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29/10/2015 | FRANCE | N°14PA00591

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 29 octobre 2015, 14PA00591


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2014, présentée pour la SAS Nagra France, dont le siège social est situé 25, rue du Colonel Pierre Avia à Paris (75015), par Me Hoche, avocat à la Cour ; la société Nagra France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1222060/2-2 du 9 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au remboursement de crédits d'impôt pour dépenses de recherche, d'un montant de 1 279 325 euros au titre de l'année 2008, et de 762 886 euros au titre de l'année 2009 ;

2°) de condamner l'Eta

t à lui rembourser les crédits d'impôt litigieux ;

3°) de mettre à la charge de ...

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2014, présentée pour la SAS Nagra France, dont le siège social est situé 25, rue du Colonel Pierre Avia à Paris (75015), par Me Hoche, avocat à la Cour ; la société Nagra France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1222060/2-2 du 9 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au remboursement de crédits d'impôt pour dépenses de recherche, d'un montant de 1 279 325 euros au titre de l'année 2008, et de 762 886 euros au titre de l'année 2009 ;

2°) de condamner l'Etat à lui rembourser les crédits d'impôt litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dépenses qu'elle a exposées sont éligibles au mécanisme du crédit d'impôt recherche en application des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ; dans le cadre de ses travaux de recherche et de développement, qui se rattachent principalement à la catégorie des activités de développement expérimental, elle a mené des travaux, basés sur son expérience pratique, afin d'en améliorer la qualité ; sa démarche a pour but de lever les problématiques techniques rencontrées dans le cadre de ses activités, afin de permettre des avancées concrètes aux systèmes existants en matière de sécurisation des contenus numériques, et les travaux qu'elle a réalisés visaient à améliorer substantiellement les techniques existantes qui s'avèrent inappropriées ;

- chacun des quatre projets présentés s'inscrivant dans une démarche globale, il est illogique et contestable de ne retenir que certains sous-projets ;

- elle demande à la Cour de réexaminer le volume d'heures afférentes aux dépenses de personnel prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche, notamment à la lumière du rapport rendu le 18 juin 2013 par l'expert du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui retient comme éligible de nombreux projets de recherches et de développement et valide le travail et le temps passés sur ces projets par les ingénieurs et techniciens qui y étaient affectés ;

- en ce qui concerne les dotations aux amortissements mentionnées à l'article 244 quater B, II-a du code général des impôts, elle a produit, dans sa réclamation préalable, puis devant le tribunal administratif, des tableaux détaillant pour chaque immobilisation retenue au titre du crédit d'impôt recherche sa dénomination, sa nature et le montant de chaque dotation à l'amortissement concerné ; l'expert du ministère de l'éducation nationale et de la recherche a, dans son rapport du 18 juin 2013, recommandé de retenir un taux similaire à celui obtenu pour le calcul des activités éligibles par rapport aux couts totaux ; elle demande la réformation du jugement en ce qu'il ne prend pas en compte l'intégralité des dotations aux amortissements comptabilisées au titre de ces deux exercices pour le calcul du crédit d'impôt recherche ;

- dans son rapport du 18 juin 2013, l'expert du ministère de l'éducation nationale a recommandé de retenir un taux pour les dépenses de sous-traitance similaire à celui retenu pour la prise en compte des dotations aux amortissements, soit 35% au titre de l'exercice 2008 et 22 % au titre de l'exercice 2009, selon son expertise ; l'intégralité des projets de recherche et de développement déployés par la société au cours des exercices 2008 et 2009 étant éligible au mécanisme du crédit d'impôt recherche, elle demande la prise en compte de l'intégralité des dépenses de sous-traitance exposées au titre de ces mêmes exercices ;

-elle est fondée à se prévaloir des termes de l'instruction BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20120912 § 10, 90, 70, de l'instruction 4 A-1-00 du 21 janvier 2000 n°46, de la doctrine administrative de base 4 A-4121 n°s 2, 3, 7 et 8, du 9 mars 2001, reprise au BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 n°s 1, 40 et 50, du 12 septembre 2012, et de l'instruction du 4-A-3-12 du 21 février 2012, n°32, reprise au BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20120912 §310 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par la société Nagra France ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 novembre 2014, présenté pour la société Nagra France, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que :

- les experts mandatés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne se sont pas rendus sur son site et n'ont pu dialoguer avec les ingénieurs et techniciens qui ont travaillé sur ses projets de recherche et de développement, ce qui a conduit l'administration à rejeter certains de ses travaux alors qu'un échange avec ces personnes lui aurait permis d'apporter les compléments utiles ; les rapports des deux experts sont sommaires et ne consacrent que quelques lignes à chaque projet de recherche dont ils se bornent à constater le caractère éligible ou non ; ils ne reflètent pas la réalité des projets de recherche qu'elle a initiés, ni son activité ;

- elle a sollicité un nouvel avis sur l'éligibilité de ses projets au mécanisme du crédit d'impôt recherche auprès d'un expert indépendant, titulaire d'un doctorat en intelligence artificielle, qui a remis son rapport le 20 octobre 2014 ; cet expert remet en cause l'analyse de l'administration par sous-projet qui fait perdre la cohérence globale des projets de recherche qu'elle a développés au cours des années 2008 et 2009 ; elle demande à la Cour de procéder à une analyse globale de l'éligibilité de ses quatre projets ;

- selon cet expert, les travaux de recherche et développement réalisés au cours des années 2008 et 2009 répondent aux critères d'éligibilité au mécanisme du crédit d'impôt recherche ;

- doivent en conséquence être prises en compte, pour le calcul du montant du crédit d'impôt recherche qui doit lui être restitué, les dépenses de personnel de recherche se rattachant aux projets que l'expert qu'elle a mandaté a déclarés éligibles au crédit d'impôt recherche ; que doivent ainsi être intégrées dans l'assiette du crédit d'impôt recherche, les dépenses de personnel qu'elle a exposées au titre des années 2008 et 2009, à hauteur respectivement de 6 410 905 euros et de 6 927 947 euros, représentant ainsi 96% et 100% des dépenses de personnel déclarées ;

- l'article 244 quater B-II, c du code général des impôts fixant forfaitairement les dépenses de fonctionnement éligibles au crédit d'impôt recherche à un montant égal à 75% des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations, elle demande la prise en compte des dépenses de fonctionnement à hauteur de 3 128 788 euros pour l'année 2008 et de 4 889 506 euros pour l'année 2009 ;

- s'agissant des dotations aux amortissements des immobilisations affectées à la recherche, elle demande, compte tenu des conclusions de l'expert, qu'elles soient intégralement prises en compte ; à titre subsidiaire, elle demande la prise en compte des dotations à hauteur des taux d'éligibilité des dépenses de personnel pour les années 2008 et 2009, tels qu'ils résultent du rapport d'évaluation scientifique rendu par l'expert, soit les sommes de 162 968 euros et 218 979 euros ;

- s'agissant des dépenses de sous-traitance, elle demande, compte tenu des conclusions de l'expert, qu'elles soient intégralement prises en compte ; à titre subsidiaire, elle demande la prise en compte de ces dépenses à hauteur des taux d'éligibilité des dépenses de personnel pour les années 2008 et 2009, tels qu'ils résultent du rapport d'évaluation scientifique rendu par l'expert ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 3 juin 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, et soutient que les moyens soulevés par la société Nagra France ne sont pas fondés ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 1er octobre 2015, présenté pour la société Nagra France qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 8 octobre 2015 :

- le rapport de Mme Coiffet, président,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Nagra France, qui a pour activité la sécurisation des contenus pour la télévision numérique, a déposé au titre des années 2008 et 2009 des déclarations en vue de bénéficier du crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B du code général des impôts ; que la société a imputé une fraction des crédits d'impôt qui lui ont été alloués sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et a obtenu le remboursement du surplus les 24 juillet 2009, 12 août 2010 et 2 mai 2012 ; qu'elle a, par courrier du 18 avril 2011, indiqué à l'administration avoir omis de mentionner dans les déclarations qu'elle avaient souscrites pour les années 2008 et 2009, certaines dépenses de recherche et de fonctionnement et demandé, en conséquence, le remboursement des crédits d'impôt recherche correspondants ; que l'administration a alors procédé à un contrôle sur pièces des premières déclarations de la société Nagra France et, après avoir consulté, à deux reprises, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, a considéré que seule une partie des dépenses exposées par la société Nagra France était éligible au crédit d'impôt recherche ; que le montant des dépenses éligibles étant inférieur à celui porté par la société dans ses déclarations, le service a rejeté sa demande du 18 avril 2011 ; que la société Nagra France fait appel du jugement du 9 décembre 2013, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au remboursement de crédits d'impôt pour dépenses de recherche d'un montant de 1 279 325 euros au titre de l'année 2008 et de 762 886 euros au titre de l'année 2009 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie " ; qu'aux termes de l'article R. 45 B-1 de ce livre : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers. A cet effet, ils peuvent se rendre dans les entreprises après envoi d'un avis de visite pour, notamment : (...) Les résultats de ce contrôle sont notifiés à l'entreprise et sont communiqués à l'administration des impôts. " ;

3. Considérant que si, en vertu des dispositions précitées des articles L. 45 B et R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales, les agents du ministère de la recherche peuvent vérifier auprès d'une entreprise la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt, ni ces dispositions, ni aucun texte ou principe ne leur imposent, en tout état de cause, d'engager avec l'entreprise un débat oral et contradictoire sur la réalité de cette affectation ; que, par suite, la société Nagra France ne peut utilement reprocher aux agents du ministère de la recherche de ne pas s'être rendus dans ses locaux et de ne pas avoir engagé avec elle de débat oral et contradictoire sur l'éligibilité de ses dépenses au crédit d'impôt recherche ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les différents projets de recherche, intitulés respectivement IPTV-Cardless§LinRD, Merlin-Cardbased System, Mobile TV, Nagra guide, IPTV-Cardless§Software CA System et Merlin-Cardbased CA System, pour lesquels la société Nagra France a demandé à bénéficier du crédit d'impôt recherche institué par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, se subdivisent en plusieurs sous-projets ou lots ; que l'administration a, au vu des avis émis les 30 juin 2012 et 18 juin 2013, par deux experts scientifiques agréés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, considéré que les sous-projets ou lots portant la dénomination IPTV1, 2, 5, et 6, Merlin 4, 5 et 7, Mobile TV 3 et 4, présentés au titre de l'année 2008, et IPTV1, 3, 4, 5, Merlin 3 et 4 et Mobile TV 3, présentés au titre de l'année 2009, entraient dans les prévisions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts et a rejeté les autres sous-projets développés par la société au motif qu'ils pouvaient être initiés par des professionnels avertis ou ne comportaient pas d'amélioration substantielle par rapport à l'état de l'art existant ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, la société a soumis à l'administration plusieurs groupes de projets, lesquels se déclinent en différents sous-projets, lots et axes de recherche ; qu'il ressort des dossiers et documents que la société a produits, tant en première instance qu'en appel, que, ainsi que l'a relevé l'expert désigné à la demande de la délégation régionale à la recherche et à la technologie d'Ile-de-France, dans son avis du 18 juin 2013, les travaux réalisés dans le cadre de ces sous-projets et lots répondent à des objectifs différents et que chaque projet comporte des verrous technologiques spécifiques auxquels la société Nagra France a entendu apporter des solutions particulières ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui a considéré qu'il existait peu d'interdépendance entre les sous-projets et lots qu'elle a analysés, a, sans faire perdre aux projets généraux présentés par la société leur cohérence globale, vérifié le caractère éligible des dépenses de recherche de chacun des sous-projets et lots qui lui avaient été soumis et qu'elle ne s'est pas limitée à une analyse d'ensemble des projets généraux ;

7. Considérant que la société Nagra France soutient que ses travaux de recherche, qui, selon elle, revêtent le caractère d'opérations de développement expérimental, ont permis de créer de nouveaux procédés et d'améliorer substantiellement ceux qui existaient déjà, et que tous les projets qu'elle a présentés au titre des années 2008 et 2009 étaient éligibles au crédit d'impôt recherche ; qu'elle se fonde sur les résultats d'une expertise réalisée à sa demande par un ingénieur titulaire d'un doctorat en intelligence artificielle, produite pour la première fois en appel ; que, toutefois, l'expert a indiqué, dans le rapport qu'il a établi le 20 octobre 2014, que les projets IPTV7 et Merlin 1, 3, 6 et 8, réalisés en 2008, n'étaient pas, au vu des documents mis à sa disposition, éligibles au crédit d'impôt recherche, en l'absence de caractère innovant ou de difficultés réelles rencontrées lors des travaux de recherche ; qu'il a ajouté que la description, dans le projet Merlin 1 de l'année 2009, des verrous technologiques et des avancées est peu explicite et que celle des travaux du projet Merlin 2 de la même année est peu développée ; qu'il ressort également de cette même expertise que les travaux expérimentés dans le cadre du projet Nagra guide visaient seulement à améliorer une application existante et à en développer des fonctionnalités particulières sans faire usage de procédés originaux ; que l'expert mandaté par la société ne s'est pas prononcé sur le caractère éligible des travaux du lot n° 5 du projet Mobile TV, qui avaient pour objet la création d'une machine virtuelle permettant de développer des logiciels sur tout type de compilateur, et dont l'administration a considéré qu'ils étaient à la portée d'un ingénieur spécialisé ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction que le lot n°2 du projet Mobile TV, présenté en 2009, a été supprimé par la société et que le lot n° 4 a été finalisé en 2008, et ne pouvait ainsi être proposé au titre de l'année suivante ; que pour le surplus, ni les termes de l'expertise produite par la société, ni les autres pièces versées aux débats ne permettent de remettre en cause les avis circonstanciés des experts agréés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche aux termes desquels les travaux réalisés, qui ont permis d'ajouter des fonctionnalités ou d'améliorer les performances des produits de la société Nagra France, consistaient en grande partie en des activités d'ingénierie spécialisée et relevaient de l'application de techniques existantes ; que, dans ces conditions, le service a pu légalement considérer que les opérations visées aux points 6 et 7 ne constituaient pas des opérations de recherche scientifique ou technique au sens des dispositions précitées de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour déterminer le montant des dépenses de personnel entrant dans l'assiette des crédits d'impôt recherche dus à la société Nagra France au titre des années en litige, le service a pris en compte, sur la base des informations délivrées par la contribuable, l'ensemble des heures consacrées par les salariés de la société aux opérations qu'il a regardées comme entrant dans le champ des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts ; qu'il a ainsi retenu 35% et 25% des heures déclarées par la société Nagra France pour la totalité des projets qu'elle avait présentés respectivement au titre de l'année 2008 et de l'année 2009 ; qu'il a appliqués ces pourcentages au montant total des salaires versés par la société au titre de chacune de ces années ; que, conformément aux dispositions du c du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il a fixé à 75% du montant ainsi obtenu des dépenses de personnel, les autres dépenses de fonctionnement de la société Nagra France ; que, dans un souci de réalisme économique, il a, alors que la société ne justifiait pas que ses dotations aux amortissements se rapportaient à des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf, affectées directement et exclusivement à la réalisation d'opérations de recherche et de développement, également admis une fraction des dotations comptabilisées par la société ; qu'enfin, en l'absence d'informations précises de la société Nagra France sur la nature des travaux qu'elle aurait confiés à des sociétés sous-traitantes dans le cadre de ses opérations de recherche et de développement, l'administration a, pour évaluer le montant de ces dépenses, fait application du ratio déterminé pour les dépenses de personnel ;

9. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration a, pour fixer le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt, suivi les préconisations contenues dans l'avis du 18 juin 2013 du second expert désigné à la demande de la délégation régionale à la recherche et à la technologie d'Ile-de-France ; que, d'autre part, il résulte de ce qui précède que seule une partie des travaux et projets que la société a réalisés en 2008 et 2009 peut être assimilée à des opérations de recherche scientifique ou technique au sens des dispositions précitées de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à demander la prise en compte de la totalité des dépenses qu'elle a exposées au titre de ces deux années ;

10. Considérant, enfin, que la société Nagra France invoque, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les instructions référencées BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20120912 § 10, 90, 70, 4 A-1-00 du 21 janvier 2000 n°46, et 4-A-3-12 du 21 février 2012, n°32, reprise au BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-2012 09 12 § 310, ainsi que la doctrine administrative de base 4 A-4121 n°s 2, 3, 7 et 8, du 9 mars 2001, reprise au BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 n°s 1, 40 et 50, du 12 septembre 2012 ; que, toutefois, la garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration ; qu'ainsi, la société Nagra France ne peut s'en prévaloir pour contester le refus de l'administration de faire droit à sa demande tendant au bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Nagra France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en l'absence de dépens exposés dans la présente instance, les conclusions de la société requérante tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens doivent également être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Nagra France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiées Nagra France et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2015.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

S. JUSTINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00591
Date de la décision : 29/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : HOCHE SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-10-29;14pa00591 ?
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