Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1315345 du 9 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a annulé ses décisions du 12 août 2013 obligeant Mme A...E...à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de trois mois à compter de la date de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur la nouvelle demande d'asile formée par M. E...et a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que ses décisions obligeant Mme E...à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination méconnaissaient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, d'une part, les démarches du mari de l'intéressée ont été entamées postérieurement aux décisions contestées et qu'antérieurement à la date du jugement attaqué, l'OFPRA avait débouté M. E...de sa demande de réexamen de sa demande d'asile par une décision du 16 décembre 2013 et d'autre part, Mme et M. E...ne justifient d'aucune circonstance les empêchant de poursuivre leur vie privée et familiale hors de France avec leurs enfants ;
- s'agissant des autres moyens soulevés par Mme E...en première instance, il renvoie la Cour à ses écritures présentées devant le Tribunal administratif de Paris ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2015, présenté pour Mme E..., par MeB..., qui conclut au rejet de la requête ;
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
Vu la décision du 9 octobre 2014 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris accordant à Mme E...l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2015 :
- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller,
- et les observations de MeB..., pour MmeE... ;
1. Considérant que MmeE..., née D..., ressortissante arménienne, née le 19 juin 1978 à Yervard, entrée en France selon ses déclarations le 20 février 2012, a sollicité le 12 juillet 2012, son admission au séjour dans le cadre des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 12 août 2013, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 9 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a annulé ses décisions obligeant Mme A...E...à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que, pour annuler la décision du préfet de police du 12 août 2013 obligeant Mme E...à quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi, les premiers juges ont estimé que le préfet de police avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'eu égard aux conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'exécution de celle-ci avant que l'OFPRA ne se soit prononcé sur la demande d'asile du mari de MmeE..., porterait, au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; que, toutefois, il ressort des pièces produites par le préfet de police pour la première fois en appel, en particulier de la décision de l'OFPRA du 16 décembre 2013, qu'à la date de la décision attaquée, cet Office avait rejeté comme étant manifestement infondée la demande de réexamen de la demande d'asile de M.E... ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal a annulé pour ce motif les décisions obligeant
Mme E...à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination :
En ce qui concerne les moyens communs aux deux décisions :
4. Considérant que, par un arrêté n° 2013-00003 du 4 janvier 2013 régulièrement publié le 11 janvier suivant au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à Mme F...C..., agent de la direction de la police générale à la préfecture de police, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent les décisions de refus de titre de séjour assorties d'une mesure d'éloignement et d'une décision fixant le pays de destination ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté, signé par MmeC..., manque en fait et doit être écarté ;
5. Considérant que les décisions contestées énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent ; que le préfet de police, qui n'a pas l'obligation de faire explicitement mention de l'ensemble des circonstances de fait justifiant sa décision, a ainsi suffisamment motivé celles-ci ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à l'examen particulier de la situation de MmeE... ;
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que les premiers juges ont rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de police refusant à Mme E...un titre de séjour ; que le jugement, qui n'est pas contesté sur ce point, est ainsi devenu définitif ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant que Mme E...a déclaré être entrée en France le 20 février 2012 ; qu'il ressort des pièces du dossier que son mari est en situation irrégulière sur le territoire français ; que si Mme E...soutient que ses enfants, nés en 2003 et 2008, sont scolarisés en France, il n'est pas démontré qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine ; que l'intéressée n'établit pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans ; que, dans ces conditions, eu égard notamment à l'entrée récente sur le territoire français de Mme E..., la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
11. Considérant que si Mme E...soutient que ses enfants, âgés de 5 et 10 ans à la date de la décision contestée, sont scolarisés en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, où ils sont nés ; qu'en l'absence d'obstacle avéré à ce que la cellule familiale de Mme E...se reconstitue en Arménie, le préfet de police n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de Mme E...en obligeant celle-ci à quitter le territoire français ; qu'au surplus, à la date de l'arrêté contesté, le conjoint de l'intéressée faisait également l'objet d'une décision d'éloignement édictée le 12 août 2013 par le préfet de police ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant doit être écarté ;
12. Considérant, enfin, qu'aucune des circonstances ci-dessus mentionnées n'est de nature à faire regarder la décision contestée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale des intéressés ;
En ce qui concerne le moyen dirigé contre la décision fixant le pays de destination :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
14. Considérant que MmeE... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle risque d'être emprisonnée en raison des activités politiques de son mari en faveur de l'ancien président de la République d'Arménie et que son mari est recherché par les autorités locales ; que l'intéressée, à qui il appartient d'établir la réalité des menaces qu'elle encourrait en cas de retour en Arménie, produit la copie d'une traduction d'une convocation à un interrogatoire adressée à son mari ; que, toutefois ce document, insuffisamment précis et établi le 12 août 2013, soit cinq ans après son départ d'Arménie et alors qu'il se trouvait en France, ne permet pas d'établir, ni même de fonder, de manière crédible, les craintes alléguées par MmeE... ; que, par ailleurs, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmé en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 19 juillet 2013, lui a refusé la qualité de réfugié ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions obligeant Mme A...E...à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 9 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par
Mme E...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
Mme Sirinelli, premier conseiller,
Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 juillet 2015.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
B. AUVRAYLe greffier,
A.-L.CHICHKOVSKY PASSUELLO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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14PA02073