Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer l'annulation et la mainlevée de six avis à tiers détenteur du 17 janvier 2013 adressés aux sociétés Crédit Lyonnais, ING Direct, Katelex, Tusat, Cerbère et Ramp Terminal One, d'ordonner au comptable de procéder à la restitution des sommes appréhendées en exécution de ces avis à tiers détenteur, de condamner l'Etat à lui rembourser les frais bancaires et autres occasionnés par ces avis à tiers détenteur et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et les dépens.
Par les articles 1er et 2 du jugement n° 1305010 du 20 janvier 2014, le Tribunal administratif de Paris a ordonné à l'Etat de restituer à M. A...la somme de 2 706, 96 euros, appréhendée sur le fondement de l'avis à tiers détenteur émis le 17 janvier 2013 à l'endroit du Crédit Lyonnais et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 18 mars 2014 et un mémoire en réplique enregistré le 28 juillet 2014, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1305010 du 20 janvier 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M.A....
Le ministre soutient que, dès lors qu'aucune garantie n'est présentée ou que les garanties proposées sont jugées insuffisantes, le comptable n'est pas tenu de restituer les sommes appréhendées en exécution de poursuites antérieures à la demande de sursis de paiement ; il se réfère à ses observations de première instance sur les autres moyens.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2014, M. B...A..., représenté par Me C..., conclut au rejet du recours du ministre des finances et des comptes publics, à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais bancaires et autres occasionnés par les avis à tiers détenteur et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient que l'effet suspensif attaché à une demande de sursis de paiement n'est plus lié à la constitution de garanties suffisantes, le comptable n'étant plus autorisé, à défaut de telles garanties, qu'à prendre des mesures conservatoires jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur la réclamation ; l'administration est ainsi tenue de restituer les sommes appréhendées par voie d'avis à tiers détenteur avant la demande de sursis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des procédures civiles d'exécution ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest, a émis six avis à tiers détenteur le 17 janvier 2013 à l'encontre de M. et MmeA..., en vue du paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dues au titre des années 2008 et 2009, mises en recouvrement le 31 décembre 2012 pour un montant de 399 768 euros ; que ces avis à tiers détenteur ont été adressés aux sociétés Crédit Lyonnais, ING Direct, Katelex, Tusat, Cerbère et Ramp Terminal One ; qu'à la suite du rejet de ses oppositions, M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer l'annulation et la mainlevée de ces avis à tiers détenteur, d'ordonner au comptable de procéder à la restitution des sommes appréhendées et de condamner l'Etat à lui rembourser les frais bancaires et autres occasionnés par ces avis à tiers détenteur ; que, par les articles 1er et 2 du jugement n° 1305010 du 20 janvier 2014, le tribunal a ordonné à l'Etat de restituer à M. A...la somme de 2 706, 96 euros, appréhendée sur le fondement de l'avis à tiers détenteur émis le 17 janvier 2013 à l'endroit du Crédit Lyonnais, sans préjudice de l'édiction d'une mesure conservatoire préalable, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement et de rejeter la demande de M.A... ;
Sur le recours du ministre des finances et des comptes publics :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 263 du livre des procédures fiscales : " L'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions privilégiées, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles. Il comporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution ... " ; qu'aux termes de l'article L. 277 du même livre : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés. Lorsque le comptable a fait procéder à une saisie conservatoire en application du quatrième alinéa, le contribuable peut demander au juge du référé prévu, selon le cas, aux articles L. 279 et L. 279 A, de prononcer la limitation ou l'abandon de cette mesure si elle comporte des conséquences difficilement réparables ... " ; qu'aux termes de l'article R. 277-3-1 de ce livre : " Lorsque le redevable fournit des garanties suffisantes, au sens de l'article R. 277-1, à l'appui d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement, celles-ci se substituent aux sommes ou biens appréhendés avant la réclamation pour le recouvrement des créances qui font l'objet de la contestation. Dans ce cas, le comptable restitue les biens ou sommes appréhendés, avant la réclamation mentionnée à l'article L. 277, pour le montant des créances effectivement garanties " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 277 et R. 277-3-1 du livre des procédures fiscales que le contribuable qui en fait expressément la demande dans sa réclamation a droit au sursis de paiement sur la totalité des impôts qu'il conteste, sans que ce droit puisse être restreint par les mesures de recouvrement prises par le comptable avant la demande de sursis, à la condition toutefois que le contribuable réunisse les garanties appropriées ; que, lorsque le service a diligenté des mesures d'exécution avant que le contribuable n'ait demandé le sursis de paiement, il revient à l'administration, nonobstant l'effet attributif des mesures d'exécution pratiquées, d'en restituer la propriété au contribuable au cas où les garanties proposées seraient jugées suffisantes ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a présenté le 4 janvier 2013 une réclamation d'assiette assortie d'une demande de sursis de paiement des impositions précédemment citées, reçue le 6 janvier 2013 ; que M. A...n'a pas constitué de garanties, malgré une demande en ce sens adressée par l'administration le 11 février 2013 ; que si les dispositions précitées de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ont pour effet de suspendre l'exigibilité de la créance fiscale et la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur la réclamation d'assiette lorsque le sursis de paiement est refusé au contribuable en raison du défaut de garanties ou de leur caractère insuffisant, autorisant le comptable à prendre des mesures conservatoires, elles ne privent pas d'effet l'avis à tiers détenteur émis antérieurement à la demande de sursis de paiement et ne remettent dès lors pas en cause l'effet attributif de la mesure d'exécution pratiquée antérieurement, prévu par les dispositions précitées de l'article L. 263 du même livre ; que le ministre des finances et des comptes publics est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a jugé que la présentation d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement imposait la restitution de la somme appréhendée sur le fondement d'un avis à tiers détenteur antérieur à cette réclamation, nonobstant l'absence de présentation de garanties par M. A...;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 277-1 du livre des procédures fiscales : " Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l'article L. 277. Le contribuable dispose d'un délai de quinze jours à compter de la réception de l'invitation formulée par le comptable pour faire connaître les garanties qu'il s'engage à constituer ... " ;
7. Considérant qu'à la supposer même établie, l'absence de respect du délai de quinze jours pour constituer des garanties prévu par les dispositions précitées de l'article R. 277-1 du livre des procédures fiscales est sans incidence sur l'effet d'attribution immédiate attaché à un avis à tiers détenteur émis antérieurement à la demande de sursis de paiement ; que M. A...ne peut dès lors utilement se prévaloir de ce que ses oppositions ont été rejetées alors que le délai précité n'était pas échu pour obtenir la restitution de la somme précédemment mentionnée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a ordonné à l'Etat de restituer à M. A...la somme de 2 706, 96 euros, appréhendée sur le fondement de l'avis à tiers détenteur émis le 17 janvier 2013 à l'endroit du Crédit Lyonnais et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les autres conclusions présentées par M.A... :
9. Considérant que si M. A...demande la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais bancaires et les frais divers occasionnés par les avis à tiers détenteur précités, il ne justifie pas de l'existence de tels frais ; que ces conclusions doivent ainsi être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais qu'il a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1305010 du 20 janvier 2014 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande de M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
S.-L. FORMERY Le greffier,
S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA01183