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28/01/2016 | FRANCE | N°15PA03681

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 janvier 2016, 15PA03681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Il a également demandé au tribunal administratif l'annulation de l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Val-de-Marne a décidé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1504817 du 26 juin 2015, le magistrat désigné par le président du Tr

ibunal administratif de Melun a, d'une part, annulé l'arrêté du 19 juin 2015 portant obl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Il a également demandé au tribunal administratif l'annulation de l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Val-de-Marne a décidé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1504817 du 26 juin 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé l'arrêté du 19 juin 2015 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation de l'intéressé et, enfin, mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Aux termes de l'article 4 du dispositif du même jugement, le premier juge a rejeté les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 8 janvier 2016, le préfet du Val-de-Marne, représenté par la SELARL Absil Carminati Tran Termeau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1504817 du 26 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Melun par M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2015 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Il soutient que la demande de M. B...devant le Tribunal administratif était irrecevable, dès lors qu'elle avait été présentée au-delà de l'expiration du délai de recours ouvert contre l'arrêté contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2015, M.B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête du préfet du Val-de-Marne et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif, qui a été adressée au greffe par télécopie, dans le délai de 48 heures prévu par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'était pas tardive et qu'elle était donc recevable ;

- à titre subsidiaire, le délai de recours d'une durée de 48 heures, prévu par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne lui est, en tout état de cause, pas opposable, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée, ne comportait pas les mentions exigées par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; à défaut de comporter ces mentions, la décision litigieuse doit être regardée comme inexistante ;

- les dates et horaires, et surtout les lieux contenus dans cette procédure, ne permettent pas d'en comprendre le déroulement, ce qui, en raison du doute et de la confusion, la rendent irrégulière.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Blanc,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Termeau, avocat du préfet du Val-de-Marne.

1. Considérant que par arrêté du 19 juin 2015, notifié par voie administrative le même jour, le préfet du Val-de-Marne a prononcé à l'encontre de M. C...B..., de nationalité marocaine, une obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet du Val-de-Marne relève appel du jugement en date du 26 juin 2015 en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) III.- En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " II.- Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément " ; qu'aux termes de l'article R. 776-5 du même code : " II. - Le délai de quarante-huit heures mentionné aux articles R. 776-2 et R. 776-4 n'est susceptible d'aucune prorogation " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai ou bien d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision ainsi que de celles qui l'accompagnent le cas échéant ; qu'en fixant à quarante-huit heures le délai dans lequel un recours peut être introduit, le législateur a entendu que ce délai soit décompté d'heure à heure et ne puisse être prorogé ;

4. Considérant qu'il est constant que l'arrêté du 19 juin 2015, par lequel le préfet du Val-de-Marne a prononcé à l'encontre de M. B...une obligation de quitter le territoire français sans délai, a été notifié à celui-ci par voie administrative, le 19 juin 2015 à 15 h 15 ; que le document de notification de cet arrêté comportait l'indication des délais et des voies de recours ouverts contre cet arrêté ; que, par ailleurs, le recours formé par M. B...contre cet arrêté, adressé par télécopie, au Tribunal administratif de Melun, n'est parvenu au greffe de ce tribunal que le 21 juin 2015, à 18 h 17, soit au-delà de l'expiration du délai de 48 heures prévu par le II de l'article L. 512-1 précité ; qu'ainsi, la demande de M. B...a été présentée tardivement et n'était, par suite, pas recevable ;

5. Considérant que M. B...fait valoir que le délai de recours ouvert contre l'arrêté du 19 juin 2015 ne lui serait pas opposable, dès lors que cet arrêté ne comportait pas les mentions exigées par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne (...) " ;

7. Considérant que la méconnaissance de ces dispositions, relatives à la forme d'une décision administrative, qui n'est pas de nature à établir l'incompétence de son auteur, ne constitue pas une irrégularité d'une gravité telle que cette décision devrait être regardée comme un acte juridiquement inexistant dont l'annulation pourrait être demandée à tout moment ;

8. Considérant, au demeurant, que, si l'arrêté du 19 juin 2015, portant obligation de quitter le territoire français, ne comportait pas, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, l'indication du prénom, du nom et de la qualité du signataire, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a reçu le même jour, dix minutes plus tard, la notification, d'un autre arrêté du préfet du Val-de-Marne, ordonnant son placement en rétention administrative, qui avait été signé en vertu d'une délégation du préfet par M. E...D..., directeur interdépartemental de la sécurité publique, et qui comportait ces indications ; qu'ainsi, ce fonctionnaire pouvait être identifié comme étant également l'autorité signataire par délégation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français notifié à M.B... ; que, dès lors, la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, qui n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, eu d'influence sur le sens de la décision prise, ni privé l'intéressé d'une garantie, n'a pas d'incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;

9. Considérant que si M. B...se prévaut en outre d'erreurs que comporteraient les procès verbaux d'audition établis le 19 juin 2015 par des officiers de police judiciaire, ces erreurs sont, en tout état de cause, sans incidence sur l'opposabilité du délai de recours, dès lors qu'il est constant que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français comportait lui-même les indications exactes de sa notification administrative et de l'heure à laquelle cette notification est intervenue ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 19 juin 2015 faisant obligation à M. B...de quitter sans délai le territoire national, lui a fait injonction de réexaminer la situation de l'intéressé et a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel de M.B..., partie perdante, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1504817 du 26 juin 2015 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Melun tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2015 portant obligation de quitter le territoire français ainsi que ses conclusions d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- M. Blanc, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.

Le rapporteur

P. BLANC Le président

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03681
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : FRAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-01-28;15pa03681 ?
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