elle ne saurait davantage faire utilement valoir que les deux autres créances qui lui ont été cédées par l'association Racine ont été honorées ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de notification régulière de la cession de créance au comptable, l'existence de l'obligation du ministre envers la société ne présente pas en l'état de l'instruction un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; que le ministre est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société en le condamnant à lui verser une provision ;
Sur les conclusions du ministre à fin de sursis à exécution :
9. Considérant que, la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions du ministre tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;
Sur les conclusions de la société, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1505602/3 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 21 octobre 2015 est annulée.
Article 2 : La demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes tendant au sursis à l'exécution de l'ordonnance mentionnée ci-dessus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des affaires sociales et de la santé et à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 8 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 février 2016.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P.TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15PA04041