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31/07/2015 | FRANCE | N°15PA00518

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 juillet 2015, 15PA00518


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2015, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me C...; M. B...demande à la

Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309560-9 du 9 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2013 du préfet du Val-de-Marne refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté préfectoral ;

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) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un ...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2015, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me C...; M. B...demande à la

Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309560-9 du 9 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2013 du préfet du Val-de-Marne refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à MeC..., son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Il soutient :

- que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour en violation de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : qu'il justifie de sa présence habituelle en France par différents documents entre 2003 et 2013 ;

- que la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation : que, contrairement à ce qui est soutenu, son passeport n'est pas un " faux " ; qu'il produit des documents d'état civil attestant de son lieu de naissance en Côte d'Ivoire ; qu'aucune plainte n'a été déposée contre lui ; que le préfet ne démontre pas le caractère falsifié de son passeport ; qu'il est francophone et parfaitement intégré dans la société française ; qu'il produit des quittances de loyers, déclare ses impôts et a pu travailler pendant des années dans le bâtiment ; qu'il est père de famille et doit subvenir aux besoins de sa fille âgée de quelques semaines ;

- que la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : qu'un enfant est né le 21 octobre 2013 à Paris (18ème arrondissement) issu de sa relation avec une ressortissante malienne ;

- que la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale ;

- qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : que la privation de titre de séjour affecte directement sa fille née le

21 octobre 2013 en ce que cet enfant doit pouvoir entretenir des liens avec ses deux parents et que ceux-ci doivent être en mesure d'assurer son éducation dans des conditions normales ;

Vu le jugement et l'arrêté préfectoral attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet du

Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 25 juin 2015, produites par le requérant ;

Vu la décision n° 2014/055823 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris en date du 8 janvier 2015 admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2015 le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant de nationalité ivoirienne, né le

12 décembre 1975 à Soubre (Côte d'Ivoire), déclare être entré irrégulièrement en France en janvier 2003 ; qu'en mars 2013, il a sollicité la régularisation de sa situation administrative au titre, notamment, de l'admission exceptionnelle au séjour ; que, par un arrêté du 3 juin suivant, le préfet du Val-de-Marne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ; que M. B...relève appel du jugement du 9 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article

L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L.312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;

3. Considérant que M. B...soutient que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour dès lors qu'il justifiait résider en France habituellement depuis plus de dix ans, étant entré sur le territoire national en

janvier 2003 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que sa présence n'est pas établie pour l'année 2010 et partiellement seulement, pour l'année 2004, par des bulletins de salaire concernant seulement les quatre premiers mois de l'année, pour 2005, par la seule production d'un courrier du Syndicat des transports d'Île-de-France du mois d'avril 2005 ; que, s'il produit pour chaque année un avis de non imposition, ce document n'est pas de nature à établir la réalité et la stabilité de sa présence en France ; qu'il suit de là que le requérant n'établit pas la continuité de sa présence en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Val-de-Marne s'est abstenu de saisir de son cas la commission du titre de séjour ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, les pièces versées au dossier ne suffisent pas à justifier de l'expérience et des qualifications professionnelles dont se prévaut

M. B...dans le secteur du bâtiment ; que, par suite, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 en estimant que l'insuffisance de son expérience et de sa qualification professionnelle faisait obstacle à ce que sa demande puisse être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel ; que, d'autre part, l'intégration à la société française et les liens privés et familiaux allégués par l'intéressé ne sont pas établis par les pièces du dossier ; qu'enfin, la durée du séjour en France de M. B...ne saurait, à la supposer établie, être regardée comme constitutive, en tant que telle, de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées ; que, dans ces conditions, en l'absence de toute considération humanitaire ou de motif exceptionnel, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant d'accorder à M. B...l'admission exceptionnelle au séjour ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;

6. Considérant que, si M. B...soutient qu'il réside continûment depuis 2003 sur le territoire français et que de sa relation avec une ressortissante de nationalité malienne est né un enfant le 21 octobre 2013, il ressort néanmoins des pièces du dossier que la naissance de cet enfant est postérieure à la date de la décision en litige ; que, dès lors, cette circonstance est sans influence sur la légalité de ladite décision ; qu'en outre, l'intéressé n'allègue pas ne plus avoir d'attache familiale dans son pays d'origine où il vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, elle ne méconnaît pas les stipulations précitées de la convention européenne ; que, pour les mêmes motifs, le préfet du Val-de-Marne ne saurait être regardé comme ayant commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant que M. B...fait valoir que l'arrêté préfectoral litigieux méconnaît l'intérêt de son enfant ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que son enfant est né le

21 octobre 2013, soit postérieurement à la date d'édiction de l'arrêté contesté, le 3 juin 2013 ; qu'en tout état de cause, cette seule circonstance ne suffit pas en l'espèce à établir que la décision prise à son encontre aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 précité ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

M. Romnicianu, premier conseiller,

M. Gouès, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 juillet 2015.

Le rapporteur,

M. ROMNICIANULe président,

M. VETTRAINO

Le greffier,

F. TROUYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 15PA00518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00518
Date de la décision : 31/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : STAMBOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-31;15pa00518 ?
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