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31/12/2015 | FRANCE | N°14PA00214

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 décembre 2015, 14PA00214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E...et M. A...E...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 juillet 2012 par laquelle le maire de Paris a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 105-105 bis boulevard Poniatowski à Paris 12ème arrondissement.

Par un jugement n° 1216671/7-1 du 18 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2014, M. D...E...et M. A...E..., repr

ésentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'ordonner à titre préliminaire à la ville d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E...et M. A...E...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 juillet 2012 par laquelle le maire de Paris a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 105-105 bis boulevard Poniatowski à Paris 12ème arrondissement.

Par un jugement n° 1216671/7-1 du 18 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2014, M. D...E...et M. A...E..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'ordonner à titre préliminaire à la ville de Paris de produire la preuve de la transmission de la décision de préemption au préfet ;

2°) d'annuler le jugement n° 1216671/7-1 du 18 novembre 2013 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler la décision du 17 juillet 2012.

Ils soutiennent que :

- la décision n'a pas été transmise au préfet dans le délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'un défaut de base légale dès lors que le droit de préemption urbain n'a pas été institué dans la zone où est situé l'immeuble litigieux ;

- la réalité du projet justifiant l'exercice du droit de préemption n'est pas établie ; que, par ailleurs, elle ne répond pas à l'intérêt général ;

- la décision est entachée d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2015, la ville de Paris, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 3 000 euros soit mis à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par MM. E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de Me Froger, avocat de la ville de Paris ;

1. Considérant que par une décision du 17 juillet 2012, le maire de Paris a décidé d'exercer, au nom de la ville, le droit de préemption urbain sur l'immeuble situé 105-105 bis boulevard Poniatowski dans le 12ème arrondissement ; que MM. D...et A...E..., qui s'étaient portés acquéreurs de ce bien, relèvent régulièrement appel du jugement du 18 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 213-2 du code de l'urbanisme, L. 2131-2 et L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, les décisions d'exercice du droit de préemption doivent, pour devenir exécutoires, être transmises au représentant de l'État avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du tampon de la préfecture qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que le préfet a reçu le 17 juillet 2012 la décision de préempter en date du même jour ; que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la décision de préemption notifiée au vendeur comporte la mention de sa transmission au contrôle de légalité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, le moyen tiré de ce que la décision n'aurait pas été notifiée aux services de la préfecture dans le délai de deux mois à compter de la réception, le 18 mai 2012, de la déclaration d'intention d'aliéner doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat (...) de permettre le renouvellement urbain (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit si, d'une part, elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre d'un programme local de l'habitat et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe ;

5. Considérant que la décision contestée vise la délibération 2011DLH89 des 28 et 29 mars 2011 adoptant le programme local de l'habitat entre 2011 et 2016 tel qu'arrêté par délibération des 15 et 16 novembre 2010, précise que le droit de préemption est exercé en vue de la création de deux ou trois logements sociaux dans le cadre des actions mises en oeuvre par la ville pour réaliser le programme de l'habitat afin notamment d'accroître le taux de logements sociaux dans le 12ème arrondissement qui n'était que de 18,45% au 1er janvier 2011 alors que l'accroissement de la part de logements sociaux constitue un des objectifs de l'habitat dans cet arrondissement afin de se rapprocher du seuil de 20% de logements sociaux prévu par la loi solidarité et renouvellement urbain, porté à 25% par la délibération SG 2007-3G du 16 juillet 2007 sur le projet de schéma directeur de la région Ile-de-France ; que, dans ces conditions, la décision litigieuse, qui permet de savoir quelle action du programme local de l'habitat la commune entendait mener au moyen de la préemption, est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...) ainsi que sur tout ou partie de leur territoire couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur rendu public ou approuvé en application de l'article L. 313-1 lorsqu'il n'a pas été créé de zone d'aménagement différé ou de périmètre provisoire de zone d'aménagement différé sur ces territoires (... " ;

7. Considérant que par une délibération 2006 DU 127-1° des 16 et 17 octobre 2006, le Conseil de Paris siégeant en formation de conseil municipal a institué un droit de préemption urbain sur les zones U du plan local d'urbanisme approuvé et sur les périmètres des plans de sauvegarde et de mise en valeur du Marais (3ème et 4ème arrondissements) et du 7ème arrondissement ; qu'il est constant que l'immeuble situé 105-105bis boulevard Poniatowski dans le 12ème arrondissement est situé dans la zone UG du plan local d'urbanisme ; que par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le droit de préemption n'avait pas été institué sur la zone dans laquelle se situe l'immeuble litigieux ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions citées au point 3 des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;

9. Considérant, d'une part, que les requérants soutiennent que l'existence du projet d'aménagement en vue duquel le maire de Paris a préempté l'immeuble n'est pas suffisamment établie ; que, toutefois, il ressort du programme local de l'habitat auquel renvoie la décision de préemption que la ville de Paris s'est fixé comme objectif d'atteindre une proportion de logements sociaux égale à 20% du total des logements en 2013 et 25% en 2030 et a prévu à cet effet de se porter acquéreur de terrains et immeubles privés notamment par l'exercice du droit de préemption ; qu'en particulier dans le 12ème arrondissement, qui reste déficitaire en logements sociaux, le programme local de l'habitat fixe comme objectif de résorber le déficit de ces derniers afin de contribuer significativement à l'offre de logements sociaux à Paris ; que, par ailleurs, le 4 juillet 2012, la direction du logement et de l'habitat de la ville de Paris a réalisé une étude de faisabilité technique concernant l'immeuble objet du droit de préemption, qui évalue le coût de l'indemnité d'éviction qu'il conviendrait de verser pour mettre fin aux baux commerciaux consentis sur une partie des locaux et propose, après démolition, la reconstruction de quatre logements pour une surface habitable de l'ordre de 325 mètres carrés et un local commercial pour une surface utile d'environ 70 mètres carrés ; que le coût de cette opération a été évalué à la somme de 2 460 000 euros dont 283 000 euros pour l'éviction des preneurs des baux commerciaux ; qu'ainsi, alors même que le nombre exact de logements sociaux qui pourront être réalisés n'est pas déterminé et en supposant même, ainsi que le soutiennent les requérants, que le nombre de logements pouvant être réalisé soit supérieur à celui évalué dans l'étude de faisabilité, la ville de Paris justifiait, à la date du 17 juillet 2012 d'exercice du droit de préemption, de la réalité d'un projet répondant aux conditions mentionnées par les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

10. Considérant, d'autre part, que si MM. E...font valoir que la décision de préemption ne présente pas un intérêt général suffisant, ils n'assortissent ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ; qu'au surplus, il ressort des conditions dans lesquelles doit se réaliser l'opération, exposées précédemment au point n°9, que l'exercice du droit de préemption présente en l'espèce un intérêt général suffisant ;

11. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants une somme de 1 500 euros à verser à la ville de Paris sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MM. D...et A...E...est rejetée.

Article 2 : M. D...E...et M. A...E...verseront solidairement à la ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à M. A... E...et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- Mme Terrasse, président assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

E. CLEMENTLa République mande et ordonne au Préfet de Paris et Préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00214
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;14pa00214 ?
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