Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2014, présentée pour Mme B...
D..., demeurant au..., par Me Gueguen ; Mme D... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1404544 du 10 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2013 du préfet de police refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à Me Gueguen, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet devait saisir la commission du titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle pouvait prétendre à un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il était également tenu de la saisir en application des dispositions de l'article L. 313-14 du même code puisqu'elle démontre sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit, le préfet de police ayant méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu la décision n° 2014/041538 du 21 novembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2015 :
- le rapport de Mme Terrasse, président assesseur,
- et les observations de Me Gueguen, avocat de Mme D... ;
1. Considérant que MmeD..., ressortissante marocaine née le 28 janvier 1969, entrée en France en 2002 selon ses déclarations, a sollicité auprès des services de la préfecture de police la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 11 janvier 2011 le préfet de police a opposé un refus à sa demande et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que par un arrêt du 27 septembre 2012, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 8 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de cet arrêté et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de MmeD... ; que par un nouvel arrêté du 28 novembre 2013, le préfet de police a, à nouveau, opposé un refus à sa demande et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que Mme D...relève appel du jugement du 10 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces dernières décisions ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant que Mme D...n'établit pas avoir présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police n'était pas tenu d'examiner sa situation au regard d'un autre fondement que celui invoqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour a méconnu les dispositions du 7° de l'article
L. 313-11 doit être écarté, ainsi, par voie de conséquence, que celui tiré de ce que l'intéressée était au nombre des personnes dont le cas aurait dû être soumis à la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 du même code ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que, pour être qualifiée d'habituelle, la présence en France de l'étranger doit être ininterrompue sur la période
considérée ; que, si Mme D...soutient qu'elle résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle n'établit pas la durée et la continuité de son séjour ; qu'en effet, elle se borne à produire, au titre notamment de l'année 2004, trois documents pour les mois de février et mars et un document manuscrit dépourvu de valeur probante pour le mois de septembre ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait préalablement dû saisir la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit
d'asile ;
5. Considérant que Mme D...fait valoir qu'elle réside en France depuis plus de dix ans avec son compagnon et sa fille, que sa mère et trois de ses frères et soeurs y résident également régulièrement, et qu'elle y est intégrée ; que, toutefois, ces circonstances, à les supposer même établies, ne revêtent pas par elles-mêmes le caractère de circonstances humanitaires ni ne constituent un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitée ; que le préfet pouvait donc légalement lui refuser l'admission exceptionnelle au séjour ; que si le préfet dispose d'un pouvoir de régularisation lui permettant, s'il l'estime opportun, de délivrer un titre de séjour à un demandeur qui ne remplit pas toutes les conditions exigées, il n'est aucunement tenu d'exercer ce pouvoir discrétionnaire ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que Mme D...invoque la circonstance que son compagnon de nationalité marocaine, M. A...C..., et leur fille résident en France ; que, toutefois, elle n'établit pas vivre effectivement avec M.A... ; que, d'une part, ils se sont tous deux déclarés célibataires auprès de la mairie de Paris dans le formulaire de demande d'inscription de leur fille dans un établissement d'accueil de la petite enfance et, d'autre part, M. A...indique systématiquement dans ses déclarations administratives un domicile différent de celui de la requérante ; qu'au surplus, Mme D...n'établit ni même n'allègue qu'il séjourne régulièrement en France et participe à l'éducation et à l'entretien de leur fille ; que, par ailleurs, Mme D...fait valoir que sa mère réside régulièrement en France et que sa fratrie réside majoritairement en Europe dont un frère et deux soeurs en France, et que, son père étant décédé en 2007, elle n'a plus d'attache dans son pays d'origine ; que toutefois elle ne l'établit pas, alors qu'elle a vécu au Maroc au moins jusqu'à l'âge de 33 ans ; que, malgré la production d'attestations d'inscription à des cours de perfectionnement de français, Mme D...ne démontre pas une particulière intégration en France ; que, comme il a déjà été dit précédemment, elle ne justifie pas de la durée de séjour qu'elle invoque ; que, dans ces conditions, le refus de titre de séjour du 28 novembre 2013 n'a pas porté au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que l'arrêté attaqué n'implique aucunement que l'enfant de la requérante, née le 10 juillet 2013, soit séparée de sa mère ; que cette dernière n'établit ni même n'allègue, que le père de sa fille, dont il n'est pas démontré qu'il soit en situation régulière en France, participe effectivement à son entretien et à son éducation ; que l'arrêté attaqué n'a donc pas méconnu les stipulations précitées ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeD... ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour pour demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant que MmeD..., à laquelle la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " a été refusée, entrait dans le champ d'application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait cru lié par le refus opposé à la demande de titre de séjour de l'intéressée ; que, par suite, ledit moyen ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfants et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme D...doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7, 8 et 9, la requérante faisant valoir les mêmes arguments qu'à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour pour demander l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire ;
14. Considérant que Mme D...soutient que la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ; que toutefois aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale fixée à trente jours et que l'étranger n'a présenté aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté ;
15. Considérant qu'il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés aux points 7, 8 et 9, d'écarter les moyens tirés de la violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de MmeD... ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2015, à laquelle siégeaient :
Mme Vettraino, président de chambre,
Mme Terrasse, président assesseur,
M. Romnicianu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 juillet 2015.
Le rapporteur,
M. TERRASSELe président,
M. VETTRAINO
Le greffier,
F. TROUYET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 14PA05137