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19/10/2015 | FRANCE | N°14PA01956

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 19 octobre 2015, 14PA01956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à l'indemniser des préjudices qu'il a subis résultant de l'infection qu'il a contractée au centre hospitalier du Kremlin-Bicêtre.

Par un jugement n° 1100398/1 du 21 février 2014, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser la somme de 70 705 euros à M.A..., la somme de 7 879,06 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de

-Marne augmentée des intérêts légaux à compter du 6 novembre 2013 et majorée de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à l'indemniser des préjudices qu'il a subis résultant de l'infection qu'il a contractée au centre hospitalier du Kremlin-Bicêtre.

Par un jugement n° 1100398/1 du 21 février 2014, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser la somme de 70 705 euros à M.A..., la somme de 7 879,06 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne augmentée des intérêts légaux à compter du 6 novembre 2013 et majorée de l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 015 euros, la somme de 121 176 euros à la société CNP Assurances et la somme de 1 500 euros, respectivement à la société CNP Assurances et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 30 avril, le 11 juin et le 12 août 2014, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsouderos, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100398/1 du 21 février 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de ramener, à titre subsidiaire, à de plus justes proportions les sommes allouées en réparation des préjudices de M. A...;

4°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 2 000 euros, à verser à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

5°) de rejeter les conclusions d'appel incident de la société CNP Assurances.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

Sur la responsabilité :

- l'infection en cause n'a pas de caractère nosocomial dès lors que, d'une part, elle est plus liée à l'état de santé fragilisé de M. A...qu'à la prise en charge par le service hospitalier et que, d'autre part, elle était endogène ;

- l'Assistance publique - hôpitaux de Paris n'a pas commis de faute dans la prise en charge de M.A... ;

A titre subsidiaire, sur les préjudices :

- la condamnation à la réparation du préjudice esthétique n'est pas fondée dès lors que les experts ne retiennent pas de préjudice esthétique " au sens de l'altération de l'apparence physique " ;

- si le préjudice esthétique était reconnu il faudrait le ramener à de plus justes proportions ;

- le préjudice d'agrément n'est pas établi par un justificatif relatif à une activité sportive ou de loisir ;

Sur l'appel incident de la société CNP Assurances : les conclusions d'appel incident sont irrecevables dès lors que la requête de la société CNP Assurances ne comporte aucune critique du jugement attaqué.

Par un mémoire enregistré le 10 juillet 2014, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions la concernant et à ce que lui soit allouée la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est responsable du dommage.

Par deux mémoires, enregistrés le 24 juillet 2014 et le 15 octobre 2014, la société CNP Assurances, représentée par MeC..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2014, M.A..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Tsouderos, avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que celui-ci, qui cite les textes législatifs applicables, qui relate les circonstances de fait et qui expose les raisonnements sous-tendant son dispositif, est suffisamment motivé. Par suite, le jugement contesté n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le fond :

2. M.A..., agent d'entretien de la commune d'Ivry-sur-Seine, a été hospitalisé le 30 novembre 2009 au centre hospitalier universitaire du Kremlin-Bicêtre, relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, après avoir été victime d'un accident du travail ayant causé une fracture de la cheville droite. L'intervention du 30 novembre 2009 a consisté en une ostéosynthèse associant deux broches dans le péroné, deux vis dans la malléole interne et une vis de syndesmodèse. Il a ensuite été suivi par un chirurgien orthopédiste à la clinique chirurgicale Pasteur à Vitry-sur-Seine. Le 16 mars 2010, une arthrolyse et une ablation de la vis de syndesmodèse y ont été réalisées à la suite d'une infection aiguë et d'une raideur douloureuse de la cheville droite. Le 15 avril 2010, une infection par un staphylocoque doré Méti-S a été diagnostiquée. Le 3 juin 2010, puis du 21 juin au 26 août 2010, M. A...a été hospitalisé au sein du groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon où une ulcération, une destruction de l'articulation tibiotarsienne, une pseudarthrose de la malléole interne et une subluxation latérale de la cheville ont été constatées. Des prélèvements osseux effectués le 28 juin 2010 ont mis de nouveau en évidence une infection par un staphylocoque doré Méti-S. Le 26 juillet 2010, une arthrodèse a été effectuée.

3. M. A...reste atteint d'une raideur de la cheville entrainant une boiterie nécessitant qu'il se déplace avec une canne, des complexes cicatriciels assez discrets ainsi que des douleurs. Par une lettre du 13 janvier 2011, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris a rejeté la demande préalable formée par M. A...en se fondant sur l'absence de faute lors de sa prise en charge médicale. Le 17 octobre 2012, à la suite de la saisine par M.A..., le 31 janvier 2012, de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) d'Ile-de-France, une expertise médicale a été ordonnée et confiée à un chirurgien orthopédiste et traumatologue et un spécialiste en infectiologie biologique et hygiène hospitalière. Après le dépôt du rapport d'expertise le 18 avril 2013, la CRCI a émis le 3 septembre 2013 un avis défavorable à l'indemnisation de M.A....

4. L'Assistance publique - hôpitaux de Paris fait appel du jugement du 21 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a déclarée responsable des dommages subis par M. A... consécutifs à une infection nosocomiale par un staphylocoque doré Méti-S lors de l'intervention du 30 novembre 2009 et l'a condamnée à verser la somme de 70 705 euros à M. A..., la somme de 7 879,06 euros augmentée des intérêts à taux légaux à compter du 6 novembre 2013 et majorée de l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 015 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne et la somme de 121 176 euros à la société CNP Assurances.

Sur la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale du 18 avril 2013, qu'une infection par un staphylocoque doré Méti-S a été diagnostiquée le 15 avril 2010, soit quatre mois après l'intervention du 30 novembre 2009, et que M. A...ne présentait pas, avant cette intervention, une telle infection. Cette infection est donc consécutive à l'intervention et présente le caractère d'une maladie nosocomiale au sens des dispositions précitées. Si l'Assistance publique - hôpitaux de Paris soutient que l'état de santé antérieur de M. A...a favorisé l'infection et que le germe est probablement endogène, ces circonstances, à les supposer établies, ne sont pas de nature à faire regarder ladite infection comme ne présentant pas un caractère nosocomial dès lors qu'il ressort de l'expertise médicale que c'est à l'occasion de l'intervention chirurgicale que M. A...a été infecté. En outre, comme le rappelle l'expertise médicale, l'infection par un staphylocoque doré Méti-S constitue un risque connu des interventions de la nature de celle pratiquée en l'espèce, et que si le risque d'infection était majeur chez un patient tabagique, bronchopathe et diabétique, l'état initial du patient ne suffit pas à rapporter la preuve que l'infection en cause serait due à une cause étrangère au sens des dispositions précitées. Par suite, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que sa responsabilité a été retenue sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

7. Toutefois, comme il a été dit ci-dessus, M.A..., après l'intervention chirurgicale du 30 novembre 2009, a ensuite été suivi par un chirurgien orthopédiste de la clinique chirurgicale Pasteur à Ivry-sur-Seine, où il a été hospitalisé du 15 au 17 mars 2010 et à nouveau opéré par le même chirurgien orthopédiste. Si l'expertise médicale précise qu'elle n'analysera pas la prise en charge de M. A...à la clinique chirurgicale Pasteur et les actes de soins qui y ont effectués, elle laisse entendre que cette phase thérapeutique n'apparaît pas optimale. Par suite, la condamnation, par le présent arrêt, de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à réparer l'intégralité du préjudice subi par M. A...ne fait pas obstacle à ce que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris introduise éventuellement devant le juge compétent une action récursoire contre la clinique chirurgicale Pasteur à Ivry-sur-Seine et/ou contre le chirurgien orthopédiste qui y a opéré M.A....

Sur les préjudices :

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que M. A...reste atteint d'une boiterie, de cicatrices discrètes et de douleurs. Ses déplacements ne sont possibles qu'à l'aide d'une canne et restent limités à un ou deux kilomètres, le rendant ainsi dépendant de tierces personnes pour ses déplacements. Le déficit fonctionnel permanent est ainsi estimé à 20 %.

9. D'une part, contrairement à ce que soutient l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que M. A...est affecté d'un préjudice esthétique consistant en une boiterie, qui constitue une altération de l'apparence physique de la victime, qui a été évalué à 2,5 sur une échelle de 0 à 7. Le Tribunal administratif de Melun a fait une juste appréciation de ce préjudice esthétique en condamnant l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à ce titre une indemnité de 2 000 euros.

10. D'autre part, la boiterie et les douleurs subies par M. A...consécutives à l'infection nosocomiale limitent ses déplacements à un ou deux kilomètres. Il a dû renoncer à certains de ses loisirs en plein air, tels que la marche en forêt et la pêche, est dépendant de tierces personnes pour ses déplacements et est empêché de jouer avec ses petits-enfants. Le Tribunal administratif de Melun a fait une juste appréciation de ce préjudice d'agrément, dont la réalité est établie par l'instruction, en l'évaluant à 1 200 euros.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 21 février 2014, le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser la somme de 70 705 euros à M.A..., la somme de 7 879,06 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne augmentée des intérêts légaux à compter du 6 novembre 2013 et majorée de l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 015 euros, et la somme de 121 176 euros à la société CNP Assurances. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le paiement à M. A... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne de la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est rejetée.

Article 2 : L'Assistance publique - hôpitaux de Paris versera à M. A...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à M. D... A..., à la société CNP Assurances et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2015.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01956
Date de la décision : 19/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SELARL BOSSU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-10-19;14pa01956 ?
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