Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du
31 juillet 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son épouse et de sa fille, ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté son recours gracieux contre cette décision.
Par un jugement n° 1401677-2 du 11 décembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2015, M.B..., représenté par
Me C...D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401677-2 du 11 décembre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du
31 juillet 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de faire droit à sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse et de sa fille dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à
Me C...D..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative
et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été prise en méconnaissance de la circulaire du 7 janvier 2009 qui prévoit la possibilité, si des circonstances particulières le justifient, de dispenser de la condition de ressources les titulaires d'une allocation aux adultes handicapés dont le taux d'incapacité permanente est compris entre 50 % et 79 % ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que ses ressources mensuelles sont supérieures au salaire minimum de croissance ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée le 12 mai 2015 au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 5 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en date du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Cheylan a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né le 2 janvier 1956, est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 25 novembre 2015 ; qu'il a présenté le 18 septembre 2012 une demande de regroupement familial au profit de son épouse et de sa fille ; que, par une décision du 31 juillet 2013, le préfet du Val-de-Marne a opposé un refus à sa demande ; que M. B...a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que
M. B...relève appel du jugement du 11 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 de l'accord franco-tunisien susvisé : " Le conjoint des personnes titulaires des titres de séjour et des titres de travail mentionnés aux articles précédents ainsi que leurs enfants n'ayant pas atteint l'âge de la majorité dans le pays d'accueil, admis dans le cadre du regroupement familial sur le territoire de l'un ou de l'autre Etat, sont autorisés à y résider dans les mêmes conditions que lesdites personnes. " ; que l'article 11 de ce même accord stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. " ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants tunisiens : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de
dix-huit ans. " ; que l'article L. 411-5 du même code dispose : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à
l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à
l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés. / Les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. (...) " ; que l'article L. 821-2 du même code dispose : " L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : / 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ; / 2° La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret. (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 821-1 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %. / Pour l'application de
l'article L. 821-2 ce taux est de 50 %. (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que la condition de ressources ne peut lui être opposée dès lors qu'il est gravement malade et bénéficie de l'allocation pour adultes handicapés ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées en date du 4 février 2014 que l'allocation perçue par le requérant relève des dispositions de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale alors que la dispense de condition de ressources n'est applicable qu'aux titulaires de l'allocation perçue en application de l'article L. 821-1 du même code ; que par ailleurs M. B...ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 7 janvier 2009 relative aux conditions de ressources pour le regroupement familial, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ; que par suite le préfet du Val-de-Marne a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande de regroupement familial au motif que les ressources de M. B...étaient inférieures au minimum requis ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...fait valoir que ses ressources étaient supérieures au salaire minimum de croissance mensuel dès lors qu'il percevait tous les mois une allocation spécifique de solidarité versée par Pôle emploi de 477 euros, une allocation adulte handicapé de 776,59 euros et une aide personnalisée au logement de 307,82 euros ; que toutefois, ni l'allocation spécifique de solidarité prévue à l'article L. 5423-1 du code du travail, ni l'aide personnalisée au logement prévue aux articles L. 542-1 et suivants et L. 831-1 et suivants du code de la sécurité sociale, ne doivent être prises en compte dans le calcul des ressources du demandeur, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, les ressources mensuelles de M. B...étaient inférieures au montant brut du salaire minimum de croissance qui s'élevait à 1 430,22 euros en 2013 ; que dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées que le préfet du Val-de-Marne a estimé que les ressources de M. B... étaient insuffisantes pour subvenir aux besoins de son épouse et de sa fille et lui a refusé pour ce motif le regroupement familial en faveur de ces dernières ;
6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au
bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que M. B...soutient qu'il réside en France depuis 1980 et que son état de santé nécessite la présence de son épouse à ses côtés ; que toutefois le requérant, âgé de 56 ans, n'a sollicité qu'en 2012 le bénéfice du regroupement familial alors qu'il a épousé sa compagne en 1979 et que leur fille est née en 1994 ; que si les certificats médicaux qu'il produit indiquent qu'il a été soigné pour un cancer en 2007, ils sont insuffisamment circonstanciés sur la nature du suivi médical nécessaire à son état de santé et sur les raisons qui rendraient indispensable la présence de son épouse et de sa fille à ses côtés ; qu'en outre, M. B...n'établit pas qu'il n'aurait pas accès en Tunisie à un traitement adapté aux pathologies dont il souffre ; que si le requérant fait valoir qu'il a construit une vie familiale et sociale en France, il n'établit pas, eu égard à ce qui vient d'être dit, qu'il serait dans l'impossibilité de rejoindre son épouse et sa fille en Tunisie ; que, dans ces conditions, la décision de refus du 31 juillet 2013 n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations précitées ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B... ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative
et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Mosser, président,
- M. Boissy, premier conseiller,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2015.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
G. MOSSER
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01487