Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 mai 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1315073 du 31 janvier 2014, modifié par une ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 6 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...un récépissé de demande d'asile dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat au bénéfice de Me C..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 21 mars 2014 et le 7 avril 2014, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1315073 du 31 janvier 2014 du Tribunal administratif de Paris modifié par l'ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 6 mars 2014 :
2°) de rejeter la demande de M. A...présentée devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- M. A...a reçu notification de la décision du 17 avril 2013 de la Cour nationale du droit d'asile le 25 avril 2014. A la date de l'arrêté du 28 mai 2013, il ne disposait plus d'aucun droit à se maintenir en France au titre de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est, donc, à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 28 mai 2013 ;
- les autres moyens invoqués par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ne pourront qu'être écartés par renvoi à ses écritures de première instance dont il entend conserver l'entier bénéfice.
La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013, dans l'affaire C 383/13 P.P.U. ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Mme Bonneau-Mathelot a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité guinéenne, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêt du 17 avril 2013, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision du 5 août 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui refusant la qualité de réfugié. Par un arrêté du 28 mai 2013, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'issue de ce délai. Le préfet de police relève appel du jugement du 31 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 mai 2013.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. [...] ". Aux termes de l'article R. 733-20 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception [...]. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police, ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. / [...] ".
3. Pour annuler l'arrêté du préfet de police du 28 mai 2013, le Tribunal administratif de Paris a jugé que M. A...était fondé à soutenir qu'il bénéficiait d'un droit provisoire au séjour à la date de l'arrêté en litige dès lors que le préfet de police ne pouvait justifier de la notification préalable de la décision du 17 avril 2013 de la CNDA. Toutefois, il ressort de l'avis de réception produit par le préfet de police pour la première fois devant la Cour que M. A...a reçu notification de la décision de la CNDA le 25 avril 2013. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux.
4. Il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police en date du 28 mai 2013 :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées :
5. Par un arrêté du 4 janvier 2013, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 11 janvier 2013, le préfet de police a accordé à Mme B...D..., attachée d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, une délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté attaqué n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière manque en fait.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, l'arrêté contesté vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 511-1 et les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise, également, que M.A..., à qui la qualité de réfugié a été refusée par une décision de l'OFPRA du 5 août 2011, confirmée par la CNDA le 17 avril 2013, ne peut prétendre à la délivrance d'une carte de résident ou d'une carte de séjour temporaire sur le fondement, d'une part, des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, de l'article L. 313-13 du même code. L'arrêté en litige indique, en outre, que compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale. Il comporte, ainsi, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de titre de séjour ainsi que celle portant obligation de quitter le territoire français, laquelle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait.
7. En deuxième lieu, en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige et issues des dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger relevant d'une catégorie visée par ce texte lorsque notamment la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité lui a été refusé ou que ce titre lui a été retiré.
8. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, les auteurs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu.
9. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Cependant, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un tel titre. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger ne peut ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation utile. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
10. M. A...n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il aurait été empêché de présenter des observations orales ou écrites préalablement au refus de séjour qui lui a été opposé. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu pas plus que le principe du contradictoire auraient été méconnus.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. M. A...ne réside en France que depuis l'année 2010. Il est célibataire et sans charges de famille. S'il a déclaré lors de sa demande de titre de séjour résider en France avec ses deux oncles, il n'allègue pas que ces derniers seraient en situation régulière sur le territoire français. En outre, il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a lui-même vécu jusqu'à ses 32 ans. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait particulièrement bien inséré dans la société française. Par suite, les décisions en litige n'ont pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée compte tenu des buts en vue desquels elles ont été prises. Ainsi, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, l'arrêté litigieux indique que M. A...n'établit pas être exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, l'arrêté contesté comporte l'énoncé circonstancié des considérations de fait qui constituent le fondement de la décision fixant le pays de destination. En outre, il ne ressort pas des termes de cet arrêté que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA et n'aurait pas vérifié que la mesure contestée n'exposait pas M. A...à des risques de traitements inhumains et dégradants. Par suite, l'arrêté contesté n'est ni entaché d'un défaut d'examen approfondi de la situation personnelle du requérant, ni insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979.
14. En deuxième lieu, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police n'aurait pas notifié à M. A...la décision litigieuse ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
15. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...]. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. Si M. A...se borne à faire valoir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait exposé à des persécutions et menaces graves, sans en préciser la nature, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il serait personnellement exposé à des menaces en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi le moyen qu'il invoque, tiré de ce que l'arrêté attaqué, en tant qu'il fixe la Guinée comme pays de destination de la reconduite, méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté comme manquant en fait.
17. En dernier lieu, M.A..., qui n'a pas obtenu le statut de réfugié, ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'article 33 de la convention de Genève.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 mai 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A...et l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, ce jugement doit être annulé. Dans ces conditions, le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de cet arrêté n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé devant les premiers juges doivent être rejetées. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à M. A...la somme qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1315073 du 31 janvier 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E...A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. E...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2015.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOT
Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 14PA01237