La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2015 | FRANCE | N°14PA05264

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 31 juillet 2015, 14PA05264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale".

Par un jugement n° 1408924/3-1 du 6 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D...et d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à l'

intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale".

Par un jugement n° 1408924/3-1 du 6 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D...et d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 décembre 2014, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1408924/3-1 du 6 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le Tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient, pour estimer que sa décision implicite de rejet portait au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, retenir des moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de la décision implicite dès lors que Mme D...a effectué sa demande de titre de séjour par voie postale et ne s'est pas présentée personnellement au guichet de la préfecture ;

- en tout état de cause, sa décision de refus de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale dès lors que l'intéressée ne justifie pas de l'effectivité de sa présence en France avant janvier 2011, que son séjour irrégulier ne revêt pas une ancienneté particulière, qu'elle n'établissait pas en mars 2012 l'effectivité de la communauté de vie avec son conjoint avec lequel elle avait engagé une procédure de divorce et qu'elle n'exerce aucune activité professionnelle, qu'elle ne justifie d'aucune ressource ni d'intégration sur le territoire français, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales à l'Ile Maurice et qu'elle ne fait valoir aucune circonstance faisant obstacle à son éloignement temporaire du territoire français le temps que son époux engage une procédure de regroupement familial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2015, MmeD..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle justifie s'être présentée au guichet d'une antenne de la préfecture de police et que l'agent ayant refusé d'enregistrer sa demande, elle a dû solliciter, par courrier du 29 novembre 2013 envoyé par l'intermédiaire de son conseil, une convocation pour pouvoir présenter une telle demande ;

- contrairement à ce que soutient le préfet de police, sa décision implicite de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au respect de son droit à une vie privée et familiale normale eu égard à l'intensité de ses liens familiaux en France.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les observations de MeB..., pour MmeD....

1. Considérant que le préfet de police relève appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite refusant à Mme D..., ressortissante mauricienne née le 17 mai 1982, la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour de MmeD... :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 311-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient (...) Par dérogation au premier alinéa, l'étranger résidant hors de France qui sollicite le titre de séjour prévu à l'article L. 317-1 ou son renouvellement peut déposer sa demande auprès de la représentation consulaire française dans son pays de résidence, qui transmet sa demande au préfet territorialement compétent " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de titre de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité est applicable, que les intéressés se présentent physiquement à la préfecture ; qu'à défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par l'article R. 311-12 du même code, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir ; que, toutefois, lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut pas utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision ;

3. Considérant que si le préfet de police soutient que Mme D...n'établit pas s'être présentée personnellement au guichet de la préfecture pour solliciter un titre de séjour, il ressort du courrier du 29 novembre 2013 que celle-ci, par l'intermédiaire de son conseil, a adressé au préfet de police le 2 décembre 2013, qu'elle s'est présentée en personne au centre de réception des étrangers à l'antenne du Maine pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'en raison du refus de l'agent de préfecture d'enregistrer sa demande, elle a réitéré sa demande par écrit et a, en outre, sollicité une convocation en vue de l'examen de sa demande de titre de séjour ; que, dans ces conditions, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a examiné le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas lié à un vice propre de la décision contestée ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la production du passeport de l'intéressée, que Mme D...est entrée sur le territoire national le 7 mai 2010 et y réside habituellement depuis cette date ; qu'elle est mariée depuis le 17 octobre 2008 à un compatriote exerçant la profession d'architecte, vivant en France depuis 1998 et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2020 ; que la réalité de leur communauté de vie est établie depuis juin 2010, notamment par la production de quittances de loyer au nom de son époux et de documents médicaux concernant Mme C...mentionnant la même adresse, d'une attestation et de factures EDF à leur deux noms et de l'avis d'imposition pour l'année 2014 ; que, de leur union, deux enfants sont nés à Paris en 2011 et 2012 ; que, dans ces conditions, en dépit du caractère irrégulier de son séjour depuis son arrivée en France et eu égard à l'intensité et à la stabilité de ses liens familiaux sur le territoire français, la décision implicite refusant d'admettre Mme D...au séjour a, ainsi que l'ont à bon droit relevé les premiers juges, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu les dispositions ci-dessus rappelées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite refusant à Mme D...la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que le tribunal a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ; que dès lors, il n'y a pas lieu d'enjoindre à nouveau au préfet de police de délivrer à Mme D... un titre de séjour ; qu'il suit de là que les conclusions de Mme D...tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet de police de lui délivrer un tel titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme D...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre l'intérieur et à Mme A...E...D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Sirinelli, premier conseiller,

Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2015.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

B. AUVRAY

Le greffier,

A.-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA05264

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA05264
Date de la décision : 31/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : LESAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-31;14pa05264 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award