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12/10/2015 | FRANCE | N°14PA04134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 12 octobre 2015, 14PA04134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Ensurance a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 298 497 F CFP outre 150 000 F CFP à titre de frais de procédure correspondant aux sommes qu'elle a du verser à son assurée la SCI ICMA du fait des dégradations subis par cette société lors des troubles ayant eu lieu à Nouméa du 5 au 7 août 2009.

Par un jugement n° 1300375 du 26 juin 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle- Calédo

nie a condamné l'Etat à verser à La compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Ens...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Ensurance a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 298 497 F CFP outre 150 000 F CFP à titre de frais de procédure correspondant aux sommes qu'elle a du verser à son assurée la SCI ICMA du fait des dégradations subis par cette société lors des troubles ayant eu lieu à Nouméa du 5 au 7 août 2009.

Par un jugement n° 1300375 du 26 juin 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle- Calédonie a condamné l'Etat à verser à La compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Ensurance la somme de 1 298 497 F CFP ainsi que la somme de 30 000 F CFP en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 octobre 2014, 3 juillet 2015, 24 juillet 2015 et 6 août 2015, le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie demande à la Cour :

1°) d'annuler lce jugement du 26 juin 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie ;

2°) de rejeter la requête présentée par La compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Ensurance devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de La compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Ensurance le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard de l'article L9 du code de justice administrative dès lors qu'il ne relate pas les " circonstances très particulières de l'espèce " sur lesquelles il se fonde ;

- le jugement n'a pas, pour écarter la fin de non-recevoir opposée en première instance, répondu sur le fait que la compagnie d'assurance en cause ne justifiait pas avoir assuré la SCI ICMA pour la période du litige ni l'avoir indemnisée de l'ensemble des préjudices dont il est demandé réparation ;

- le jugement est entaché d'erreur de fait dès lors que contrairement à ce qu'il retient les exactions à l'origine des dommages en cause n'ont pas affecté un nombre significatif de commerces et n'ont pas donné lieu à de nombreuses plaintes auprès des services de police ;

- il est entaché d'erreur de droit, la responsabilité de l'Etat pour risque lié aux attroupements ou rassemblements ne pouvant être mise en oeuvre alors qu'il n'était pas démontré en première instance d'un lien entre les troubles sociaux de ces jours-là et les exactions commises qui constituent des actes isolés de vandalisme ;

- les préjudices dont le jugement prononce la réparation ne présentent pas de lien de causalité avec les troubles sociaux de cette période et ne sont par ailleurs ni certains ni justifiés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juin 2015 et 6 juillet 2015, la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Ensurance, représentée par la SCP de Nervo et Poupet, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 juillet 2015 la clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ensemble l'article L. 133-1 du code des communes de Nouvelle-Calédonie ;

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me Poupée, avocat de la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Ensurance.

1. Considérant que le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 26 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a fait droit à la demande de la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance subrogée dans les droits de la SCI ICMA, propriétaire des locaux occupés par la société SEV tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 298 497 F CFP en réparation du préjudice subi par cette société du fait des exactions dont elle a été victime le 5 août 2009 alors que la Nouvelle-Calédonie connaissait un contexte général de tensions sociales et d'affrontements depuis le mois de mars 2009 et qui s'était intensifié les 5 et 6 août 2009 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés " ; que pour reconnaître que la responsabilité de l'Etat était engagée du fait des exactions commises dans le local de la société ICMA le tribunal a rappelé la date et le lieu des actions en cause, indiqué que ces violences avaient concerné un nombre significatif de commerces dans la même zone et donné lieu à de nombreuses plaintes auprès des services de police avant de conclure qu'elles devaient " dans les circonstances très particulières de l'espèce " être considérées comme étant l'oeuvre d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens des dispositions de l'article L133-1 du code des commues de Nouvelle-Calédonie alors applicable ; qu'il a dès lors suffisamment motivé son jugement alors même qu'il n'a pas précisé que ces " circonstances très particulières " résultaient des troubles sociaux intenses que connaissait alors la Nouvelle-Calédonie et qui étaient parfaitement connus de toutes les parties ; que le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;

3. Considérant en second lieu que pour écarter la fin de non-recevoir soulevée devant lui et tirée du défaut d'intérêt pour agir de la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance faute de justifier être régulièrement subrogée dans les droits de la SCI ICMA le tribunal administratif a visé, outre l'article L121-1 du code des assurances, l'article 1251 du code civil avant de relever que la société sinistrée était liée à la compagnie d'assurance requérante par un contrat d'assurance multirisque professionnelle dont il donnait la référence précise et en application duquel ladite compagnie d'assurance a indemnisé les préjudices subis ; qu'il a ainsi répondu à la fin de non-recevoir opposée par le Haut-Commissaire de la République ; que le moyen tiré du défaut de réponse à la fin de non-recevoir ainsi opposée doit dès lors être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 133-1 du code des communes de Nouvelle-Calédonie alors en vigueur : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. " ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;

5. Considérant que s'il est vrai que la Nouvelle-Calédonie a connu à partir du mois de mars 2009 un climat de tension sociale importante trouvant son origine dans le conflit entre le syndicat USTKE et une compagnie de transport aérien et si au début du mois d'août 2009 diverses actions de blocages d'entreprises, de barrages routiers et d'affrontements avec les forces de l'ordre ont eu lieu et si la compagnie d'assurance requérante de première instance fait état de ce que plusieurs magasins ont dans le même temps fait l'objet d'actes de vandalisme et de vols, elle ne justifie pas du lien entre l'agression du local appartenant à la SCI ICMA , commis le 5 août 2009 au complexe Ducos Factory et des rassemblements ou attroupements précisément identifiés sur les lieux ou à proximité de ce local ; que le caractère diffus des troubles, invoqué par la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance, ne permet pas d'établir que les agissements à l'origine des dommages en cause auraient été commis par des attroupements ou rassemblements au sens de l'article L. 133-1 du code des communes de Nouvelle-Calédonie alors en vigueur ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a retenu sa responsabilité et l'a condamné à indemniser la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance, en réparation du préjudice subi par son assurée, la SCI ICMA ;

Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :

7. Considérant que le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à demander à la Cour la condamnation de la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance à la réparation sous la forme d'intérêts au taux légal du préjudice subi du fait du versement des sommes auxquelles il était tenu en raison du caractère exécutoire du jugement ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance, demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance, le versement de la somme que l'Etat demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1300375 du 26 juin 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle- Calédonie est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du Haut-Commissaire de la République en Nouvelle- Calédonie présentées devant la cour administrative d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle- Calédonie et à la compagnie d'assurance QBE Queensland Branch Insurance.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur ,

- Mme Labetoulle, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 octobre 2015.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLELe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04134
Date de la décision : 12/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : DE NERVO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-10-12;14pa04134 ?
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