Vu la requête, enregistrée le 23 février 2015, présentée pour M. E...D..., demeurant..., par MeA... ; M. D... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1306886/6 du 19 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2013 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de faire droit à sa demande de régularisation, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. D...soutient que :
- la décision litigieuse a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée en droit ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien en ce qu'il réside sur le territoire français depuis plus de dix années ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet du
Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en dernier lieu par l'avenant du 11 juillet 2001 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2015, le rapport de Mme Julliard, première conseillère ;
1. Considérant que M.D..., ressortissant algérien né le 17 décembre 1975, est entré sur le territoire français le 19 août 2001 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité, le 27 mai 2013, son admission au séjour ; que par une décision du 19 juin 2013, le préfet du Val-de-Marne a opposé un refus à sa demande ; que M. D...relève appel du jugement du 19 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ladite décision ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que si M. D...soutient que la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation, il ressort de cette décision, qui contient les motifs de fait et de droit sur lesquels elle se fonde, que ce moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté ;
3. Considérant que si M. D...soutient en appel que la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente, par arrêté n° 2013/401 du 5 février 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Val-de-Marne a donné délégation de signature à M. B...C..., sous-préfet de Nogent-sur-Marne, à effet de signer notamment les arrêtés pris dans l'exercice des pouvoirs de police du préfet ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;
5. Considérant que si M. D... fait valoir qu'il résidait en France depuis dix ans à la date de la décision attaquée, il ne produit pour l'année 2003 qu'un arrêté de reconduite à la frontière du 13 mars ainsi qu'une attestation du 25 juin de participation à des cours de français à la " Maison de l'amitié " à Villeneuve-le-Roi ; que pour l'année 2004, il se borne à produire un avis d'imposition sur le revenu ne mentionnant aucun revenu, une attestation d'initiation aux premiers secours du 5 mai 2004, ainsi qu'une facture du 2 novembre 2004 ; que pour l'année 2005, il produit également un avis d'imposition mentionnant un revenu annuel de 100 euros, ainsi qu'un courrier de la préfecture ; que pour l'année 2006, il se borne à nouveau à produire un avis d'imposition mentionnant un revenu annuel de 100 euros ; que pour l'année 2007, il verse un avis d'imposition sur le revenu ne mentionnant aucun revenu, un courrier du ministère de l'intérieur adressé à son frère, ainsi qu'un courrier du préfet du Val-de-Marne du 25 juin 2007 ; que ces documents ne sont pas suffisants par leur nombre et leur faible valeur probante pour attester d'une présence habituelle de l'intéressé durant les années considérées ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
7. Considérant que M. D... fait valoir que l'arrêté litigieux a méconnu ces stipulations dans la mesure où son père a servi dans l'armée française entre 1943 et 1944 et que trois de ses frères résident en France, dont deux ayant acquis la nationalité française ; que, toutefois, il n'en rapporte pas la preuve ; qu'en outre, il ne conteste pas que deux de ses frères, deux soeurs ainsi que ses parents résident en Algérie, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans ; que M. D...est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français ; que, par suite, l'arrêté litigieux n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311 7 " ; que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 6-5 de l'accord franco-algérien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre de la vie privée et familiale, un ressortissant algérien souhaitant obtenir un tel titre de séjour ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant algérien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ;
9. Considérant qu'il en résulte que le préfet ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale présentée par M. D... en faisant application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui étaient inapplicables à un ressortissant algérien ; que, toutefois, il y a lieu de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser la situation M.D... ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- Mme Julliard, première conseillère,
Lu en audience publique, le 23 octobre 2015.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA00837