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27/11/2015 | FRANCE | N°14PA01026

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 27 novembre 2015, 14PA01026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune d'Othis à lui verser la somme de 35 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle a été victime, de la sanction disciplinaire prise à son encontre le 4 avril 2011, de la diminution de sa notation au titre de l'année 2010, de son changement d'affectation, de l'absence de v

ersement de la nouvelle bonification indiciaire ainsi que du refus de lui accorde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune d'Othis à lui verser la somme de 35 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle a été victime, de la sanction disciplinaire prise à son encontre le 4 avril 2011, de la diminution de sa notation au titre de l'année 2010, de son changement d'affectation, de l'absence de versement de la nouvelle bonification indiciaire ainsi que du refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1107769/5 du 23 décembre 2013, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2014, MmeB..., représentée par le cabinet Athon-Perez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 décembre 2013 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner la commune d'Othis à lui verser la somme de 35 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Othis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; par ailleurs, il est insuffisamment motivé , le tribunal administratif ayant omis de répondre au moyen tiré de ce que la commune d'Othis aurait méconnu son obligation d'assurer la protection de la santé de ses agents, découlant de l'article 23 de la loi du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, elle a subi un harcèlement moral de la part d'une collègue, puis de la part de la commune elle-même, laquelle, loin de prendre les mesures adéquates, a pris des mesures de rétorsion ; la commune l'a ainsi illégalement sanctionnée à la suite d'un incident dont elle n'était pas responsable, l'a affectée dans un emploi sans responsabilité et a abaissé sa notation ;

- il appartient à la commune d'établir l'absence de tout harcèlement moral à l'égard de la requérante ;

- la commune a manqué à son obligation de protection, tant au titre de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 qu'au titre de l'obligation générale faite à tout employeur public de veiller à la santé de ses agents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2014, la commune d'Othis, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 9 décembre 2014, Mme B...reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens.

Une ordonnance du 3 novembre 2014 a fixé la clôture de l'instruction au 7 janvier 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

-la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Petit, rapporteur,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me Perrine Athon-Perrez, avocate de MmeB....

1. Considérant que Mme B..., rédacteur territorial principal titulaire de la commune d'Othis, s'estimant victime d'un harcèlement moral, a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner cette commune à lui verser une somme globale de 35 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de plusieurs fautes commises par celle-ci ; que par un jugement du 23 décembre 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que Mme B...fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement comporte l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que, d'autre part, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par Mme B...à l'appui de ses moyens, ni de citer les références des pièces jointes sur lesquelles il s'est fondé, a suffisamment motivé son jugement ; qu'enfin, il ne ressort pas des écritures de première instance de Mme B...que celle-ci aurait soulevé devant le tribunal administratif, avant la clôture de l'instruction, un moyen tiré de ce que la commune aurait méconnu l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 ; que, par suite, le tribunal administratif ne peut être regardé comme ayant omis de statuer sur ce moyen ;

Sur la responsabilité de la commune d'Othis :

3. Considérant que la requérante soutient qu'elle a subi un harcèlement moral de la part d'une collègue, puis de la part de la commune elle-même, laquelle, loin de prendre les mesures adéquates, aurait pris des mesures de rétorsion, sous la forme d'une sanction disciplinaire, d'un changement d'affectation la privant de l'exercice de véritables fonctions ainsi que d'un abaissement de sa notation ; qu'elle soutient également que la commune aurait manqué à son obligation de protection ;

En ce qui concerne les fautes qu'aurait commises la commune à raison d'un harcèlement moral :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que Mme B...a été affectée au service des ressources humaines de la commune à compter du mois de mai 2009 et qu'elle était amenée à travailler, pour la gestion de la paye des agents, en liaison avec un agent du syndicat intercommunal du collège Jean-Jacques Rousseau ; que si la requérante fait état d'insultes ou à tout le moins de propos très désobligeants, mettant notamment en cause ses compétences professionnelles en matière d'informatique, qui auraient été tenus par cet agent, ces affirmations ne sont pas corroborées par les pièces produites au dossier ; qu'en particulier, la note du 27 janvier 2011, atteste seulement de désaccords et de tensions entre les intéressés ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que par un arrêté du 4 avril 2011, le maire d'Othis a pris à l'égard de la requérante une sanction d'exclusion temporaire de trois jours, sur le fondement de l'article 80 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 18 septembre 1989 ; que Mme B...a été informée, par deux lettres en date des 13 janvier et 10 mars 2011, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, des faits qui lui étaient reprochés, de la sanction envisagée, de la faculté de produire ses observations, de la possibilité d'être accompagnée de la personne de son choix et de consulter son dossier administratif ; que l'arrêté du 4 avril 2011 repose sur plusieurs motifs ; qu'en admettant même que certains d'entre eux n'étaient pas mentionnés dans ces lettres et n'étaient pas à eux seuls de nature à justifier une sanction disciplinaire, il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision de sanction en se fondant sur l'altercation ayant opposé Mme B...à sa collègue le 7 janvier 2011 et sur le manque de respect dont elle a fait preuve à l'égard de sa supérieure hiérarchique le même jour; que ces motifs étaient mentionnés dans les courriers précités ; que, dans ces conditions, le principe des droits de la défense n'a pas été méconnu par le maire d'Othis ; qu'il résulte de l'instruction que la requérante a admis elle-même s'être emportée, le 7 janvier 2011, dans le cadre d'un désaccord avec sa collègue ; que cet incident a nécessité l'intervention de la directrice générale des services ; que le rapport établi par celle-ci le 11 janvier 2011 relève le manque de respect de Mme B...à son égard à l'occasion de cette intervention ; que ces fais étaient, à eux seuls, de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que la sanction prononcée par le maire d'Othis n'est pas disproportionnée ; que cette sanction ne peut dès lors être regardée comme révélant un harcèlement moral de la part de la commune ou comme constituant une mesure de rétorsion à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la note chiffrée de la requérante est passée de 18,75 en 2009 à 17 au titre de l'année 2010 ; que le maire, s'agissant de l'appréciation littérale, a relevé que la requérante rencontrait de " gros problèmes relationnels avec ses collègues ayant perturbé gravement le service " ; que la matérialité d'incidents répétés ayant opposé Mme B...à au moins l'une de ses collègues est établie par les pièces produites par la commune ; qu'ainsi, la notation attribuée à la requérante au titre de l'année 2010 ne peut être regardée comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation, alors même que les notations au titre des années antérieures, au cours desquelles la requérante était affectée dans d'autres services de la commune, étaient très satisfaisantes ; qu'elle ne révèle, en conséquence, ni un harcèlement moral de la part de la commune ni une mesure de rétorsion consécutive à la dénonciation de faits de harcèlement moral ;

8. Considérant, en dernier lieu, que Mme B...soutient que le changement d'affectation décidé par l'autorité territoriale à compter de son retour de congé de maladie le 7 février 2011 constitue une sanction déguisée, prise en raison de la dénonciation de la situation de harcèlement moral dont elle s'estime victime ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les tensions au sein du service des relations humaines rendaient nécessaire, dans l'intérêt du service, un changement d'affectation ; que la requérante a, dans un premier temps, été affectée dans les locaux de la police municipale, où elle exerçait auparavant ses fonctions, dans l'attente de l'installation du nouveau service des archives municipales, dont la mise en place lui a été confiée par une fiche de poste signée par Mme B... le 3 mars 2011 ; que si la requérante fait valoir qu'aucune mission concrète ne lui a été confiée, il ressort de cette fiche de poste que Mme B... a été chargée de mettre en place ce nouveau service et la rédaction d'un projet en ce sens, puis à compter de l'installation effective du service prévue au mois de septembre 2011, de le prendre en charge ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel emploi ne correspondait pas à un besoin réel de la commune, ou à des fonctions susceptibles d'être remplies par un rédacteur territorial ; que la double circonstance, d'une part, que le volume ou l'intérêt des tâches ainsi confiées à la requérante serait moindre que celui des missions qui lui étaient confiées antérieurement au sein du service des relations humaines, d'autre part que le nouvel emploi ne donne pas lieu au versement de la nouvelle bonification indiciaire, ne suffit pas à établir que le changement d'affectation présenterait le caractère d'une sanction déguisée ou révèlerait un harcèlement moral ;

En ce qui concerne les manquements allégués de la commune à son devoir de protection de l'agent :

9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 7 ci-dessus que la requérante ne peut être regardée comme ayant été victime de faits qui auraient justifié la mise en oeuvre de la protection garantie par ces dispositions ; qu'ainsi, en refusant le 12 février 2011, puis le 21 mars 2011, de faire droit à la demande de protection fonctionnelle présentée par Mme B...le 1er février 2011 ou d'ouvrir une enquête administrative, le maire d'Othis n'a pas commis d'illégalité fautive ;

10. Considérant, d'autre part, que si l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ", la circonstance que la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de la requérante ainsi que le changement d'affectation de celle-ci auraient eu des répercussions sur son état de santé ne peut, compte tenu de ce qui a été dit aux points 1 à 7 ci-dessus, être regardée comme une méconnaissance par la commune des obligations posées par ces dispositions ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la commune d'Othis ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Othis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à la commune d'Othis.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2015.

Le rapporteur,

V. PETITLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01026
Date de la décision : 27/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET MLD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-27;14pa01026 ?
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