Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2014, présentée pour l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), dont le siège est 244 boulevard Saint-Germain bâtiment 5 à Paris (75007), par Adamas avocats associés ; l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1306796, 1306798, 1306800, 1306803, 1306804 et 1306806/2-1 du 8 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions n° 13/050, n° 13/051, n°13/052, n°13/053, n°13/054 et n° 13/058 du 19 février 2013 par lesquelles elle a infligé à la société Darta des amendes administratives d'un montant respectif de 3 000, 4 000, 3 000, 4 000, 2 000 et 3 000 euros pour dépassement par ses aéronefs des heures limites d'arrivée ou de départ de l'aire de stationnement de l'aérodrome de Nice-Côte d'Azur ;
2°) de rejeter les demandes de la société Darta ;
3°) à titre subsidiaire de statuer à nouveau sur le montant des amendes infligées à cette société ;
4°) de mettre à la charge de la société Darta le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour chacun des dossiers de première instance et de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel ;
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a statué en excès de pouvoir et non en plein contentieux et méconnu ainsi l'étendue de son office ;
- il n'a pas analysé dans ses visas les conclusions subsidiaires présentées par l'ACNUSA dans ses deuxièmes mémoires en défense ;
Sur le fond :
- il n'y a pas eu de violation du principe " non bis in idem " car les faits consignés dans les deux séries de procès-verbaux ne sont pas identiques ;
- ce principe ne s'applique pas aux sanctions administratives ;
- en tout état de cause il ne s'oppose pas à ce que deux sanctions soient prononcées pour les mêmes faits dès lors que le total des sanctions n'est pas supérieur au montant le plus élevé prévu pour une des sanctions ;
- les faits sont établis par les procès-verbaux jamais contestés jusque là et dressés par des agents assermentés ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2015, présenté pour la société Darta par la Scp Didier et Pinet qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société Darta fait valoir que :
- le tribunal n'a pas méconnu son office ;
- il a à juste titre estimé que les faits qui lui étaient soumis avaient déjà été jugés une fois et ne pouvaient l'être une seconde ;
- l'ACNUSA a statué deux fois sur des poursuites de même nature relatives aux mêmes faits commis par la même personne ;
- la première décision prise par L'ACNUSA de ne pas sanctionner est une décision créatrice de droit qui ne pouvait être retirée au delà de quatre mois ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 27 février 2015 présenté pour l'ACNUSA qui persiste dans ses conclusions en faisant en outre valoir que les faits sont établis par les procès-verbaux jamais contestés jusque là et dressés par des agents assermentés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code des transports ;
Vu l'arrêté du 2 mars 2010 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de
Nice-Côte d'Azur ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2015 :
- le rapport de Mme Terrasse, président assesseur,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de MeA..., pour l'ACNUSA ;
1. Considérant que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires a, par six décisions du 19 février 2013, infligé à la société de transport aérien Darta six amendes administratives d'un montant respectif de 3 000, 4 000, 3 000, 4 000, 2 000 et 3 000 euros pour des dépassements par ses aéronefs des heures limites d'arrivée ou de départ de l'aérodrome de Nice-Côte d'Azur, les 1er, 17, 20 et 21 août 2011 ; que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires demande l'annulation du jugement du 8 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé ces sanctions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que si le juge administratif, lorsqu'il est saisi de la régularité des amendes infligées par l'ACNUSA au titre de sanctions administratives, statue en qualité de juge de plein contentieux, cette circonstance ne lui interdit pas de prononcer l'annulation de la décision prononçant la sanction ce qui, par voie de conséquence, entraine la décharge de l'amende ; qu'il ne saurait ainsi être reproché au tribunal administratif de ne pas avoir épuisé sa compétence en se bornant à cette annulation ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que les premiers juges ont estimé que les décisions infligeant des amendes à la société Darta devaient être annulées en raison de l'impossibilité de prononcer des sanctions dans le cas d'espèce, le moyen tiré de ce qu'ils auraient omis de statuer sur le montant des amendes ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, enfin, qu'il ressort des termes des deuxièmes mémoires en défense produits par l'ACNUSA dans chacun des dossiers de première instance qu'elle se bornait à conclure au rejet des demandes de la société Darta ; qu'ainsi elle n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute d'avoir visé et analysé les conclusions subsidiaires qu'elle dit avoir formulées ;
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 6361-12 du code des transports : " L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l'encontre : / 1° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l'article L. 6412-1 (...) ne respectant pas les mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant (...) c) Des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 6361-14 du même code : " Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 6142-1 constatent les manquements aux mesures définies par l'article L. 6361-12. Ces manquements font l'objet de procès-verbaux qui, ainsi que le montant de l'amende encourue, sont notifiés à la personne concernée et communiqués à l'autorité. / A l'issue de l'instruction, le président de l'autorité peut classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières à la commission des faits le justifient ou que ceux-ci ne sont pas constitutifs d'un manquement pouvant donner lieu à sanction. / L'instruction et la procédure devant l'autorité sont contradictoires (...) / Au terme de l'instruction, le rapporteur notifie le dossier complet d'instruction à la personne concernée. Celle-ci peut présenter ses observations au rapporteur. / L'autorité met la personne concernée en mesure de se présenter devant elle ou de se faire représenter (...). Après avoir entendu le rapporteur et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant, l'autorité délibère hors de leur présence (...) " ;
6. Considérant, d'autre part, que selon le III de l'article 1er de l'arrêté du 2 mars 2010 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nice-Côte d'Azur, aucun aéronef équipé de turboréacteurs émettant un certain niveau de bruit " ne peut : - atterrir entre 23 h 30 et 6 h 15, heures locales d'arrivée sur l'aire de stationnement ; / - décoller entre 23 h 15 et 6 heures, heures locales " ;
7. Considérant que, par six procès-verbaux dressés le 11 octobre 2011 les agents compétents ont constaté que les 1er, 17, 20 et 21 août 2011, les aéronefs de la société Darta ont violé les dispositions précitées du III de l'article 1er de l'arrêté du 2 mars 2010, en atterrissant ou décollant de l'aérodrome de Nice-Côte d'Azur en dehors des horaires autorisés ; que, par trois décisions du
16 février 2012, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires a décidé de ne pas prononcer de sanctions pour ces faits, au motif que les mentions portées sur les procès-verbaux devaient être regardées comme " inexactes " dès lors qu'elles faisaient référence non à " l'aire " mais au " poste " de stationnement et qu'en conséquence, le manquement était " non constitué " ; que, par six nouveaux procès-verbaux dressés les 18 et 19 juillet 2012 qui, selon les termes mêmes de la lettre de notification émise par le ministre de l'écologie du développement durable, des transports et du logement, annulaient et remplaçaient les précédents, les agents compétents ont, à nouveau, constaté les manquements susmentionnés, en consignant des heures d'arrivée et de départ des aéronefs de la société identiques aux précédentes mais, cette fois, par rapport à " l'aire " de stationnement ; que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires s'est fondée sur ces procès-verbaux pour prononcer le 19 février 2013 les six amendes contestées ;
8. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'ACNUSA, les faits rapportés par les six procès-verbaux de 2011 et ceux rapportés par les six procès-verbaux de 2012 sont les mêmes, dès lors qu'ils concernent des manoeuvres effectuées par les aéronefs de la société Darta aux mêmes heures et ce alors même que les rédacteurs ont substitué, sur les seconds procès-verbaux, la mention de l'" aire " de stationnement à celle du " poste " de stationnement ; que l'autorité soutient qu'eu égard à la configuration de l'aéroport de Nice, la prise en compte soit de " l'aire " de stationnement soit du " poste " de stationnement, compte tenu de l'éloignement de ces deux zones, qu'elle ne définit d'ailleurs pas avec précision, correspond à des faits distincts constatés par les deux séries de procès-verbaux ; que toutefois elle ne l'établit nullement par les pièces qu'elle produit ;
9. Considérant que, pour annuler les sanctions administratives litigieuses, les premiers juges ont estimé que l'ACNUSA qui s'était déjà prononcée par ses délibérations du 16 février 2012 sur les mêmes faits ne pouvait les examiner à nouveau le 19 février 2013 ; qu'ils ont ainsi entendu faire application du principe général du droit selon lequel nul ne peut être sanctionné ni même poursuivi deux fois à raison des mêmes faits ; qu'en l'espèce, si seuls les faits constatés par les procès-verbaux dressés le 18 et 19 août 2012 ont donné lieu au prononcé de sanctions, il s'agit des mêmes faits que ceux qui avaient déjà donné lieu aux poursuites s'étant conclues, le 16 février 2012, par des délibérations de l'ACNUSA décidant qu'il n'y avait pas lieu à sanction ; que, par suite, alors que ni l'article L. 6361-14 du code des transports ni d'ailleurs aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que la procédure de sanction pourrait être reprise pour les mêmes faits après une première décision, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que le principe général du droit proscrivant la pluralité des poursuites s'opposait à ce que l'ACNUSA se prononce à nouveau sur ces infractions ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ACNUSA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du 19 février 2013 infligeant des amendes à la société Darta et, par voie de conséquence, a déchargé celle-ci de leur paiement ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
En ce qui concerne l'instance d'appel :
11. Considérant, d'une part, que ces dispositions s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'ACNUSA tendant à ce que soit mise à la charge de la société Darta, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
12. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Darta pour sa défense en appel ;
En ce qui concerne la première instance :
13. Considérant que la confirmation par le présent arrêt des annulations prononcées par le jugement attaqué implique le rejet des conclusions de l'ACNUSA tendant à ce que la société Darta, qui n'est pas la partie perdante, lui verse la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle pour chacune des affaires de première instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires est rejetée.
Article 2 : L'État versera à la société Darta une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et à la société Darta.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- Mme Terrasse, président assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.
Le rapporteur,
M. TERRASSELa présidente,
S. PELLISSIER
Le greffier,
E. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02411