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18/11/2015 | FRANCE | N°15PA00835

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 novembre 2015, 15PA00835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de lui délivrer une autorisation pro

visoire de séjour et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1420342/5-3 du 21 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué, a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M.B..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à MaîtreC..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que l'intéressé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2015, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 21 janvier 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- M. B...ne justifie pas du caractère habituel de sa présence en France pour les années 2006 à 2010 ;

- il se réfère pour le surplus à ses observations de première instance ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2015, M.B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête. Il demande en outre l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Il demande également qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, et que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée de défaut de motivation ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée de défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le jugement attaqué n'a pas été exécuté ;

Par une décision du 22 mai 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a accordé à M. B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Magnard a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B..., ressortissant malien, né le 25 novembre 1972, est entré en France le 9 mai 2001 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 1er avril 2014, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 21 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui à enjoint de réexaminer la situation de M.B..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions du préfet de police :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7./ L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l 'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;

3. Considérant qu'en se bornant à produire, au titre de l'année 2008, des documents relatifs à l'attribution de l'aide médicale d'Etat, des documents médicaux ne permettant au plus de justifier que d'une présence ponctuelle en France, des courriers relatifs à la carte solidarité transport et un avis de non imposition édité en 2011, et au titre de l'année 2009, une attestation d'hébergement de l'association Emmaüs, une attestation d'hébergement établie en 2012 par le Samu social et relative à une seule journée, des documents médicaux ne mentionnant pas son adresse, une attestation d'aide médicale d'Etat, une lettre " solidarité transport " et un courrier " pass navigo", M B...ne justifie pas d'une résidence habituelle en France au cours des années susmentionnées ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 1er avril 2014, le tribunal administratif de Pais s'est fondé sur ce que, compte tenu de la résidence habituelle en France de M. B...depuis plus de dix ans, le préfet était tenu, en application des dispositions précitées, de saisir la commission du titre de séjour de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.B... devant la Cour et le Tribunal administratif de Paris ;

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté susmentionné comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; qu'il vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et fondamentales, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et examine la situation de M. B...au regard des dispositions de l'article L 313-14 dudit code ; que d'autre part, il précise qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionné à sa vie privée et familiale et explicite les éléments de fait retenus à l'appui de cette constatation ; que l'arrêté en cause est, par suite, suffisamment motivé ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à se prévaloir sans d'ailleurs l'établir ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de sa présence en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en cause et de la présence sur le territoire français de sa fratrie, M. B...n'établit pas que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels ; qu'il n'est par suite pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République / (...) " ; que M. B...est célibataire et sans charge de famille ; qu'il n'établit pas la durée et la continuité de la présence en France dont il se prévaut ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère ; qu'ainsi et alors même que sa fratrie résiderait en France et qu'il y aurait noué des liens privés, amicaux et sociaux, sur la nature et l'intensité desquels ils ne fournit d'ailleurs aucune précision, l'arrêté en cause n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a dès lors méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas davantage entaché cet arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. B...;

8. Considérant enfin que la circonstance que le préfet de police n'ait pas procédé à l'exécution du jugement attaqué est sans influence sur la légalité de l'arrêté en cause ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 1er avril 2014, lui à enjoint de réexaminer la situation de M.B..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. B...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M.B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1420342/5-3 du 21 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 18 novembre 2015.

Le rapporteur,

M. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00835
Date de la décision : 18/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : LAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-18;15pa00835 ?
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