Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Kaze a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008.
Par un jugement n° 1305772 du 28 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 mai 2014, la société Kaze, représentée par
Me B...A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305772 du 28 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge du directeur des services fiscaux le versement de la somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son chiffre d'affaires se situe en dessous du seuil de cotisation minimale de la taxe professionnelle, dès lors que c'est à tort que l'administration fiscale a requalifié ses écritures comptables relatives à des prestations et ventes commerciales annulées en abandons de créance au profit de sa filiale, et qu'elle a réintégré à tort les redevances de concession de licences d'exploitation de films qu'elle a perçues ;
- en ce qui concerne le calcul du montant de la valeur ajoutée, elle est en droit de se prévaloir de la doctrine administrative 6 E-11-05 du 21 octobre 2006 qui prévoit que soit exclue la production immobilisée afférente à des oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques, pour les dépenses relatives au doublage des films, en sa qualité de producteur, et pour les dépenses relatives au minimum garanti au producteur, en sa qualité de distributeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête par des moyens contraires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la propriété intellectuelle ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société Kaze, qui a pour objet la distribution et la commercialisation d'oeuvres audiovisuelles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 à l'issue de laquelle ont été prononcées à son encontre diverses rectifications portant notamment sur le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée ; qu'elle relève appel du jugement du 28 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de la cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition
(...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige, auxquelles renvoient les dispositions précitées de l'article 1647 E du même code : " II. 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...) / Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les transferts de charges mentionnées aux troisième et quatrième alinéas ainsi que les transferts de charges de personnel mis à disposition d'une autre entreprise ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douanes compris ; les réductions sur ventes, les stocks au début de l'exercice (...) " ; que ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée au sens du présent article et qu'il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables en vigueur ;
4. Considérant que la société Kaze a comptabilisé des ristournes sur vente dont elle aurait fait bénéficier sa filiale, pour un montant de 243 676,59 euros ; que l'administration fiscale a regardé ces sommes comme des abandons de créance à caractère commercial, qui constituent des charges exceptionnelles, ne se rapportant pas à la gestion courante de l'entreprise, non déductibles de la valeur ajoutée ; qu'il résulte de l'instruction que les écritures comptables invoquées résultent d'une décision d'abandon de créances assorti d'une clause de retour à meilleure fortune de la filiale de la société requérante, prise par une assemblée générale extraordinaire en date du 22 décembre 2008 ; qu'en vertu du principe d'indépendance des procédures, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la position qu'aurait adoptée l'administration fiscale dans le cadre du litige l'opposant à sa filiale ; qu'ainsi, en se bornant à soutenir que la somme en litige correspond en réalité à une régularisation comptable de prestations et ventes commerciales annulées entre les sociétés, inscrites comme telles conformément aux règles comptables en vigueur, la société n'apporte pas la preuve de l'annulation des ventes commerciales qu'elle invoque qui aurait selon elle justifié une inscription au compte 70 ; que la société Kaze n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a ajouté cette somme de 243 676 euros au montant du chiffre d'affaires de la société, ce qui, au vu de ce seul élément, rend la société redevable de la taxe professionnelle dès lors que le chiffre d'affaires s'élève déjà, compte tenu du montant déclaré de 7 493 894 euros, à la somme de 7 737 570 euros, soit plus de 7 600 000 euros ;
5. Considérant, au surplus, que la société Kaze soutient que les redevances de concession de licences d'exploitation de films ne doivent pas être prises en compte pour le calcul de son chiffre d'affaires, dès lors que lesdites redevances sont enregistrées, selon le plan comptable général, au compte 75 " Autres produits de gestion courante ", et non au compte 70 " Ventes de produits fabriqués, prestations de services, marchandises " ; que, toutefois, d'une part, le point 222-2 du plan comptable général, dans sa rédaction applicable au présent litige, définit le chiffre d'affaires comme le " montant des affaires réalisées par l'entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante " ; qu'il n'est pas contesté que l'exploitation de licences d'exploitation de films, donnant lieu à la perception de redevances auprès de tiers, constitue une activité professionnelle normale et courante de la société Kaze ; que, d'autre part, ce chiffre d'affaires inclut, pour sa détermination, entre autres, les éléments comptables inscrits au compte " 75 : Autres produits de gestion courante ", parmi lesquels figurent les redevances inscrites au sous-compte 751 " Redevances pour concessions (...) " ; que la circonstance que les éléments entrant dans le chiffre d'affaires aient été ultérieurement détaillés par la loi de finances pour 2010 n'est pas de nature à établir qu'ils ne devaient pas être pris en compte pour la détermination de ce dernier au titre des exercices antérieurs ; qu'en tout état de cause, en mentionnant dans la notice qui accompagne la déclaration, formulaire 2052, que le chiffre d'affaires net est reporté dans les formulaires de déclaration dans la ligne FL, l'administration n'a pas pour autant entendu exclure nécessairement les redevances pour concessions, brevets, licences et autres produits similaires qui sont reportés en ligne FQ du même formulaire pour le calcul du chiffre d'affaires servant à la détermination de l'assujettissement à la taxe professionnelle ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que l'administration a inclus les redevances litigieuses dans le chiffre d'affaires de la société Kaze ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Kaze n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale l'a assujettie à la cotisation minimale de taxe professionnelle ;
7. Considérant que l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dispose :
" Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ;
8. Considérant que la société Kaze conteste la prise en compte dans le montant de la valeur ajoutée pour la détermination de sa cotisation de taxe professionnelle des abandons de créance consentis à sa filiale, au motif qu'il s'agirait de ristournes sur vente ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, l'administration fiscale était fondée à requalifier les écritures comptables correspondantes, qui venaient en déduction de la valeur ajoutée de la société ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement invoquer l'instruction fiscale 6 E-9-79 du 17 décembre 1979, relative aux ristournes sur vente ;
9. Considérant que, pour le calcul de la valeur ajoutée, l'administration a réintégré dans la production de l'entreprise des dépenses de doublages des films, soit 759 330 euros, et a déduit de la " consommation de biens et services en provenance de tiers " le minimum garanti au profit du producteur, soit la somme de 2 930 588 euros ; que la société se prévaut à l'encontre de cette réintégration, du paragraphe 8 de l'instruction du 21 octobre 2005 6-E-11-05, applicable aux exercices en litige, concernant le calcul de la valeur ajoutée pour les sociétés de production et de distribution cinématographique et audiovisuelle qui prévoit un régime d'amortissement spécial et dérogatoire et aux termes de laquelle : " La production immobilisée afférente à des oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques inscrites à l'actif du bilan d'une entreprise de production audiovisuelle ou cinématographique est désormais intégralement exclue du calcul de la valeur ajoutée, dès lors que ces oeuvres sont susceptibles de bénéficier de l'amortissement prévu par la DB 2661 n° 26 et suivants " ; qu'aux termes de cette dernière instruction, les contribuables concernés par cette mesure sont les " producteurs d'oeuvres audiovisuelles au sens de la loi n° 57-298
du 11 mars 1957, modifiée par la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, relative à la propriété littéraire et artistique. / Selon les dispositions de cette loi, la qualité de producteur suppose la réunion de deux éléments : / - un élément intentionnel : le producteur de l'oeuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre (art. 17 de la loi) ; / - un élément matériel : le producteur acquiert les droits exclusifs d'exploitation de l'oeuvre audiovisuelle par un contrat de production audiovisuelle conclu avec les auteurs (art. 63-1 de la
loi) ; ces droits comprennent notamment le droit de représentation de l'oeuvre, qui consiste en la communication de l'oeuvre au public par tout procédé (projection publique, télédiffusion, ...) et le droit de reproduction de cette oeuvre. / En pratique, pour bénéficier du régime spécial d'amortissement, les producteurs d'oeuvres audiovisuelles devront justifier de leurs droits de production au regard de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957, modifiée par la loi n° 85-660 du
3 juillet 1985 " ;
10. Considérant que la loi du 11 mars 1957 modifiée, à laquelle se réfère l'instruction invoquée sur la qualité de producteur, est désormais codifiée au code de la propriété intellectuelle, dont il résulte de son article L. 113-7 que : " Ont la qualité d'auteur d'une oeuvre audiovisuelle la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette oeuvre. / Sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d'une oeuvre audiovisuelle réalisée en collaboration : / 1° L'auteur du scénario ; / 2° L'auteur de l'adaptation ; / 3° L'auteur du texte parlé ; / 4° L'auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l'oeuvre ; / 5° Le réalisateur. / Lorsque l'oeuvre audiovisuelle est tirée d'une oeuvre ou d'un scénario préexistants encore protégés, les auteurs de l'oeuvre originaire sont assimilés aux auteurs de l'oeuvre nouvelle. " ;
11. Considérant que la société Kaze soutient qu'elle est le producteur de la version française des oeuvres audiovisuelles qu'elle diffuse, dès lors qu'elle assure elle-même la traduction et le doublage, qui fait partie de la production, et qu'elle assume un risque de production sur le marché français ; qu'il est toutefois constant que l'oeuvre audiovisuelle produite est tirée d'une oeuvre ou d'un scénario préexistants dont il n'est pas contesté qu'ils soient encore protégés ; qu'il résulte des dispositions citées au point 10, que l'auteur de l'oeuvre originaire est l'auteur de l'oeuvre nouvelle ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que les contrats d'achat des droits comptabilisés à l'actif ne sont pas des contrats de coproduction, mais des contrats de licences d'exploitation conférées à la requérante ; qu'il en résulte que la société requérante, qui n'a pas la qualité d'auteur des oeuvres audiovisuelles en cause, ni par suite celle de producteur d'oeuvre audiovisuelle, n'entre pas dans le champ de la doctrine citée au point 9 qu'elle invoque ;
12. Considérant que la société Kaze se prévaut également, à l'encontre de la réintégration dans sa valeur ajoutée prise en compte pour le calcul de sa cotisation de taxe professionnelle de dépenses relatives au minimum garanti au producteur, de la même instruction 6 E-11-05 dont il résulte au paragraphe 16 que le régime d'amortissement spécifique dit régime d'amortissements sur les recettes, réservé initialement aux producteurs de films cinématographiques est étendu à l'ensemble des distributeurs d'oeuvres audiovisuelles sous certaines conditions et renvoie en son paragraphe 10 à la doctrine administrative 4 D-2661 n° 26 à 49, mise à jour par le BOI 4D-2 97 ; que ce régime dérogatoire s'applique " sous réserve, toutefois, que les droits de distribution en cause soient acquis avant la date de première diffusion commerciale de l'oeuvre correspondante " ; que cette doctrine, qui est d'interprétation stricte, ne pose pas de condition de territorialité et qu'il n'y a donc pas lieu de distinguer selon que la première diffusion ait eu lieu en France ou à l'étranger, ce qui ne contrevient pas pour autant, en outre, au principe de territorialité de l'impôt ; qu'il est constant que les titres acquis par la société concernent des films ont déjà fait l'objet d'une diffusion commerciale au Japon ; que, par ailleurs, la société ne peut pas utilement se prévaloir des incohérences de la doctrine relatives à la date d'acquisition des droits de distribution ; que si la requérante conteste la différence de traitement entre les entreprises de production audiovisuelle ou cinématographique et les distributeurs d'oeuvres audiovisuelles, et se prévaut des règles comptables, ces circonstances, à les supposer établies, ne permettent pas pour autant à la société requérante, qui n'a pas la qualité de distributeur, de se prévaloir de la doctrine qu'elle invoque, laquelle est d'interprétation stricte et dans le champ de laquelle elle n'entre pas, ni de la doctrine du
12 septembre 2012, postérieure à l'année d'imposition ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Kaze n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Kaze est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kaze et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Est.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 décembre 2015.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
A-L. PINTEAU La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02384