La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2015 | FRANCE | N°14PA04676

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 septembre 2015, 14PA04676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance du document dit " convocation Dublin ".

Par un jugement n° 1404482 du 18 septembre 2014 le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande et l'a enjoint de délivrer à M. A...le document dit " convocation Dublin " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugemen

t.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémenta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance du document dit " convocation Dublin ".

Par un jugement n° 1404482 du 18 septembre 2014 le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande et l'a enjoint de délivrer à M. A...le document dit " convocation Dublin " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 novembre 2014 et 5 janvier 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404482 du 18 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris dans toutes ses dispositions y compris en ce qu'il condamne l'Etat à verser à M. A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a considéré que l'instruction du ministre de l'intérieur du 23 avril 2013 revêtait un caractère réglementaire ; en effet, cette instruction n'ajoute rien à la loi et ne modifie ni les droits au séjour des demandeurs d'asile concernés, ni leurs droits au regard de la directive du 27 janvier 2003 et en particulier celui lié au bénéfice de l'allocation temporaire d'attente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2015, M. A...représenté par Me Dannaud, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le ministre de l'intérieur s'était engagé le 14 févier 2013 devant le juge des référés du Conseil d'Etat à ce que les demandeurs d'asile sous procédure Dublin reçoivent une convocation en vue de percevoir l'allocation temporaire d'attente à laquelle ils ont droit ;

- l'instruction du 23 avril 2013 qui fait suite à cet engagement était nécessaire dans la mesure où la préfecture de police ne délivrait aux demandeurs d'asile sous procédure Dublin aucun document leur permettant de percevoir l'allocation temporaire d'attente, alors que la délivrance d'un tel document était pourtant prévue par la circulaire du 1er avril 2011 ;

- la " convocation Dublin " est indispensable pour permettre la perception effective de l'allocation temporaire d'attente ;

- le préfet de police responsable pour refuser l'admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est compétent pour délivrer la " convocation Dublin " ;

- le fait qu'il se soit maintenu irrégulièrement sur le territoire français est sans incidence sur la légalité du refus implicite qui lui a été opposé dès lors qu'à la date de ce refus les dispositions de l'article 16 de la directive n° 2003/9/CE n'avaient pas été transposées en droit interne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

- la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 ;

- la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 27 septembre 2012 (affaire C-179/11) ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la circulaire du ministre de l'intérieur du 1er avril 2011 ;

- l'instruction du ministre de l'intérieur du 23 avril 2013 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dalle a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant afghan, né le 21 mars 1987, entré en France le 25 décembre 2012, selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que, par un arrêté du 29 août 2013, le préfet de police de Paris a rejeté sa demande, décidé sa remise aux autorités belges et lui a accordé un délai d'un mois pour quitter volontairement le territoire français ; que les services de Pôle Emploi ont refusé d'enregistrer sa demande tendant au bénéfice de l'allocation temporaire d'attente au motif qu'il ne présentait pas la " convocation Dublin " munie d'une photo d'identité, devant être délivrée par la préfecture de police dans le cadre de la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que, par une lettre du 18 décembre 2013, reçue le 19 décembre 2013, il a demandé au préfet de police de lui délivrer le document dit " convocation Dublin ", dont le modèle est annexé à l'instruction du 23 avril 2013 adressée par le ministre de l'intérieur aux préfets et au préfet de police ; que cette lettre étant restée sans réponse, il a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande ; que, par la présente requête, le préfet de police relève appel du jugement du 18 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision implicite ;

Sur le refus de délivrance du document intitulé " convocation Dublin " :

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres : " La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un Etat membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national " ; qu'aux termes des paragraphes 1 et 2 de l'article 13 de cette directive : " les Etats membres font en sorte que les demandeurs d'asile aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils introduisent leur demande d'asile " et " les Etats membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer la subsistance des demandeurs " ; que l'article 2 de cette directive définit les conditions matérielles d'accueil comme " comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de cette directive : " 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs reçoivent, dans un délai de trois jours après le dépôt de leur demande auprès des autorités compétentes, un certificat délivré à leur nom attestant leur statut de demandeur d'asile ou attestant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire de l'Etat membre pendant que leur demande est en attente ou en cours d'examen (...) " ;

3. Considérant que, dans l'arrêt C-179/11 du 27 septembre 2012 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'État, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour droit que la directive du 27 janvier 2003 devait être interprétée en ce sens qu'un État membre saisi d'une demande d'asile est tenu d'octroyer les conditions minimales d'accueil garanties par cette directive, y compris à un demandeur d'asile pour lequel il décide, en application du règlement du Conseil du 18 février 2003, de requérir un autre État membre afin de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, et que cette obligation ne prend fin, le cas échéant, que lors du transfert effectif du demandeur par l'État membre requérant, la charge financière de l'octroi des conditions minimales incombant, jusqu'à cette date, à ce dernier État membre ;

4. Considérant, d'une part, que, si le demandeur d'asile dont la demande relève de la compétence d'un autre État européen que la France décide de requérir en application du règlement du 18 février 2003, peut se voir refuser l'admission au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il dispose cependant du droit de rester en France en application des dispositions précises et inconditionnelles de l'article 7 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, ainsi que l'a jugé la Cour de justice dans son arrêt précité du 27 septembre 2012 ; qu'il doit, dès lors, pouvoir accéder aux conditions minimales d'accueil prévues par la directive du 27 janvier 2003 ;

5. Considérant, d'autre part, que, si l'article L. 5423-8 du code du travail prévoit que : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 5423-9, peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente : / 1° Les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources (...) ", il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces dispositions, qui doivent être interprétées à la lumière de la directive du 27 janvier 2003, n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'exiger la détention d'un titre de séjour ou d'un récépissé pour le demandeur d'asile dont la demande relève de la compétence d'un autre État que la France décide de requérir en application du règlement du 18 février 2003 ; que, par suite, ce demandeur a, sous réserve des dispositions de l'article L. 5423-9 du code du travail, droit à l'allocation temporaire d'attente lorsqu'il remplit les conditions d'âge et de ressources prévues, jusqu'à ce qu'il ait effectivement été transféré dans l'État requis ou, le cas échéant, jusqu'à ce que la France, ayant finalement engagé l'examen de sa demande, se soit prononcée sur celle-ci ;

6. Considérant que, lorsqu'il est clair que les dispositions nationales existantes n'assurent pas pleinement la mise en oeuvre des dispositions du droit de l'Union européenne, et dans l'attente de l'édiction des dispositions législatives ou règlementaires qu'appelle, selon les cas, le plein respect des exigences qui en découlent, il appartient aux ministres, d'une part, de prescrire aux services placés sous leur autorité de ne pas appliquer ces dispositions et, d'autre part, le cas échéant, de prendre, sous le contrôle du juge, les mesures qui sont strictement nécessaires au bon fonctionnement de ces services dans des conditions conformes avec les exigences découlant du respect du droit de l'Union européenne et dans le respect des règles de compétence de droit national ;

7. Considérant que le ministre de l'intérieur a adressé aux préfets, le 23 avril 2013, une instruction relative au droit à l'allocation temporaire d'attente des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure dite " Dublin " en application du règlement du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant des pays tiers ; qu'après avoir analysé le contenu de l'arrêt C-179/11 du 27 septembre 2012, le ministre en a déduit que cet arrêt impliquait que les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une " procédure Dublin " puissent bénéficier des conditions minimales d'accueil prévues par la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, et en particulier, de l'allocation temporaire d'attente ; qu'il a toutefois relevé que la réalisation de cet objectif appelait des modifications législatives et que, dans l'attente, il convenait de prendre, à titre transitoire, les mesures permettant d'assurer l'application de la directive ; qu'ayant rappelé que les demandeurs d'asile avaient besoin d'un document revêtu de leur photographie et comportant des indications complètes sur leur état-civil, leur situation de famille et leur domicile, afin notamment de pouvoir percevoir l'allocation temporaire d'attente auprès d'un établissement de crédit, le ministre a prescrit aux préfets et au préfet de police de délivrer aux demandeurs d'asile un document, dit " convocation Dublin " , dont il a annexé à son instruction le modèle à utiliser impérativement ;

8. Considérant que si cette instruction ne modifie ni les droits au séjour des demandeurs d'asile concernés, ni ceux résultant de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, elle prescrit en revanche, à l'intention des services placés sous l'autorité du ministre de l'intérieur, une mesure - la délivrance du document " convocation Dublin - permettant de satisfaire concrètement aux exigences de cette directive ; qu'elle présente par suite un caractère réglementaire et peut, compte tenu de son objet qui est de rendre plus effectif l'exercice d'un droit ouvert dans le cadre de la transposition en droit interne d'une directive, être invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir par les personnes susceptibles de bénéficier de ce droit ; qu'il suit de là qu'en refusant, par la décision attaquée, de remettre à M. A...le document dit " convocation Dublin ", le préfet de police a commis une erreur de droit ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite refusant de délivrer à M. A...le document dit " convocation Dublin " ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 septembre 2015.

Le président rapporteur,

D. DALLE L'assesseur le plus ancien,

L. NOTARIANNI

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA04676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04676
Date de la décision : 30/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : DANNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-09-30;14pa04676 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award