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28/01/2016 | FRANCE | N°14PA03212

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 janvier 2016, 14PA03212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Aleca a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'un crédit impôt recherche correspondant aux frais de collection exposés au cours des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1308121-1400387/1-2 du 4 juin 2014 le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2014 et le 20 juillet 2015, la société Aleca, repr

sentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308121-1400387/1-2 du 4 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Aleca a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'un crédit impôt recherche correspondant aux frais de collection exposés au cours des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1308121-1400387/1-2 du 4 juin 2014 le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2014 et le 20 juillet 2015, la société Aleca, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308121-1400387/1-2 du 4 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution des sommes de 186 205 euros au titre de l'exercice clos en 2011 et de 145 546 euros au titre de l'exercice clos en 2012 ;

3°) de plafonner le montant du remboursement de la créance du crédit d'impôt collection 2011 et 2012 à la somme de 200 000 euros compte tenu des règles relatives au minimi.

Elle soutient que :

- en tant qu'entreprise du secteur textile-habillement-cuir exerçant une activité industrielle, elle est en droit de bénéficier du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater O du code général des impôts ; qu'elle remplit les conditions tenant au caractère industriel de l'activité et au caractère novateur des collections qu'elle conçoit ;

- en vertu tant de la loi fiscale que de la doctrine n° 4-4151, n° 3, du 9 mars 2001, le bénéfice du crédit d'impôt s'étend aux entreprises qui ont recours à la sous-traitance dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et assurent tous les risques de commercialisation et de fabrication.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le montant total de la créance en litige est limité à 200 000 euros ;

- le crédit d'impôt recherche pour dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises du secteur textile-habillement-cuir est prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts et non à l'article 244 quater O du même code invoqué par la requérante qui est relatif au crédit d'impôt recherche en faveur des métiers d'art ; au surplus, l'activité de confection exercée par la société Aleca n'est pas mentionnée par les termes de l'arrêté du 12 décembre 2003 fixant la liste des métiers de l'artisanat d'art, auquel renvoient les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts et la société n'emploie pas de salariés exerçant l'un de ces métiers d'art ;

- s'agissant de l'appréciation de la nature industrielle, elle ne peut utilement se prévaloir de la doctrine fiscale qu'elle invoque dès lors que la décision de l'administration refusant le bénéfice d'un crédit d'impôt ne constitue pas un rehaussement au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de l'article L. 80 B du même livre dès lors que ses dispositions renvoient à l'article L. 80 A et à la condition de rehaussement ;

- aucun des autres moyens soulevés par la société Aleca n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 12 décembre 2003 fixant la liste des métiers de l'artisanat d'art ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Aleca, qui exploite une activité de maison de couture, de création et diffusion de prêt-à-porter féminin sous la marque " Dice Kayek ", relève appel du jugement du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes de restitution de crédits impôt recherche pour frais de collection dont elle considère bénéficier au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ;

2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, la société Aleca soutient qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier du crédit impôt recherche prévu selon elle en faveur des entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir par les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, aux termes desquelles, dans leur rédaction applicable : " (...) III. -Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ; 2° Les entreprises industrielles des secteurs de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l'orfèvrerie, de la lunetterie, des arts de la table, du jouet, de la facture instrumentale et de l'ameublement ; les nomenclatures des activités et des produits concernés sont définies par arrêté du ministre chargé de l'industrie ; 3° Les entreprises portant le label " Entreprise du patrimoine vivant " au sens de l'article 23 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (...) " ;

3. Mais considérant toutefois qu'il résulte des dispositions précitées que le crédit impôt recherche qu'elles prévoient est réservé aux seules entreprises remplissant les conditions du III de ce texte ; que, d'une part, le ministre fait valoir sans être contredit que la société requérante n'emploie aucun salarié exerçant l'un des métiers d'art mentionnés par les termes de l'arrêté du 12 décembre 2003 fixant la liste des métiers de l'artisanat d'art, auquel renvoient les dispositions du 1° du III de l'article 244 quater O du code général des impôts ; que, d'autre part, l'activité qu'elle exploite n'appartient pas à l'un des secteurs d'activités mentionnés au 2° du III du même article ; qu'enfin, elle n'établit ni même n'allègue bénéficier du label prévu au 3° du III de cet article ; que, dans ces conditions, la société Aleca, n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées prévoyant un crédit d'impôt en faveur des entreprises exerçant des métiers d'art ;

4. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que la société Aleca doit être regardée comme ayant entendu en réalité demander le bénéfice du crédit d'impôt recherche de 40 % des dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections prévu en faveur des entreprises industrielles du secteur cuir-habillement-textile par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, aux termes desquelles : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies , 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. Le taux de 30 % mentionné au premier alinéa est porté à 40 % et 35 % au titre respectivement de la première et de la deuxième année qui suivent l'expiration d'une période de cinq années consécutives au titre desquelles l'entreprise n'a pas bénéficié du crédit d'impôt et à condition (...). II Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...)" ;

Sur l'application de la loi fiscale :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, que le bénéfice du crédit d'impôt recherche ouvert, à raison de l'élaboration de nouvelles collections, aux entreprises du secteur textile-habillement-cuir, ne concerne que les entreprises qui exercent une activité industrielle dans ce secteur ; que présentent un caractère industriel les activités qui concourent directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour lesquelles le rôle des moyens techniques, du matériel ou de l'outillage est prépondérant ; que, dans l'hypothèse où une entreprise exerce, dans le secteur du textile-habillement-cuir, une double activité, industrielle, d'une part, et non industrielle, d'autre part, seules les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections issues du processus de fabrication mis en oeuvre par l'entreprise elle-même, et exposées dans le cadre de l'activité industrielle qu'elle exerce, sont susceptibles de bénéficier du crédit d'impôt ;

6. Considérant, en l'espèce, que l'administration fait valoir que la société Aleca ne disposait pas de moyens techniques de production ni de l'outillage nécessaire à une activité de nature industrielle, relevant notamment que les déclarations des deux exercices en litige de la société Aleca révèlent l'existence d'installations techniques, matériel et outillage " dont la valeur est limitée à 3 243 euros ; que la société requérante, qui fait valoir qu'elle sous-traite à une usine de confection la fabrication des modèles qu'elle conçoit, ne le conteste pas ; que, par ailleurs, si la société Aleca soutient que, bien que ne procédant pas elle-même aux opérations de fabrication, elle devait être regardée comme une entreprise industrielle aux sens des dispositions susmentionnée du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts dès lors qu'elle était propriétaire des tissus travaillés par le façonnier et assurait le risque de fabrication et commercialisation, elle ne l'établit en tout état de cause pas par les pièces qu'elle produit et notamment l'attestation du sous-traitant dont il ressort que celui-ci procédait à l'acquisition initiale des tissus et que le ministre fait valoir sans être utilement contredit qu'il ressortait des propres déclarations déposées par la requérante au titre des exercices litigieux qu'elle ne disposait d'aucun stock de matière première ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur son moyen pris de ce que les collections qu'elles a conçues au cours des exercices litigieux présentaient un caractère novateur, la société requérante ne peut être regardée comme une entreprise industrielle au sens des dispositions précitées du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ;

Sur le bénéfice de la doctrine :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...)" et qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) " ; qu'il résulte des dispositions qui précèdent que la garantie qu'elles prévoient ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration ; qu'ainsi, la société Aleca, qui n'a pas fait l'objet d'un rehaussement, ne peut se prévaloir sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des termes de la doctrine n° 4-4151, n° 3, du 9 mars 2001 qu'elle invoque, ni, en tout état de cause, à supposer qu'elle ait entendu également se prévaloir d'une position formelle de l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du même livre, des indications que lui aurait données l'inspecteur des impôts venu, à la suite de la demande de restitution des crédits d'impôt en litige, vérifier l'éligibilité de la requérante au régime sollicité, qui, au surplus, à les supposer mêmes établies, n'ont pas la nature d'une prise de position formelle opposable à l'administration ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Aleca n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Aleca est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aleca et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNILe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03212
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SASSI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-01-28;14pa03212 ?
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