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31/12/2015 | FRANCE | N°15PA01884

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 décembre 2015, 15PA01884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeD..., alias A...B..., a demandé au président du Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 avril 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1506164/8 du 16 avril 2015, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015, le ministre de l'intéri

eur demande à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1506164/8 du 16...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeD..., alias A...B..., a demandé au président du Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 avril 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1506164/8 du 16 avril 2015, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015, le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1506164/8 du 16 avril 2015.

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la demande d'admission au titre de l'asile de Mme C...comme manifestement infondée, dès lors que son récit était peu crédible et qu'elle ne faisait pas état de menaces en cas de retour dans son pays d'origine.

La requête a été communiquée à MmeC..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Une mise en demeure a été adressée le 13 août 2015 à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les observations de Me Martin, avocat du ministre de l'intérieur.

1. Considérant que MmeC..., aliasB..., se déclarant née le 2 août 1982 et ayant la nationalité de la République du Congo-Brazzaville, a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire lors de son arrivée en France à l'aéroport d'Orly le 10 avril 2015 au motif qu'elle était pourvue d'un passeport français paraissant falsifié ; qu'ayant sollicité le bénéfice de l'asile, elle a été placée en zone d'attente ; que par une décision du 13 avril 2015, prise après avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le ministre de l'intérieur a rejeté comme manifestement infondée cette demande et a prescrit son réacheminement vers le Maroc ou vers tout pays où elle serait légalement admissible ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 16 avril 2015 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée " ; qu'aux termes de l'article L. 213-9 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif " ; qu'en vertu des articles R. 213-2 et R. 213-3 du même code, la décision visée à l'article L. 213-9 précité est prise par le ministre chargé de l'immigration, après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui procède à l'audition de l'étranger ;

3. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que c'est seulement dans le cas où celle-ci est manifestement infondée que le ministre chargé de l'immigration peut, après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lui refuser l'accès au territoire ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

5. Considérant qu'il ressort du compte rendu d'audition de la requérante par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qu'à l'appui de sa demande d'asile l'intéressée a fait valoir qu'elle exerçait depuis plusieurs années les fonctions de coiffeuse de l'épouse d'un colonel proche des forces rebelles lorsque, à l'occasion de l'arrestation de celui-ci en décembre 2013, elle a été victime d'une blessure par balle, qu'elle a réussi à s'enfuir en pirogue avec ses quatre enfants et, sans être opérée ni même hospitalisée compte tenu de la localisation de cette balle entre le coeur et les poumons, elle est parvenue à se maintenir pendant près de quinze mois à Kinshasa avant de gagner la France, après avoir confié ses enfants à une amie ; que ce récit est élusif et très peu circonstancié en ce qui concerne le travail qu'elle exerçait auprès de son employeur au Congo, ainsi que les activités politiques de celui-ci ; qu'il est au surplus dépourvu de crédibilité s'agissant des conditions dans lesquelles, étant grièvement blessée et laissée pour morte selon ses déclarations, elle aurait pu fuir avec ses quatre enfants puis gagner Kinshasa et s'y maintenir pendant plus d'une année sans recevoir de soins médicaux ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision attaquée, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a considéré que celle-ci était entachée d'une erreur d'appréciation quant au caractère manifestement infondé de la demande d'asile présentée par MmeC..., aliasB... ; qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par MmeC..., alias B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne s'oppose à ce que l'audition, par les services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, de l'étranger qui sollicite l'asile en zone d'attente se fasse par téléphone ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette audition, d'une durée de 54 minutes, se soit déroulée dans des conditions n'ayant pas permis à la requérante de faire valoir tous les éléments utiles à l'examen de sa demande d'asile ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, de ce qui a été dit au point 5, que MmeC..., alias B...puisse être regardée comme établissant la réalité, l'intensité et le caractère personnel des persécutions dont elle allègue avoir été la victime en République démocratique du Congo, son pays d'origine ; que, par suite, le ministre n'a pas, en estimant que sa demande d'asile était manifestement infondée, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, enfin, que si la Mme C...soutient qu'elle serait exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, la République démocratique du Congo, à des risques pour sa vie ou à des peines ou traitements prohibés par cet article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ceci ne ressort pas des pièces du dossier ; qu'au demeurant, si l'arrêté attaqué prévoit le réacheminement de l'intéressée vers tous pays où elle serait légalement admissible, au nombre desquels figure l'Etat dont elle a la nationalité, cette même décision fixe, à titre principal, le Maroc comme pays de réacheminement ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 13 avril 2015 ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement, de rejeter la demande d'annulation présentée par Mme C...devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1506164/8 du 16 avril 2015 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par MmeC..., alias B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à MmeD..., aliasB....

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVENLe greffier,

A-L. CALVAIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01884
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. CANTIE
Avocat(s) : SCP CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;15pa01884 ?
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