Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société TFN Propreté Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 juin 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. D...B..., ainsi que la décision du 13 décembre 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail.
Par jugement n° 1301099/9 du 15 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2014, la société TFN Propreté Ile-de-France, dont le siège est au 251 rue de Crimée à Paris (75019), représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1301099/9 du 15 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juin 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M.B..., ainsi que la décision du 13 décembre 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre à l'inspection du travail d'autoriser le licenciement de M.B... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du ministre est entachée d'incompétence ; en effet, la décision aurait dû mentionner l'existence de la délégation de signature ;
- les décisions sont insuffisamment motivées dès lors qu'elles se bornent à énoncer des affirmations non étayées et non fondées ;
- les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à la gravité de la faute ; d'une part, comme l'a jugé le tribunal, il n'y a pas eu de traitement différencié à l'égard de l'intéressé par rapport aux autres salariés qui ne se sont vus infliger qu'une mise à pied disciplinaire de 3 à 5 jours ; en effet, contrairement aux autres, M. B...ne s'est pas borné à dérober des objets mais s'est introduit dans le compacteur de destruction au péril de sa vie, engageant ainsi la responsabilité de la société ; contrairement à ce qu'a retenu l'administration, M. B...n'ignorait pas l'interdiction de pénétrer dans le compacteur en raison des consignes d'exécution du travail qui imposaient de l'actionner après avoir déversé les objets à détruire, des formations aux règles de sécurité, prodiguée le 11 mai 2011, de l'existence de panneaux de signalisation, très visibles dans la zone de compactage, comme le note d'ailleurs le ministre en ce qui concerne le compacteur Nord en cause, et ce avant les faits en cause, contrairement à ce qui a été retenu, et de la présence d'un grillage de sécurité autour du compacteur qui a contraint l'intéressé à monter sur la plate-forme élévatrice, se faufiler à travers un espace exigu, à sauter puis à escalader le compacteur afin d'y pénétrer, violant ainsi de nombreuses dispositions du règlement intérieur ; d'autre part, M. B...avait connaissance du danger et a reconnu la gravité de ses actes.
Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social s'en rapporte à ses écritures de 1ère instance.
La requête a été communiquée à M. B...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Polizzi,
- et les conclusions de M. Roussel, rapporteur public.
1. Considérant que M. B... a été embauché le 1er mai 2010, avec reprise d'ancienneté conventionnelle au 1er août 1988, en qualité d'agent de service sur le site de l'aéroport Orly Ouest, par la société TFN Propreté Ile-de-France, qui a pour activité le nettoyage industriel et notamment la destruction des objets interdits en cabine ; que par courrier du 6 avril 2012, la société a sollicité de l'inspectrice du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire ; que par décision du 8 juin 2012, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement ; que par décision du 13 décembre 2012 prise sur recours hiérarchique, le ministre chargé du travail a confirmé cette décision ; que la société demande l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces deux décisions et l'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi, et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant qu'il est fait grief à M. B..." d'avoir pris et emporté avec lui des objets interdits en cabine qui se trouvaient à l'intérieur d'un compacteur dont la fonction est de détruire les objets confisqués aux passagers avant l'embarquement pour des raisons de sécurité " ; qu'un second grief est invoqué à l'encontre de M. B...tiré de ce que, en se rendant dans le compacteur, il a méconnu les règles de sécurité au péril de sa vie ; que l'inspecteur du travail et le ministre ont considéré que ces faits ne constituaient pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'inspecteur du travail a retenu que plusieurs salariés s'étaient vus reprocher le fait d'avoir récupéré des objets interdits en cabine, des mises à pied disciplinaires de 3 à 5 jours leur ont été notifiées, et que, dès lors que les faits reprochés à M. B...n'étant pas de nature différente, ils ne constituaient pas une faute suffisamment grave pour justifier un licenciement ; que, cependant, il résulte de la décision même que d'autres faits relatifs à un manquement grave aux règles de sécurité étaient également reprochés à M. B... ; qu'au surplus, ces salariés ayant été sanctionnés pour avoir emporté avec eux des objets interdits en cabine étaient au nombre de 2 et non de 6, comme l'a retenu le ministre ; qu'ainsi, M. B...n'était pas placé dans la même situation que ses collègues ; que, par suite, ainsi que l'a retenu le tribunal, ce premier motif est erroné ;
5. Considérant que l'inspecteur du travail comme le ministre se sont également fondés sur un second motif, relatif à l'absence d'accomplissement par l'employeur de ses obligations en matière de formation à la sécurité et au doute quant à l'affichage des consignes de sécurité sur les compacteurs ; que, toutefois, il est constant que, pour récupérer les objets interdits en cabine, M. B... a pénétré dans le compacteur, en utilisant le plateau de la machine élévatrice pour y descendre, fait expressément mentionné dans la demande d'autorisation de licenciement ;
6. Considérant que la requérante fait valoir que les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à la gravité de la faute de M.B... ; que, d'une part, outre ainsi qu'il a été dit le fait qu'il n'y a pas eu de traitement différencié de l'intéressé par rapport aux autres salariés, il ressort des pièces du dossier que M. B... ne pouvait ignorer l'interdiction de pénétrer dans le compacteur en raison des consignes d'exécution du travail qui imposaient de l'actionner après avoir déversé les objets à détruire, des formations aux règles de sécurité, de l'existence de panneaux de signalisation, très visibles dans la zone de compactage, comme le note d'ailleurs le ministre en ce qui concerne le compacteur Nord en cause et ce avant les faits reprochés, et de la présence d'un grillage de sécurité autour du compacteur, qui a contraint l'intéressé à monter sur la plate-forme élévatrice, à se faufiler à travers un espace exigu et à sauter puis à escalader le compacteur afin d'y pénétrer, en méconnaissance des règles les plus élémentaires de sécurité et en outre violant ainsi de nombreuses dispositions du règlement intérieur ; que, d'autre part, M. B..., présent dans l'entreprise depuis 2010, avait connaissance du danger et a d'ailleurs reconnu la gravité de ses actes ; que, par suite, ces faits, qui ont été constatés par deux fois, sont d'une gravité suffisante pour justifier à eux seuls le licenciement de l'intéressé ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société TFN Propreté Ile-de-France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et les décisions attaquées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que l'annulation des décisions administratives de refus d'autorisation de licenciement n'implique pas à elle seule la délivrance d'une telle autorisation, mais seulement le réexamen de la demande ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 15 octobre 2014 et les décisions du 8 juin 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... et du 13 décembre 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la société TFN propreté Ile-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société TFN Propreté Ile-de-France, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. D... B....
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- MmeC..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.
Le rapporteur,
F. POLIZZILe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 14PA04986