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14/12/2015 | FRANCE | N°14PA02212

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 14 décembre 2015, 14PA02212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision implicite de refus du maire de Paris de prendre des mesures de police pour réprimer les atteintes à la tranquillité publique causées par les cloches de l'église Saint Jean Bosco ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 50 000 euros, soit

30 000 euros au titre du préjudice matériel et 20 000 euros au titre du préjudice moral ;

3°) d'enjoindre au maire de Paris de pren

dre les mesures de police de nature à faire cesser les nuisances causées par les cloches de l'église...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision implicite de refus du maire de Paris de prendre des mesures de police pour réprimer les atteintes à la tranquillité publique causées par les cloches de l'église Saint Jean Bosco ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 50 000 euros, soit

30 000 euros au titre du préjudice matériel et 20 000 euros au titre du préjudice moral ;

3°) d'enjoindre au maire de Paris de prendre les mesures de police de nature à faire cesser les nuisances causées par les cloches de l'église dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1216923/3-1 du 18 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée par télécopie le 19 mai 2014, régularisée le 21 mai 2014 par la production de l'original, et par un mémoire complémentaire enregistré le 20 mars 2015, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du maire de Paris mentionnée ci-dessus ;

3°) de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 50 000 euros, soit

30 000 euros au titre du préjudice matériel et 20 000 euros au titre du préjudice moral ;

4°) d'enjoindre au maire de Paris de prendre les mesures de police de nature à faire cesser les nuisances causées par les cloches de l'église dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré d'une atteinte à la tranquillité publique du fait du dépassement des seuils fixés par des dispositions de l'article R. 1334-33 du code de la santé publique ;

- ce jugement est entaché d'erreur de droit ;

- la décision par laquelle le maire de Paris a refusé de prendre des mesures destinées à faire cesser l'usage des cloches de l'église Saint-Jean Bosco est contraire aux dispositions combinées de l'article 27 de la loi du 9 décembre 1905 et de l'article 51 du décret du 16 mars 1906 ; l'usage civil des cloches de l'église Saint-Jean Bosco ne correspond en effet à aucun des cas prévus à l'article 51 du décret du 16 mars 1906, applicable à tous les édifices du culte qu'ils appartiennent ou non à l'Etat, au département ou à la commune, puisqu'il n'est ni lié à un péril imminent, ni prescrit par la loi ou le règlement, et ne renvoie à aucun usage local, les sonneries litigieuses ayant commencé le 7 juin 2008 soit postérieurement à la loi du 9 décembre 1905 ;

- elle est recevable à invoquer ce moyen ;

- cette décision est également contraire aux dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et des articles R. 1334-30 à R. 1334-33 du code de la santé publique ; la réalité de l'atteinte à la tranquillité publique a été établie par la première étude réalisée par la ville de Paris le 8 décembre 2008 ; elle n'a pas été valablement remise en cause par la deuxième étude diligentée le 19 février 2009, au moyen d'une méthode contestable ; le bruit était, à cette date, toujours supérieur au niveau admis par la réglementation ; à supposer qu'une diminution de l'émergence sonore ait pu être relevée entre ces deux études, une troisième étude du 12 juin 2009 parvient à la conclusion que celle-ci était supérieure à celle relevée lors de la deuxième étude ; des riverains confirment la réalité de cette atteinte à la tranquillité publique ;

- le refus du maire d'exercer ses pouvoirs de police afin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- Mme C...doit être indemnisée à hauteur de 30 000 euros au titre du préjudice matériel résultant de la dévalorisation de son appartement, et à hauteur de 20 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle subit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2015, la ville de Paris, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme C...le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le nouveau moyen soulevé par la requérante, tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 27 de la loi du 9 décembre 1905 et 51 du décret du 16 mars 1906 pris pour son application, relève d'une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance tenant à la prétendue insuffisance de la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police générale par le maire de Paris ; il est donc irrecevable ; il n'est pas fondé ;

- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 février 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de santé publique ;

- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

- le décret du 16 mars 1906 portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 9 décembre 1905 en ce qui concerne l'attribution des biens, les édifices des cultes, les associations cultuelles, la police des cultes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet, rapporteur,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me A...pour MmeC...,

- et les observations de Me B...pour la ville de Paris.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...réside depuis 1987 à proximité de l'église Saint-Jean Bosco dans le 20ème arrondissement de Paris ; qu'elle a demandé au maire de Paris d'intervenir pour mettre fin à l'usage civil des cloches de cette église ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence conservé par le maire sur sa demande ; qu'elle fait appel du jugement du 18 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'indemnisation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeC..., le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen qu'elle avait soulevé en première instance, tiré d'une atteinte à la tranquillité publique du fait du dépassement des seuils fixés par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique ; qu'il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments qu'elle avait fait valoir à l'appui de ce moyen ; que le bien-fondé du rejet de ce moyen est sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 9 décembre 1905 : " Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte, sont réglées en conformité de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. / Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l'association cultuelle, par arrêté préfectoral. / Le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 50 du décret du 16 mars 1906, pris pour l'application des dispositions précédentes : " L'arrêté pris dans chaque commune par le maire à l'effet de régler l'usage des cloches tant pour les sonneries civiles que pour les sonneries religieuses est communiqué au président ou directeur de l'association cultuelle " ; qu'aux termes de l'article 51 de ce décret : " Les cloches des édifices servant à l'exercice public du culte peuvent être employées aux sonneries civiles dans les cas de péril commun qui exigent un prompt secours. / Si elles sont placées dans un édifice appartenant à l'Etat, au département ou à la commune ou attribué à l'association cultuelle en vertu des articles 4, 8 et 9 de la loi du 9 décembre 1905, elles peuvent, en outre, être utilisées dans les circonstances où cet emploi est prescrit par les dispositions des lois ou règlements, ou autorisé par les usages locaux " ;

4. Considérant que Mme C...ne saurait utilement invoquer les dispositions citées ci-dessus du deuxième alinéa de l'article 51 du décret du 16 mars 1906, l'église Saint-Jean Bosco n'appartenant ni à l'Etat, ni au département, ni à la commune, et n'ayant pas été attribuée à une association cultuelle en vertu des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 1334-33 du code de la santé publique : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier : (...) 2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ; (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des mesures acoustiques réalisées les 8 décembre 2008, 19 février 2009 et 12 juin 2009, que l'émergence correspondant aux sonneries des cloches de l'église Saint-Jean Bosco s'élevait à 15,4 décibels lors de la première de ces mesures et à 15 décibels lors de la dernière, alors que la valeur limite corrigée en tenant compte de la durée d'apparition de ce bruit était de 10 décibels ; qu'alors même que l'émergence excédait ainsi la valeur limite admise, les nuisances sonores en discussion ne peuvent pourtant être regardées comme portant une atteinte à la tranquillité publique telle que le maire aurait été tenu d'y remédier ; qu'en refusant d'user de ses pouvoirs de police, le maire n'a donc pas méconnu les dispositions citées ci-dessus du code général des collectivités territoriales ; que Mme C...n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation de la décision critiquée ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation ;

7. Considérant qu'en l'absence d'illégalité fautive, les conclusions indemnitaires de Mme C...ne peuvent qu'être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la ville de Paris, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...la somme de 1 500 euros que la ville de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Mme C...versera à la ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 décembre 2015.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02212

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02212
Date de la décision : 14/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Questions communes - Obligations de l'autorité de police - Obligation de faire usage des pouvoirs de police.

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Police de la tranquillité.

21 Cultes.

Police - Police générale - Tranquillité publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SELARL FGD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-14;14pa02212 ?
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