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07/09/2015 | FRANCE | N°15PA00630

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 07 septembre 2015, 15PA00630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 3 avril 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé d'enregistrer sa demande d'asile et d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de procéder à un nouvel examen de sa demande.

Par un jugement n° 1303425 du 11 décembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour : >
Par une requête, enregistrée le 11 février 2015, sous le n° 15PA00630, Mme E..., représentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 3 avril 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé d'enregistrer sa demande d'asile et d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de procéder à un nouvel examen de sa demande.

Par un jugement n° 1303425 du 11 décembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2015, sous le n° 15PA00630, Mme E..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303425 du 11 décembre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 22 mars 2013 et 3 avril 2013 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

3°) d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, MeB..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision du 3 avril 2013 a été signée par une personne incompétente ;

- le délai de 21 jours prévu par l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut lui être opposé dès lors que l'OFPRA ne démontre pas lui avoir remis les documents d'information sur les droits et obligations du demandeur d'asile ;

- au vu du délai qui lui était imparti pour renvoyer son dossier complet, l'OFPRA doit être regardé, en application de la décision du 12 janvier 2005 de la Cour nationale du droit d'asile, comme ayant implicitement prorogé le délai de 21 jours ;

- l'OFPRA a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'enregistrer sa demande d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par la SELARL Claisse et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 400 euros soit mise à la charge de Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision contestée et de l'irrégularité de la procédure relative aux demandes d'asile sont des moyens de légalité externe relevant d'une cause juridique distincte du moyen soulevé en première instance et sont par suite irrecevables ;

- en tout état de cause, ils ne peuvent qu'être écartés ;

- la circonstance que le dossier incomplet a été renvoyé à l'intéressée en lui demandant de le compléter ne peut avoir eu pour effet de proroger le délai de 21 jours.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la " décision " du 22 mars 2013 dès lors que celle-ci ne constitue pas une décision faisant grief.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

-le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeE..., de nationalité congolaise, née le 29 janvier 1982 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), entrée en France le 11 janvier 2013, selon ses déclarations, a sollicité auprès du préfet du Loiret le statut de réfugié et a été mise en possession le 6 mars 2013 d'une autorisation provisoire de séjour en vue d'effectuer des démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par lettre du 22 mars 2013, l'Office l'a informée que son dossier de demande d'asile était incomplet faute d'être signé et l'a, en conséquence, invitée à renvoyer son dossier dûment complété : que, par décision du 3 avril 2013, le directeur général de l'Office a refusé d'enregistrer la demande d'asile de l'intéressée ; que Mme E...relève appel du jugement du 11 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; qu'elle demande également à la Cour d'annuler la décision du 22 mars 2013 ;

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. (...) L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeE..., qui a sollicité l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle lors de l'enregistrement de sa requête, le 11 février 2015, n'a accompli, depuis cette date, aucune démarche auprès du bureau d'aide juridictionnelle en vue de compléter cette demande, qui est dépourvue de toute précision permettant de penser qu'elle remplirait les conditions pour bénéficier de cette aide ; qu'en outre, la condition d'urgence permettant l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire n'est pas établie ; qu'en tout état de cause, le Bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande de l'intéressée par une décision du 4 juin 2015 ;

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la " décision " du 22 mars 2013 :

4. Considérant que, comme il a déjà été dit, par lettre du 22 mars 2013, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'est contenté d'informer Mme E...que son dossier de demande d'asile était incomplet en l'absence de signature et l'a invitée à le renvoyer dûment complété ; que ce courrier n'est pas une décision faisant grief ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de cette lettre du 22 mars 2013, qui au surplus sont nouvelles en appel, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 723-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A compter de la remise de l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 742-1, l'étranger demandeur d'asile dispose d'un délai de vingt et un jours pour présenter sa demande d'asile complète à l'office. La demande d'asile ou du statut d'apatride est rédigée en français sur un imprimé établi par l'office. L'imprimé doit être signé et accompagné de deux photographies d'identité récentes et, le cas échéant, du document de voyage et de la copie du document de séjour en cours de validité. Lorsque la demande est présentée complète dans les délais, l'office l'enregistre sans délai et en informe par lettre le demandeur. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse où l'étranger présente ou complète sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) après l'expiration du délai de vingt-et-un jours imparti par le premier alinéa de cet article à compter de la remise de l'autorisation provisoire de séjour, le directeur général de l'Office peut refuser d'enregistrer cette demande, sauf dans l'hypothèse où les services préfectoraux ont omis de remettre à l'intéressé, au stade de la demande d'admission au séjour, le document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du même code, cette circonstance étant seulement de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de vingt-et-un jours ; que, toutefois, les dispositions de l'article R. 723-1 n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce qu'un étranger auquel l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé l'enregistrement de sa demande en raison de sa tardiveté au regard du délai de vingt-et-un jours puisse présenter à nouveau, auprès des services préfectoraux compétents, une demande d'admission au séjour en vue de présenter sa demande d'asile auprès de l'Office; que, saisi de cette demande, le préfet délivre à l'intéressé une nouvelle autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article R. 742-1 du même code ou, s'il estime que le dépassement du délai de vingt-et-un jours révèle le caractère manifestement dilatoire de sa demande d'asile, lui refuse cette autorisation sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 de ce code ;

6. Considérant que par décision du 21 décembre 2012 référencée NOR INTV1243384S publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur du 15 février 2013, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, en son article 12, donné à Mme A...D..., officier de protection principal, chef de la mission accueil, enregistrement et numérisation, signataire de la décision refusant l'enregistrement de la demande d'asile de MmeE..., délégation pour signer en son nom, tous actes individuels pris en application de l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré ce que la décision contestée, signée de Mme A...D..., serait entachée d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait ;

7. Considérant, en tout état de cause, que si Mme E...soutient que l'OFPRA ne démontre pas lui avoir remis les documents d'information sur les droits et obligations du demandeur d'asile, il ressort au contraire des pièces du dossier, en particulier de " l'attestation de remise d'un dossier " datée du 6 mars 2013 émanant du préfet du Loiret et signée par MmeE..., que celle-ci s'est vu remettre un guide du demandeur d'asile en langue française, un dossier OFPRA et sa notice explicative, en mentionnant l'importance de respecter les délais de transmission (21 jours en procédure normale) ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, enfin, que si Mme E...soutient que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'enregistrer sa demande d'asile, il ressort des termes de l'article R. 723-1 du code précité que l'imprimé établi par l'Office, sur lequel est rédigée la demande d'asile, doit être signé ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E...a envoyé à l'Office un dossier qui était incomplet faute de comporter sa signature et qu'elle ne l'a complété que par un envoi posté le 29 mars 2013, soit après l'expiration du délai de vingt-et-un jours ; que la requérante ne peut utilement soutenir que la demande de régularisation de l'Office du 22 mars 2013 doit être regardée comme ayant prorogé le délai de 21 jours dès lors qu'elle rendait matériellement impossible l'envoi d'un dossier complété dans le délai initial ; que, dans ces conditions, le directeur général de l'OFPRA pouvait légalement rejeter la demande de MmeE... ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelant aucune mesure d'exécution, il y a lieu de rejeter également les conclusions tendant à ce que soit enjoint à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'enregistrer la demande d'asile de Mme E...dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat (Office français de protection des réfugiés et apatrides), qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme E...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...le versement de la somme que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Sirinelli, premier conseiller,

Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 septembre 2015.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

B. AUVRAYLe greffier,

A.-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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15PA00630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00630
Date de la décision : 07/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-05-04


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : BLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-09-07;15pa00630 ?
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