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31/07/2015 | FRANCE | N°14PA03299,...

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 juillet 2015, 14PA03299,...


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, le syndicat des copropriétaires du bâtiment A (tour Montparnasse) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, le syndicat des copropriétaires du bâtiment B (centre commercial) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, le syndicat des copropriétaires du bâtiment C (tour CIT) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse et le syndicat des copropriétaires du bâtiment D de l'Ensemble immobilier Tour

Maine Montparnasse ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, le syndicat des copropriétaires du bâtiment A (tour Montparnasse) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, le syndicat des copropriétaires du bâtiment B (centre commercial) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, le syndicat des copropriétaires du bâtiment C (tour CIT) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse et le syndicat des copropriétaires du bâtiment D de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 avril 2013 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi leur a imposé de mettre en oeuvre des élections de délégués du personnel pour le site constitué par l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse et leur a fixé un délai de trois mois pour l'organisation de ces élections.

Par un jugement n°s 1308091, 1308093, 1308096, 1308100 du 20 mai 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la Cour :

I - Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 16 juillet 2014, 30 mars 2015 et 11 juin 2015 sous le n° 14PA03318, le syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, représenté par Me Rival, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1308091, 1308093, 1308096, 1308100 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- si les dispositions de l'article L. 2312-5 du code du travail permettent à l'autorité administrative d'imposer des élections de délégués du personnel de site, ni ces dispositions ni aucun autre texte ne donnent compétence au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour désigner, lorsqu'elle n'existe pas, une autorité gestionnaire du site ;

- l'article L. 2312-5 du code du travail ne permet pas de regarder plusieurs personnes morales indépendantes comme formant une seule autorité gestionnaire du site ;

- eu égard à leur objet et aux missions qui leur sont confiées par la loi du 10 juillet 1965 et dans le règlement de copropriété, les syndicats de copropriétaires ne pouvaient pas être regardés comme une autorité gestionnaire du site chargée d'organiser des élections de délégués du personnel ;

- la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a fait une appréciation erronée de la situation en regardant l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse comme un site au sens de l'article L. 2312-5 du code du travail ;

- la décision du 8 avril 2013 est également irrégulière en ce qu'elle ne comporte pas la liste des établissements employant moins de onze salariés ;

- l'administration a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en considérant que l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse est confronté à des problèmes relevant du champ de l'article L. 2312-5 du code du travail, en estimant que ces problèmes sont communs à tous les bâtiments et toutes les entreprises de l'ensemble immobilier, et qu'ils sont d'une importance telle qu'ils justifient la mise en place de délégués de site alors même que la question de la présence d'amiante relève des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail que l'inspecteur du travail avait la faculté d'imposer dans les entreprises de moins de onze salariés, que chaque bâtiment est confronté à des problématiques propres et que le risque d'exposition aux poussières d'amiante est très réduit ainsi qu'il ressort des dernières mesures effectuées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars 2015 et 15 mai 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête du syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

II - Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 16 juillet 2014, 30 mars 2015 et 11 juin 2015 sous le n° 14PA03343, le syndicat des copropriétaires du bâtiment A (tour Montparnasse) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, représenté par Me Rival, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1308091, 1308093, 1308096, 1308100 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il conteste la légalité de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 par les mêmes moyens que ceux soulevés par le syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars 2015 et 15 mai 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête du syndicat des copropriétaires du bâtiment A (tour Montparnasse) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

III - Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 16 juillet 2014, 30 mars 2015 et 11 juin 2015 sous le n° 14PA03313, le syndicat des copropriétaires du bâtiment B (centre commercial) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, représenté par Me Rival, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1308091, 1308093, 1308096, 1308100 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il conteste la légalité de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 par les mêmes moyens que ceux soulevés par le syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars 2015 et 15 mai 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête du syndicat des copropriétaires bâtiment B (centre commercial) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

IV - Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 16 juillet 2014, 30 mars 2015 et 11 juin 2015 sous le n° 14PA03299, le syndicat des copropriétaires du bâtiment C (tour CIT) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, représenté par Me Rival, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1308091, 1308093, 1308096, 1308100 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il conteste la légalité de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 par les mêmes moyens que ceux soulevés par le syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars 2015 et 15 mai 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête du syndicat des copropriétaires bâtiment C (tour CIT) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

V - Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 16 juillet 2014, 30 mars 2015 et 11 juin 2015 sous le n° 14PA03310, le syndicat des copropriétaires du bâtiment D de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, représenté par Me Rival, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1308091, 1308093, 1308096, 1308100 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il conteste la légalité de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 8 avril 2013 par les mêmes moyens que ceux soulevés par le syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars 2015 et 22 mai 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête du syndicat des copropriétaires bâtiment D de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse.

Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

- l'ordonnance du 20 novembre 2014 du président de la 8ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris refusant de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité posée par les requérants.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Rival, avocat des syndicats de copropriétaires requérants.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes présentées par le syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse et par les syndicats secondaires des copropriétaires des bâtiments A, B, C, D de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse sont dirigées contre le même jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes des cinq syndicats requérants qui tendaient à l'annulation de la même décision. Les cinq requêtes ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. L'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse (EITMM) est composé de quatre bâtiments, dénommés A, B, C et D, qui correspondent respectivement à la tour Montparnasse elle-même, au centre commercial, à la tour CIT et au bâtiment occupé par l'entreprise GDF Suez. Les copropriétaires de l'ensemble immobilier sont regroupés au sein d'un syndicat principal de copropriétaires et de quatre syndicats secondaires de copropriétaires constitués pour chacun des bâtiments. Les cinq syndicats de copropriétaires sont gérés par un seul syndic de copropriété, la société Icade property management. L'EITMM a engagé, depuis la décision de l'assemblée générale des copropriétaires de décembre 2005, des travaux de désamiantage des bâtiments qui, selon les prescriptions d'un premier arrêté du préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris de 2006, devaient initialement être achevés en 2009. Par un deuxième arrêté du 20 novembre 2009, le préfet a prorogé ce délai pour une nouvelle période de trois ans afin de permettre la réalisation des travaux de retrait ou d'enfermement des matériaux contenant de 1'amiante au sein de l'ensemble immobilier. Eu égard aux risques liés à la présence d'amiante et à l'existence au sein de l'ensemble immobilier de nombreux établissements employant moins de onze salariés, l'administration a, par deux lettres des 4 décembre 2012 et 31 janvier 2013, informé les cinq syndicats de copropriétaires de l'EITMM et le syndic de copropriété de son intention d'imposer l'organisation sur le site d'élections de délégués du personnel dans les établissements employant moins de onze salariés. Par une décision du 8 avril 2013 prise sur le fondement de l'article L. 2312-5 du code du travail, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a ordonné au syndicat principal des copropriétaires et aux quatre syndicats secondaires de mettre en oeuvre des élections de délégués du personnel pour le site constitué de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse et leur a fixé un délai de trois mois pour organiser ces élections. Les cinq syndicats requérants font appel du jugement du 20 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision du 8 avril 2013.

Sur l'obligation d'organiser l'élection de délégués du personnel sur le site de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse :

3. Aux termes de l'article L. 2312-5 du code du travail : " Dans les établissements employant habituellement moins de onze salariés et dont l'activité s'exerce sur un même site où sont employés durablement au moins cinquante salariés, l'autorité administrative peut, de sa propre initiative ou à la demande des organisations syndicales de salariés, imposer l'élection de délégués du personnel lorsque la nature et l'importance des problèmes communs aux entreprises du site le justifient. / Les conditions de ces élections sont définies par accord entre l'autorité gestionnaire du site ou le représentant des employeurs concernés et les organisations syndicales de salariés, conclu selon les conditions de l'article L. 2314-3-1. / A défaut d'accord, l'autorité administrative fixe le nombre et la composition des collèges électoraux ainsi que le nombre des sièges et leur répartition entre les collèges par application des dispositions du présent titre. ".

4. L'Ensemble immobilier de la Tour Maine Montparnasse est composé d'une tour de 56 étages et 210 mètres de hauteur, d'un centre commercial regroupant près de 80 enseignes, d'une tour de onze étages et d'un bâtiment de 13 000 m² à usage exclusif de bureaux. Si ces bâtiments, dont deux sont régis par la législation sur les immeubles de grande hauteur, connaissent des contraintes propres et obéissent à des conditions d'accès et des horaires différents, il ressort des pièces du dossier qu'ils constituent un ensemble géographiquement et matériellement isolé, qu'ils sont régis par le même règlement de copropriété et sont regroupés au sein d'une seule et même copropriété. Ces bâtiments comportent en outre de nombreuses parties communes et présentent des caractéristiques communes, en particulier le fait qu'ils ne comptent que des locaux professionnels et, que ce soient les locaux commerciaux ou les locaux à usage de bureaux, qu'ils sont tous soumis à d'importants flux quotidiens de personnes. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a regardé l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse comme un site au sens des dispositions de l'article L. 2312-5 du code du travail.

5. Il est constant qu'à la date de la décision contestée, le site constitué de l'Ensemble immobilier de la Tour Maine Montparnasse comptait au moins 123 établissements occupant habituellement moins de onze salariés et que ceux-ci regroupaient au moins 335 salariés employés durablement. Ainsi, la condition relative aux seuils d'effectifs posée par l'article L. 2312-5 du code du travail est satisfaite, ainsi que l'énonce la décision contestée du 8 avril 2013. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration de mentionner dans sa décision la liste des établissements visés par l'organisation de l'élection de délégués du personnel sur le site. Enfin, si les syndicats requérants font valoir que l'absence de désignation des 123 établissements et le défaut de notification de la décision aux entreprises concernées font obstacle à sa mise en oeuvre, ces circonstances sont sans influence sur la légalité de la décision imposant l'organisation d'élections de délégués de site dans ces établissements.

6. L'administration a estimé, dans sa décision du 8 avril 2011, que les entreprises du site constitué par l'Ensemble immobilier de la Tour Maine Montparnasse sont confrontées à plusieurs problèmes communs, parmi lesquels figurent au premier rang le risque d'exposition aux poussières d'amiante mais également l'absence d'installations sanitaires réglementaires dans plusieurs établissements de moins de onze salariés et les réclamations relatives à la restauration inter-entreprises. Toutes ces questions, qui ont trait à la santé et la sécurité, à l'hygiène et aux conditions de travail, relèvent des missions des délégués du personnel telles que définies par l'article L. 2313-1 du code du travail. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise du 22 janvier 2014, que la présence d'amiante affecte tous les bâtiments du site, y compris le bâtiment D même si cela est dans une moindre mesure, et qu'une hypothèse a été émise, à la fois par les services de l'inspection du travail, de la CRAMIF et par le syndic de copropriété, selon laquelle la pollution à l'amiante trouverait son origine dans le système d'aération commun à l'ensemble des bâtiments. Il ressort également des pièces du dossier que le syndic de copropriété, qui gère les quatre bâtiments, est chargé du suivi de l'ensemble des travaux de désamiantage ainsi que des mesures de surveillance environnementale du site. Contrairement à ce que soutiennent les cinq syndicats requérants, de nombreux dépassements du seuil réglementaire de cinq fibres d'amiante par litre avaient encore été relevés à la date de la décision contestée et le risque d'une exposition aux poussières d'amiante persistait à cette date, ce qui nécessitait notamment que tous les salariés, y compris ceux des petites entreprises, soient informés des incidents susceptibles de se produire sur le site ainsi que des consignes et pratiques à adopter en cas de pollution des locaux et qu'un dialogue s'instaure sur ces questions. Ainsi, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en estimant que le risque d'exposition des salariés du site de l'EITMM aux poussières d'amiante constitue un problème commun qui, eu égard à sa nature et à son importance, justifiait à lui seul la mise en place de délégués du personnel de site. Enfin, les circonstances que l'autorité administrative n'a pas usé de la faculté d'imposer la création d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les entreprises du site de moins de cinquante salariés, ni que, postérieurement à la décision contestée, l'arrêté préfectoral du 15 mai 2014 a prescrit la création d'une " cellule amiante " chargée de l'information de l'ensemble des personnes travaillant sur le site sont sans influence sur la légalité de la décision attaquée.

Sur la désignation de l'autorité gestionnaire du site de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse (EITMM) :

7. Le syndicat principal des copropriétaires de l'EITMM et les quatre syndicats secondaires des copropriétaires de l'EITMM contestent également leur désignation, par l'arrêté du

8 avril 2013, comme autorité gestionnaire du site.

8. En donnant à l'autorité administrative la possibilité, de sa propre initiative ou à la demande des organisations syndicales de salariés, d'imposer l'élection de délégués du personnel aux entreprises de moins de onze salariés d'un même site lorsque la nature et l'importance des problèmes communs à ces entreprises le justifient et en prévoyant que les conditions de ces élections sont définies par accord entre l'autorité gestionnaire du site ou le représentant des employeurs concernés et les organisations syndicales de salariés, le législateur a également nécessairement donné le pouvoir à l'autorité administrative de désigner l'autorité gestionnaire du site ou le représentant des employeurs. L'article R. 2312-1 du code du travail donne compétence au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour prendre ces décisions. Dès lors, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France n'était pas compétent pour les désigner comme l'autorité gestionnaire du site de l'EITMM au sens des dispositions de l'article L. 2312-5 du code du travail.

9. Aux termes de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 : " La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile (...) Il établit, s'il y a lieu, et modifie le règlement de copropriété. / Il a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes (...) ". L'article 17 du règlement de copropriété de l'EITMM stipule que : " Le syndicat principal aura pour objet d'assurer la gestion, l'entretien et l'amélioration des parties communes générales ainsi que le fonctionnement des services communs à tous les lots ou à certains d'entre eux seulement qui seront situés dans les bâtiments différents ". L'article 18 du même règlement stipule que : " Chaque syndicat secondaire a pour objet d'assurer la gestion, l'entretien et l'amélioration interne du bâtiment auquel il se rapporte (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que les syndicats de copropriétaires du site de l'EITMM ont la responsabilité de la maintenance des bâtiments, qu'ils ont le pouvoir d'ordonner les travaux relatifs au désamiantage et qu'ils sont responsables de la mise en oeuvre du diagnostic technique amiante. Le syndic de copropriété, auquel ils ont confié l'ensemble de la gestion des bâtiments et des travaux ainsi que les relations avec les administrations, n'a en revanche pas reçu mandat pour représenter les syndicats de copropriétaires en qualité d'autorité gestionnaire, ainsi qu'il ressort de la lettre du 4 février 2013. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est allégué par les syndicats requérants, que l'une des entreprises du site pouvait être désignée comme le représentant des employeurs. Compte tenu de leur objet et de leurs missions, au nombre desquelles figure notamment la prévention des risques liés à la présence d'amiante dans les parties communes des bâtiments et eu égard à la nature des problèmes communs affectant le site de l'EITMM, les syndicats de copropriétaires du site pouvaient être regardés comme l'autorité gestionnaire du site au sens des dispositions de l'article L. 2312-5 du code du travail, alors même que la loi du 10 juillet 1965 n'a pas attribué de compétence en matière sociale aux syndicats de copropriétaires et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les syndicats requérants n'ont pas la qualité d'employeurs de salariés travaillant habituellement sur le site.

11. Enfin, les dispositions de l'article L. 2312-5 du code du travail n'empêchent pas de désigner comme l'autorité gestionnaire du site plusieurs personnes morales. En l'espèce, compte tenu de l'organisation de la collectivité des copropriétaires en un syndicat principal et quatre syndicats secondaires, de ce que ces derniers sont seuls en mesure de dresser la liste des occupants des bâtiments dont ils ont la charge et de ce que, comme il a été dit ci-dessus, les syndicats de copropriétaires ont refusé que le syndic de copropriété puisse avoir la qualité d'autorité gestionnaire du site, l'administration n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en désignant ensemble les cinq syndicats de copropriétaires comme l'autorité gestionnaire du site.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat principal des copropriétaires et les syndicats secondaires des copropriétaires des bâtiments A, B, C et D de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France du 8 avril 2013. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes du syndicat principal des copropriétaires et des syndicats secondaires des copropriétaires des bâtiments A, B, C et D de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat principal des copropriétaires de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, au syndicat des copropriétaires du bâtiment A (tour Montparnasse) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, au syndicat des copropriétaires du bâtiment B (centre commercial) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, au syndicat des copropriétaires du bâtiment C (tour CIT) de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, au syndicat des copropriétaires du bâtiment D de l'Ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Marino, président assesseur,

- Mme Dhiver, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2015.

Le rapporteur,

M. DHIVERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°s 14PA03299, 14PA03310, 14PA03313, 14PA03318, 14PA03343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03299,...
Date de la décision : 31/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-04-03-01 Travail et emploi. Institutions représentatives du personnel. Délégués du personnel. Organisation des élections.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : BARTHELEMY AVOCATS ; BARTHELEMY AVOCATS ; BARTHELEMY AVOCATS ; BARTHELEMY AVOCATS ; BARTHELEMY AVOCATS ; BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-31;14pa03299 ?
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