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22/01/2016 | FRANCE | N°13PA04015

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 janvier 2016, 13PA04015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Primo Technologies a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1218883 du 20 septembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société Primo Technologies.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e

nregistrée le 4 novembre 2013 et des mémoires enregistrés les 2 janvier et 18 décembre 2015, la société...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Primo Technologies a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1218883 du 20 septembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société Primo Technologies.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2013 et des mémoires enregistrés les 2 janvier et 18 décembre 2015, la société Primo Technologies, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1218883 du 20 septembre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 17 940 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le vérificateur a exercé au plus tard le 24 juillet 2009 son droit de communication afin de consulter ou d'obtenir copie de l'intégralité des pièces saisies lors de la perquisition judiciaire du

26 mai 2009, constituées de pièces comptables telles que des factures, des bons de livraison, des attestations fiscales relatives à la situation des fournisseurs, des documents détaillant les marchandises livrées et les règlements effectués, ainsi que de la comptabilité dématérialisée de 2007 à 2009 ; le service, qui a pu procéder à une analyse critique de ces pièces en dehors de la présence du contribuable vérifié, n'a consenti à fournir une copie desdites pièces que le 25 février 2010 alors que la société lui en avait fait la demande lors de l'entretien du 9 septembre 2009 ; la société n'a été informée de l'exercice du droit de communication exercé par l'administration qu'à la lecture de la proposition de rectification ; aucun document signé par le vérificateur n'indique que ces pièces auraient été présentées au contribuable lors des entretiens ; ainsi, la société n'a pas pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire sur les pièces saisies ; il en résulte que la procédure de vérification a méconnu l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, la garantie d'un débat oral et contradictoire et les droits de la défense ;

- les documents obtenus de tiers doivent être communiqués au contribuable sur sa demande en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; la société a présenté, avant la mise en recouvrement des impositions, une demande de communication de l'intégralité des pièces dont le service avait connaissance et notamment des procès-verbaux d'audition de M. C...B...et de M. A...B... ;

- l'intervention de l'inspecteur principal lors des opérations de vérification a privé la société de la possibilité d'exercer un recours hiérarchique effectif ;

- elle n'a pas été mise à même de répondre utilement à la proposition de rectification notifiée le 22 décembre 2009 dès lors qu'elle n'a pu prendre connaissance des pièces comptables qu'après avoir reçu la réponse aux observations du contribuable ; la procédure de rectification est ainsi entachée d'irrégularité au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales concernant l'année 2006 ;

- la situation de chacun des fournisseurs doit être appréciée distinctement ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, certaines des sociétés qui ont établi les factures, à savoir les sociétés CET, Eurocom Trading, France Network Solutions et Finex France, n'ont pas été créées récemment ; les sociétés CET, Eurocom Trading et Finex France n'étaient pas établies à une adresse de domiciliation ; il n'est pas établi que tous les fournisseurs ne disposaient pas de locaux de stockage, avaient entre eux des liens personnels ou se sont succédé dans le temps ; les anomalies relevées dans les facturations ne concernent qu'une partie minime des factures émises par deux des six fournisseurs concernés ; le défaut de production des bons de livraison s'explique en grande partie par la saisie des pièces justificatives ; il n'est pas contesté que les marchandises payées auprès des fournisseurs ont bien été livrées ;

- pour les fournisseurs Eurocom Trading, Finex France et France Network Solutions, l'administration n'apporte pas la preuve qu'ils n'ont pas reversé la TVA facturée ; les seuls documents produits par l'administration démontrent l'existence d'une fraude commise en amont de la chaîne de livraisons, qui n'impliquait pas la société requérante ;

- il ressort des procès-verbaux d'audition que les sociétés CET et International Communication partageaient des locaux et disposaient de véhicules de location pour effectuer les livraisons ; dès lors, ces deux sociétés disposaient de moyens matériels et humains pour réaliser les opérations en cause ; la société Finex France disposait de sa propre boutique située à 400 mètres des locaux de la requérante ;

- les prix pratiqués par les opérateurs agréés sont plus attractifs que les prix pratiqués par les fournisseurs indépendants lorsqu'ils donnent lieu à ouverture de ligne ; des remises importantes sont également accordées par ces opérateurs dans le cadre de la vente de packs téléphoniques ; en l'absence de telles réductions, les prix pratiqués s'avèrent similaires à ceux des fournisseurs indépendants ; en tout état de cause, 62 % des opérations en litige ne relevaient pas d'une vente à perte ;

- il n'est pas établi que la société Primo Technologies connaissait les fournisseurs de ses fournisseurs directs et les conditions de cet approvisionnement ; les dirigeants de la société Primo Technologies demandaient systématiquement un extrait Kbis des sociétés avec lesquelles ils travaillaient ;

- conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne du

21 juin 2012, l'administration ne saurait exiger de l'assujetti qu'il procède aux vérifications permettant de s'assurer qu'il n'existe pas de fraude au niveau des opérateurs en amont ; la requérante ne disposait pas des moyens matériels et humains pour effectuer de telles vérifications sur l'ensemble de ses fournisseurs ;

- la taxe déduite ne représentait en moyenne au cours de la période vérifiée que 11,97 % de ses droits à déduction ;

- selon l'instruction 3A-7-07 du 30 novembre 2007, un acquéreur ne peut voir son droit à déduction remis en cause au motif qu'un fournisseur situé en amont de son fournisseur direct est défaillant ;

- à titre subsidiaire, la facture établie le 21 décembre 2007 par la société Communication Audiovisuelle pour un montant de 41 000 euros hors taxes ne concerne pas la requérante.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 janvier 2014 et le 20 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de M.B..., gérant de la société Primo Technologies.

1. Considérant que la société Primo Technologies a une activité de vente de matériel de téléphonie mobile qu'elle exerce par un réseau de boutiques exploité sous l'enseigne Happy Phone ; qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant la taxe sur la valeur ajoutée, le service vérificateur, qui a estimé que cette activité s'inscrivait dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, a remis en cause la déduction de la taxe ayant grevé les achats de téléphones portables auprès de plusieurs fournisseurs indépendants en téléphonie ; que, par deux propositions de rectification du 22 décembre 2009 et du 6 juillet 2010, l'administration a en conséquence notifié à la société Primo Technologies, suivant une procédure de rectification contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2006 au 30 avril 2009 ; que la société Primo Technologies relève appel du jugement du 20 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignés à la suite de ce contrôle ;

Sur la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) " ; que l'article L. 47 du même livre dispose : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / (...) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. " ;

3. Considérant qu'eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces ainsi obtenues constituant des éléments de la comptabilité de l'entreprise vérifiée à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ; qu'à défaut, les impositions découlant de l'examen de ces pièces sont entachées d'irrégularité ;

4. Considérant que la société requérante soutient que, n'ayant pu discuter les documents comptables obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication, elle a été privée, au cours de la vérification de comptabilité, d'un débat oral et contradictoire sur les pièces ayant fondé les rehaussements ; qu'il résulte de l'instruction qu'un avis de vérification a été adressé le 16 juin 2009 à la société Primo Technologies ; qu'à la demande de la société, la première intervention du vérificateur a eu lieu le 9 juillet 2009 dans les locaux de son expert-comptable ; que l'administration fiscale a exercé le 24 juillet 2009 auprès de l'autorité judiciaire son droit de communication et a pu ainsi consulter des documents qui avaient été saisis par la section de recherche de la gendarmerie de Poitiers lors d'une perquisition judiciaire effectuée dans les locaux de la société en vertu d'une commission rogatoire délivrée pour des faits notamment d'escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société requérante soutient que des pièces comptables ont été saisies lors de cette perquisition ; qu'ainsi que le relève la société, aucun des actes de la procédure d'imposition ne mentionne la nature des documents saisis sur lesquels l'administration s'est fondée pour notifier le 22 décembre 2009 les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2006 ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, il ressort des termes mêmes des propositions de rectification, qui font allusion aux documents saisis lors de la perquisition dans un paragraphe intitulé " origine des renseignements ", que ces documents ont été utilisés pour fonder les rehaussements litigieux ; que l'administration indique dans son mémoire en défense que parmi les documents saisis figuraient des justificatifs tels que des factures d'achat et des bons de livraison, qui doivent être regardés comme des pièces comptables ; que la société n'est pas contredite lorsqu'elle soutient qu'elle n'a pas pu obtenir communication de ces pièces avant la clôture des opérations de vérification portant sur l'année 2006 ; que, dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire sur ces pièces lors des opérations de contrôle qui ont conduit aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2006 ;

5. Considérant, en revanche, qu'il ressort des termes de la réponse aux observations du contribuable du 24 septembre 2010 que le service a adressé à la société requérante le 25 février 2010 une copie sur support cd-rom des scellés issus de la perquisition du 26 mai 2009 ; que la proposition de rectification du 6 juillet 2010 indique que les opérations de contrôle portant sur la période du

1er janvier 2007 au 30 avril 2009 se sont poursuivies jusqu'au 2 juin 2010, date de l'entretien au cours duquel les rappels envisagés ont été présentés aux dirigeants de la société ; que cette même proposition de rectification précise que le vérificateur s'est également rendu dans les locaux de l'expert-comptable de la société le 21 avril 2010 ; que les mentions de ces actes de la procédure d'imposition prévalent, à moins qu'il ne soit établi par des faits précis qu'elles sont inexactes ; que la société requérante n'établit pas que le vérificateur se serait refusé lors de ces deux entretiens à tout échange de vues sur les pièces ci-dessus mentionnées ; qu'ainsi, la société requérante, qui était en possession de ces pièces depuis le 25 février 2010, n'a pas été privée du débat oral et contradictoire auquel elle pouvait prétendre lors des opérations de contrôle ayant conduit aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de la période du 1er janvier 2007 au

30 avril 2009 ;

6. Considérant qu'en réponse à la demande de communication de pièces formulée par le contribuable, le service a, ainsi qu'il vient d'être dit au point 5, adressé à la société requérante le

25 février 2010 une copie sur support cd-rom des scellés issus de la perquisition du 26 mai 2009 ; qu'il n'est pas contesté que ces pièces comprenaient notamment les procès-verbaux d'audition de

M. C...B...et de M. A...B... ; qu'ainsi, l'administration a donné suite à la demande de communication de pièces avant la mise en recouvrement des impositions intervenue le

22 septembre 2011 ; que par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

7. Considérant, par ailleurs, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que le supérieur hiérarchique du vérificateur ait participé aux opérations de vérification n'est pas de nature à priver le contribuable de la garantie tenant à la possibilité d'exercer le recours hiérarchique prévu par la charte du contribuable vérifié ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2006 ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 avril 2009 :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts :

" I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) " ; qu'aux termes du 3 de l'article 272 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions prises pour l'application de la directive susvisée du 28 novembre 2006, notamment de son article 167, tel que l'a interprété la Cour de justice de l'Union européenne, que le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti, auquel les biens servant de base pour fonder le droit à déduction ont été livrés, savait ou aurait dû savoir que, par l'acquisition de ces biens, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commise par le fournisseur ou un autre opérateur intervenant en amont ou en aval dans la chaîne des livraisons ; qu'il en va ainsi alors même que l'opération en cause satisferait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions de livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel et d'activité économique ;

11. Considérant, d'une part, que le service vérificateur a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les achats de téléphones portables réalisés par la société requérante auprès de trois fournisseurs indépendants, les sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle ; que, lors des opérations de contrôle, la société requérante a indiqué qu'elle s'approvisionnait, d'une part, auprès du réseau de grossistes " agréés ", c'est-à-dire mis en place par les opérateurs de téléphonie, d'autre part, auprès de fournisseurs indépendants à l'initiative de ces derniers ; que l'administration, qui a procédé à une vérification de comptabilité de chacun des trois fournisseurs précités, a estimé que ces derniers présentaient les caractéristiques d'entreprises de facturation s'insérant dans un schéma de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que le service vérificateur a constaté que la société International Communication, dont le siège social était situé à une adresse de domiciliation, ne disposait pas de local de stockage, de personnel salarié ou de moyens matériels alors qu'elle a facturé en 2007 à la société requérante des ventes de téléphones portables pour un montant de 593 845 euros hors taxes ; que la société Finex France, qui a réalisé avec la société requérante des ventes représentant un montant de 1 543 848 euros hors taxes en 2007, ne disposait d'aucun moyen matériel pour exercer son activité ; que la société Communication Audiovisuelle, dont le siège social était situé à une adresse de domiciliation, ne disposait d'aucun moyen humain ou en matériel ; que les écritures du compte bancaire de cette société font apparaître qu'elle n'a exercé une activité effective que de

novembre 2007 à février 2008 ; que ces trois sociétés, qui relevaient d'un régime déclaratif simplifié, ont rapidement cessé leur activité, ce qui leur a permis de se dispenser de déposer une déclaration annuelle de chiffre d'affaires pendant la période vérifiée ; que le moyen tiré de ce que les livraisons ont été effectuées est inopérant, le circuit de fraude mis en place consistant à ne pas reverser la taxe sur la valeur ajoutée collectée à l'occasion d'une livraison effective ; qu'eu égard à ce qui précède, l'administration peut être regardée comme apportant la preuve que les sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle participaient à un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;

12. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle, qui étaient des fournisseurs directs de la société requérante, ont eu avec celle-ci des relations commerciales jusqu'en février 2007 pour la première, de mars à décembre 2007 pour la deuxième et de novembre 2007 à janvier 2008 pour la troisième ; que l'annexe 3 à la proposition de rectification fait apparaître que la société requérante a pu acquérir auprès de ces fournisseurs à 37 reprises entre janvier 2007 et janvier 2008 des lots de téléphones portables à un prix unitaire hors taxe inférieur à celui auxquels ils les avaient achetés ; qu'ainsi, ces fournisseurs ont revendu à la société requérante des téléphones portables avec une marge commerciale négative ; que la société requérante soutient qu'en l'absence des réductions liées à la souscription de packs, les prix pratiqués par les opérateurs agréés étaient similaires à ceux des fournisseurs indépendants ; qu'il ressort toutefois des extraits de procès-verbaux d'audition cités dans la proposition de rectification que, selon les dirigeants de la société requérante, il était plus avantageux de s'approvisionner auprès des grossistes indépendants qui mettaient les nouveaux produits à meilleur prix, avant que ces produits ne soient proposés en " packs " par les opérateurs quelques mois après leur sortie ; que la société requérante n'apporte aucun justificatif probant au soutien de son allégation selon laquelle les prix pratiqués par la concurrence étaient inférieurs à ceux facturés par ces fournisseurs ; qu'à cet égard, un des dirigeants de la société requérante a déclaré lors de son audition en juin 2009 que son objectif était de trouver les produits au prix le plus bas ; que la société Primo Technologies était le principal client de la société International Communication et un des principaux clients de la société Finex France ; que la numérotation de la facture établie le

5 novembre 2007 par la société Communication Audiovisuelle permet d'établir que la société requérante était son premier client ; que lors de son audition en avril 2010, un des dirigeants de la société requérante, M. A...B..., a précisé qu'il ne demandait pas à ses nouveaux fournisseurs la production d'une attestation des services fiscaux ; que la circonstance que la société requérante ne réalisait pas avec ces fournisseurs la majeure partie de son chiffre d'affaires n'est pas en soi de nature à démontrer qu'elle n'avait pas connaissance du circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis en place ; qu'ainsi, compte tenu des prix pratiqués par ces sociétés et de leurs conditions d'installation, les dirigeants de la société requérante, qui exerçaient une activité dans le secteur de la téléphonie mobile depuis 1999, auraient dû savoir que ces sociétés participaient à un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 272 que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures établies par les sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle ;

13. Considérant, par ailleurs, que la société requérante soutient qu'elle n'a pas pu déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture n° FA0039 établie le 21 décembre 2007 par la société Communication Audiovisuelle pour un montant de 41 000 euros hors taxes, cette facture n'ayant pas été comptabilisée ; qu'elle produit au soutien de son allégation des copies d'extraits du compte fournisseur et du compte d'achats de marchandises du grand livre relatif à l'exercice 2007 ; que toutefois ces documents, édités le 22 octobre 2013, ne contiennent aucune écriture postérieure au 21 décembre 2007, date d'émission de la facture en cause, et ne permettent pas de s'assurer du caractère complet de l'extrait du compte fournisseur ; qu'ainsi que le relève l'administration, la société ne produit pas de document retraçant les écritures comptables relatives à la taxe sur la valeur ajoutée pendant cette période ; que, dans ces conditions, le service vérificateur, à qui un exemplaire de cette facture portant la mention " comptabilisé " avait été remis au cours des opérations de contrôle, a pu à bon droit estimer que la société requérante avait déduit la taxe correspondante ; que le moyen doit dès lors être rejeté ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

14. Considérant que la société requérante invoque les commentaires administratifs contenus dans l'instruction 3A-7-07 du 30 novembre 2007 n° 24, selon lesquels " Un acquéreur ne peut se voir remettre en cause le bénéfice du droit à déduction au motif qu'un fournisseur situé en amont de son fournisseur direct dans la chaîne est défaillant " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 11, la remise en cause du droit à déduction est motivée par la participation de trois fournisseurs directs de la société requérante à un circuit de fraude de la taxe sur la valeur ajoutée ; que dès lors la société requérante, qui n'entre pas dans les prévisions des commentaires administratifs qu'elle invoque, ne saurait utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Primo Technologies est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2006 et des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Primo Technologies présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La société Primo Technologies est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2006 et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1218883 du 20 septembre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société Primo Technologies est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Primo Technologies et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Cheylan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 janvier 2016.

Le rapporteur,

F. CHEYLAN Le président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

A-L. PINTEAU

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA04015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04015
Date de la décision : 22/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SCP S.A.M.H et LEPERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-01-22;13pa04015 ?
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