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16/11/2015 | FRANCE | N°15PA02291

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 16 novembre 2015, 15PA02291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2014 par lequel le préfet de police a opposé un refus à sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1424908/5-3 du 11 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. E...u

n certificat de résidence algérien d'une durée de validité d'un an portant la mention " ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2014 par lequel le préfet de police a opposé un refus à sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1424908/5-3 du 11 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. E...un certificat de résidence algérien d'une durée de validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à M. E...en application de l'article L761-1 du code de justice administratif.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

-le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il se fonde sur des certificats médicaux qui n'ont pas été produits à l'appui de la requête et qui, s'ils ont été ensuite produits devant le tribunal n'ont jamais été communiqués au défendeur, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

-le jugement est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il annule l'arrêté attaqué en se fondant sur l'erreur manifeste commise dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé alors que le tribunal ne retient que son seul état de santé ;

- le tribunal a à tort jugé que l'arrêté attaqué était entaché d'erreur manifeste d'appréciation alors d'une part qu'il ne ressortait pas du dossier que l'intéressé n'aurait pu bénéficier d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine et d'autre part que l'essentiel de sa famille y réside toujours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2015, M. H...E..., représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Labetoulle, rapporteur.

1. Considérant que M.E..., de nationalité algérienne, né le 10 juillet 1977 à Alger, serait entré en France selon ses déclarations le 14 août 2002 ; que le 10 juin 2014 il a été victime d'un grave accident à la suite duquel il s'est vu délivrer un certificat de résidence valable du 26 septembre 2011 au 25 septembre 2012, renouvelé ensuite jusqu'au 25 septembre 2013 ; qu'après avoir sollicité le 10 juin 2013 le renouvellement de son dernier titre de séjour, le préfet de police a, par arrêté du 3 septembre 2014, opposé un refus à cette demande, obligé l'intéressé à quitter le territoire français et fixé le pays de destination ; que le tribunal, saisi par M.E..., a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de police de délivrer au requérant un certificat de résidence par jugement du 11 mai 2015 dont le préfet de police interjette appel ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal, pour annuler l'arrêté attaqué, s'est fondé sur trois certificats médicaux, en date du 5 juin 2014 pour les premiers, et du 15 octobre 2014 pour le dernier ; qu'il ressort des pièces du dossier que ces trois documents avaient été enregistrés auprès du tribunal le 16 janvier 2015 et n'avaient pas été communiqués au préfet de police ; que celui-ci est dès lors fondé à soutenir que le jugement méconnait le principe du contradictoire et à en demander l'annulation ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 2014-00285 du 7 avril 2014 régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris le 11 avril suivant, le préfet de police a donné délégation à M. C... D..., attaché principal d'administration de l'Intérieur et de l'Outre-mer, adjoint au chef du 9e bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale de la préfecture de police, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, parmi lesquels notamment les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi ni même allégué qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté attaqué; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté comme manquant en fait ;

5. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...)5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;(....) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ; que s'il ressort des pièces versées au dossier que M. E...conserve de graves séquelles de l'accident dont il a été victime le 14 juin 2011 à la suite duquel il souffre d' une paraplégie totale des membres inférieurs et d'une parapésie sévère des membres supérieurs, il ressort de l'avis du médecin-chef du service médical de la préfecture de police en date du 20 décembre 2013 que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut en revanche bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si cette possibilité n'est pas sérieusement contestée par le requérant dans ses écritures devant la Cour, il produisait en revanche devant les premiers juges divers certificats médicaux dont les plus anciens , en date des 6 juillet et 8 septembre 2010 et des 8 avril et 15 avril 2011, antérieurs de plus de trois ans à l'intervention de l'arrêté contesté du 3 septembre 2014 ne permettent pas d'établir la réalité des besoins médicaux de M. E...à cette date ; que le certificat médical en date du 5 juin 2014 émis par un praticien de l'hôpital Georges Pompidou atteste la nécessité de soins mais ne se prononce pas sur la possibilité pour l'intéressé de les recevoir dans son pays d'origine ; que si un autre certificat du même jour, établi par un pneumologue, ainsi qu'un autre en date du 15 octobre 2014, indiquent que le requérant doit poursuivre son traitement dans la région parisienne pour l'un et en France pour l'autre ils n'apportent sur la nature des soins et traitements nécessaires aucune précision de nature à permettre d'apprécier s'ils pourraient lui être prodigués dans son pays d'origine et ne contestent pas que l'Algérie dispose des structures médicales à cette fin ; que le préfet de police a pu dès lors sans erreur manifeste d'appréciation et sans méconnaitre les dispositions de l'article 6-7 7° de l'accord franco-algérien modifié refuser le renouvellement de titre de séjour sollicité ;

6. Considérant en troisième lieu que le requérant dans ses dernières écritures devant le tribunal soutenait qu'il devrait en tout état de cause se voir accorder un nouveau titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 précité de l'accord franco-algérien dès lors qu'il aurait des liens affectifs très forts avec M. A...B...et son frère M. F...B..., tantôt présentés comme ses cousins tantôt comme ses amis, qui l'hébergent en alternance et le prennent en charge depuis son accident ; que toutefois, il est constant que l'intéressé, célibataire et sans charge de famille ne possède pas d'autre lien en France et que ses six frères et soeurs vivent en Algérie ; que dès lors et à supposer même qu'il puisse être tenu pour établi qu'il résiderait en France depuis 2002 comme il le soutient, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait du se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 5° de l'accord franco-algérien ;qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance(...) " ; que pour les motifs sus énoncés M. E...n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de renouveler son titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il n'est par suite pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces stipulations ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français:

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision de refus de renouvellement du titre de séjour de M. E...n'est pas entachée d'illégalité ; qu'il n'est par suite pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre dans le même arrêté ;

9. Considérant par ailleurs que pour les motifs déjà évoqués au point 6 l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation ainsi que de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent dès lors être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant que l'obligation de quitter le territoire n'étant entachée d'aucune illégalité, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision fixant l'Algérie comme pays de destination ;

11. Considérant que pour les motifs sus énoncés cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. E...doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de rejeter également celles présentées sur le fondement des mêmes dispositions par le préfet de police devant le tribunal ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1424908 du 11 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat présentées devant le tribunal sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

-Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

-Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2015.

Le rapporteur,

M-I...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02291
Date de la décision : 16/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BOULEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-16;15pa02291 ?
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