Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite du préfet du Val-de-Marne rejetant sa demande de regroupement familial.
Par un jugement n° 1308883-3 du 18 décembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2015, MmeB..., représentée par
Me Bulajic, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1308883-3 du 18 décembre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'autoriser le regroupement familial dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision à venir et sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision implicite est entachée d'un vice de procédure ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des articles L. 411-5 et L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus opposé par le préfet, qui porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, contrevient à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée le 11 mars 2015 au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
-°la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- et les observations de Me Bulajic, avocat de Mme A...B....
1. Considérant que Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 12 janvier 2024 ; qu'elle a sollicité le
26 juin 2012 le bénéfice du regroupement familial pour ses trois enfants, Théo, Dan et Franck, nés respectivement le 14 juillet 1994, le 6 juin 1997 et le 10 octobre 1998 ; que Mme B...fait appel du jugement en date du 18 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet du Val-de-Marne refusant de faire droit à sa demande de regroupement familial au profit de ses trois enfants ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ; que l'article L. 411-3 du même code dispose : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. " ; qu'aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique (...) " ; que l'article
R. 411-4 du même code dispose : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes (...) " ;
3. Considérant que Mme B..., qui occupe un logement HLM conventionné de 52 m2, produit au soutien de sa demande de regroupement familial un contrat de travail à durée indéterminée signé le 18 août 2010 et des avis d'imposition mentionnant un montant global de salaires de 25 911 euros en 2011 et de 27 538 euros en 2012 ; qu'ainsi, le montant des ressources justifiées était supérieur à la moyenne majorée d'un dixième prévue par les dispositions précitées de l'article R. 411-4, qui s'élevait à la date de la demande à 18 458,48 euros ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B..., séparée du père des enfants, ne fournit aucun document permettant d'établir que ses trois enfants lui auraient été confiés au titre de l'exercice de l'autorité parentale, document qui lui avait d'ailleurs été demandé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans un courrier du 20 août 2012 ; que dès lors, et même si la requérante justifie que le père de ses enfants a donné son accord à la procédure de regroupement familial, elle ne répond pas à l'ensemble des conditions cumulativement exigées par les dispositions précitées pour le bénéfice du regroupement familial ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... et son ex-conjoint sont entrés en France en 2002 en laissant auprès de leur famille au Congo leurs trois enfants Théo, Dan et Franck, nés en 1994, 1997 et 1998 ; que, dans une lettre du 20 avril 2014, le fils aîné de la requérante, majeur depuis 2012, indique qu'un ami de la famille a exercé jusqu'en février 2014 une " autorité parentale " sur les trois enfants ; que Mme B..., qui n'a présenté sa demande de regroupement familial que le 26 juin 2012, soit dix ans après son arrivée en France, ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle n'a pas sollicité le regroupement familial avant cette date ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, les enfants Théo, Dan et Franck vivent séparés de leur mère depuis 2002 suite au départ de celle-ci pour la France ; que Mme B...n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle ses enfants seraient isolés au Congo ; que par suite la décision du préfet du Val-de-Marne n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut dès lors qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 23 octobre 2015.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00422