Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Centuria Développement a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale additionnelle à cet impôt, de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation minimale de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2006.
Par un jugement n° 1306333 du 1er avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin 2014 et 5 janvier 2015, la société Centuria Développement, représentée par Me Charriau, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1306333 du 1er avril 2014 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale additionnelle à cet impôt, de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation minimale de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2006 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux dépens.
Elle soutient que :
- le Tribunal a fait une application littérale du " contrat global ", sans rechercher l'intention commune des parties, telle qu'elle ressortait notamment de l'avenant conclu le 5 juin 2007 ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce que les motifs retenus par les premiers juges sont généraux et sans rapport avec la décision de rejet de la réclamation contentieuse du 5 mars 2013 ;
- la commune intention des parties au " contrat global ", telle qu'elle ressort des pièces produites devant le tribunal et des pièces nouvelles qu'elle produit devant la Cour, à savoir les documents contractuels établis à l'occasion de la cession des parts de la société LSOF Courbevoie France, par les sociétés LSOF Luxembourg et LSOF European Investments Inc à la société Al Rayyan Courbevoie SARL, était que la société LSOF Courbevoie France bénéficie d'un revenu constant jusqu'à la perception effective d'un loyer auprès du locataire RTE ;
- ces documents prévoyaient, à cette fin, au profit de la société LSOF Courbevoie France, une garantie de loyers de 12 450 000 euros HT, correspondant à deux années de loyers, couvrant la période de rénovation de l'immeuble et celle de franchise de loyers ;
- les travaux de levée des réserves, qui se sont poursuivis jusque fin octobre 2006, nécessitaient qu'elle eût la disposition de l'immeuble, au sens du contrat global, jusqu'à cette date ;
- sa rémunération de 12 450 000 euros aurait été disproportionnée si elle n'avait pas dû régler les redevances pendant la période de franchise des loyers ;
- dès lors qu'à la clôture de l'exercice 2006, il n'existait plus d'incertitude quant à l'exécution du contrat global, la méthode de l'achèvement l'autorisait à inclure dans le résultat de cet exercice l'ensemble des charges afférentes à ce contrat, y compris celles correspondant aux redevances payées pour la période du 1er janvier au 18 février 2007 et à la charge correspondant à une facture non parvenue dans le cadre d'un litige avec RTE ;
- pour les mêmes raisons, les rectifications opérées en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe professionnelle et les intérêts de retard doivent être abandonnés.
Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 octobre 2014 et 28 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il ressort du contrat global de mise à disposition de locaux et de maîtrise d'ouvrage déléguée conclu le 15 mars 2005 entre la société LSOF Courbevoie France et la société TM Développement que celle-ci devait acquitter une redevance d'occupation en contrepartie de la mise à disposition des locaux jusqu'à l'entrée en jouissance des locaux par la société RTE, laquelle est intervenue le 12 juillet 2006 ;
- que l'administration était par suite en droit de réintégrer dans le résultat de l'exercice 2006 de la société TM Développement les redevances acquittées par elle après cette date ;
- les documents produits par la requérante, y compris les pièces nouvelles produites en appel, ne permettent pas d'établir que la commune intention des parties au contrat global était que la société TM Développement poursuive le règlement des redevances jusqu'à ce que la société locataire RTE règle effectivement ses propres loyers.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me Charriau avocat de la société par actions simplifiée Centuria Développement.
Une note en délibéré, enregistrée le 5 octobre 2015, a été présentée par Me Charriau, pour la société par actions simplifiée Centuria Développement.
1. Considérant que la société par actions simplifiée Centuria Développement, auparavant dénommée TM Développement, relève appel du jugement en date du 1er avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale additionnelle à cet impôt, de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2006 en conséquence de la réintégration dans ses bases d'imposition, d'une part, de redevances versées à la SAS LSOF Courbevoie France, devenue SNC Tour Marchand, en contrepartie de la mise à disposition d'un immeuble, d'autre part, d'une charge d'un montant de 338 817,91 euros, considérée comme non justifiée ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 230, alors en vigueur, de l'annexe II au code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation (...) " ;
4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1647 E, alors en vigueur, du code général des impôts : " I.-La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition. /II.-Les entreprises mentionnées au I sont soumises à une cotisation minimale de taxe professionnelle. Cette cotisation est égale à la différence entre l'imposition minimale résultant du I et la cotisation de taxe professionnelle déterminée selon les règles définies au III (...) " ; et qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. /2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : /D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; /Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. /Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion (...) " ;
En ce qui concerne les redevances d'occupation versées à la société LSOF Courbevoie France :
5. Considérant que, par bail du 27 février 2004, la société LSOF Courbevoie France a donné en location à RTE, service d'Electricité de France, l'immeuble dont elle était propriétaire 51-55 boulevard de la Mission-Marchand et 41 rue Berthelot à Courbevoie ; qu'en vue de permettre l'occupation effective des locaux par RTE, elle a passé le 15 mars 2005 avec la société TM Développement un contrat global de mise à disposition de locaux et de maîtrise d'ouvrage déléguée, prévoyant la réalisation dans l'immeuble de travaux de désamiantage et de rénovation ; que pour réaliser ces travaux, la société TM Développement avait préalablement conclu, le 1er février 2005, un contrat de promotion immobilière avec la société Socogim ;
6. Considérant que le " contrat global " conclu le 15 mars 2005 entre les sociétés LSOF Courbevoie France et TM Développement prévoyait qu'en contrepartie de la mise à disposition de l'immeuble, la société TM Développement verserait à la société LSOF Courbevoie France des redevances d'occupation d'un montant annuel hors taxes de 5 969 359 euros et que la mise à disposition prendrait fin de plein droit le jour de l'entrée en jouissance dans les locaux de RTE ; qu'il résulte de l'instruction que les travaux prévus par le contrat du 15 mars 2005 ont été achevés le 4 juillet 2006 et que RTE est entré en jouissance des locaux le 12 juillet 2006 ; qu'à cette date, la mise à disposition de l'immeuble au profit de la société TM Développement ayant pris fin, cette société n'était donc plus tenue d'acquitter les redevances litigieuses ; que si la société requérante soutient que la commune intention des parties au contrat du 15 mars 2005 était de prévoir le versement de redevances par la société TM Développement jusqu'à l'expiration de la période de franchise de loyers de six mois consentie par la société LSOF Courbevoie France à RTE, soit, en l'espèce, jusqu'au 18 février 2007, compte tenu d'une date d'entrée en jouissance par RTE intervenue, selon elle, le 17 août 2006 et non le 12 juillet 2006, elle ne l'établit pas en produisant en appel divers documents établis à l'occasion de l'acquisition, le 15 mars 2005, de la société LSOF Courbevoie France par la société Al Rayyan Courbevoie SARL, dès lors que ces documents n'ont pas été établis par les parties au contrat global du 15 mars 2005, qu'ils sont, en ce qui concerne la rémunération de la société TM Développement, contradictoires avec les stipulations du " contrat global " et celles du contrat de promotion immobilière conclu entre les sociétés TM Développement et Socogim, sans qu'aucune explication satisfaisante soit apportée sur ce point par la requérante, et qu'en tout état de cause, ils ne contiennent aucune indication précise quant à la durée de versement des redevances par la société TM Développement ; que la société Centuria Développement ne saurait non plus se prévaloir de l'avenant au contrat global, signé le 5 juin 2007, modifiant rétroactivement l'article 1er du contrat global en stipulant que la mise à disposition des locaux prendrait fin le jour du paiement par RTE de son loyer, dès lors que ce document, pas plus que les autres pièces produites par elle, ne permet d'établir l'intérêt qu'elle aurait eu à poursuivre le règlement des loyers après la date initialement convenue de l'entrée en jouissance dans les lieux de RTE ; qu'en outre, ce document est postérieur de onze mois à cette entrée en jouissance et à l'engagement de la vérification de comptabilité ; que l'administration est en conséquence fondée à soutenir que le versement par la société TM Développement de redevances au titre de la période du 12 juillet 2006 au 18 février 2007, alors qu'elle n'y était pas contractuellement tenue, est constitutif d'un acte anormal de gestion et que ces dépenses n'étaient pas nécessaires à l'exploitation, au sens de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts ; qu'elle était fondée par suite à réintégrer les redevances en cause dans le résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2006 de la société TM Développement, duquel cette société les avait entièrement déduites, y compris celles se rapportant à la période du 1er janvier au 18 février 2007 et, par voie de conséquence, à mettre à la charge de celle-ci, au titre de l'année 2006, des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et, du fait de la majoration de la valeur ajoutée produite, de cotisation minimale de taxe professionnelle, et à rejeter la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces redevances ;
En ce qui concerne la charge non justifiée d'un montant de 338 817,91 euros :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a rejeté la charge en cause, destinée, selon la société Centuria Développement, à réparer un préjudice de jouissance qu'aurait subi la société RTE lors de la livraison de l'immeuble et qui aurait donné lieu à des réserves de la part de celle-ci, au motif que le litige en cause ne pouvait concerner que la SNC Tour Marchand, propriétaire de l'immeuble et maître d'ouvrage des travaux, à l'exclusion de la société TM Développement ; que si la société Centuria Développement soutient que, contrairement à ce que soutient l'administration, elle pouvait se trouver appelée à acquitter cette somme, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, elle ne fournit aucun élément de justification au soutien de cette allégation ; que, dès lors, l'administration était en droit de regarder cette charge comme non justifiée ; que, par ailleurs, la circonstance que la méthode comptable dite de l'achèvement aurait autorisé la société TM Développement à comptabiliser cette charge au titre de l'année 2006, alors que la facture correspondante n'était pas encore parvenue, n'a aucune incidence sur le bien-fondé de la rectification, qui n'est pas fondée sur le rattachement erroné de la charge à l'exercice 2006 mais sur l'absence de justification de cette charge ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Centuria Développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Centuria Développement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centuria Développement et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction fiscale du contrôle fiscal d'Ile de France Est.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Jardin président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 octobre 2015.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02609