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10/07/2015 | FRANCE | N°14PA05080

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 juillet 2015, 14PA05080


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1425090 du 3 novembre 2014 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions du 30 octobre 2014 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A...B...et décidant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal a

dministratif de Paris a annulé la décision refusant d'octroyer à M. B...un délai de départ vol...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1425090 du 3 novembre 2014 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions du 30 octobre 2014 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A...B...et décidant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision refusant d'octroyer à M. B...un délai de départ volontaire et la décision prononçant son placement en rétention administrative pour erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour estimer que les circonstances retenues à l'encontre de M. B... n'étaient pas suffisantes pour caractériser la menace à l'ordre public au sens des dispositions de l'article

L. 511-3-1, le premier juge a exercé un contrôle restreint de l'erreur manifeste d'appréciation et a ainsi commis une erreur de droit dès lors que le contrôle en la matière relève du contrôle normal du juge ;

- l'organisation de jeux de bonneteau sur la voie publique en présence de faux participants complices, dans le but d'inciter les passants à remettre des fonds, est constitutive de manoeuvres frauduleuses répréhensibles par le biais de l'escroquerie telle que sanctionnée par l'article 313-1 du code pénal ;

- M. B...a déjà fait l'objet d'un signalement pour les mêmes faits les 30 juillet et

4 septembre 2014 et a également appelé défavorablement l'attention des services de police le

25 juin 2014 pour violences volontaires aggravées et le 27 août 2014 pour vols ;

- M.B..., qui déclare vivre dans un camp à Montreuil, ne justifie d'aucune ressource ni d'aucune insertion dans la société française et n'apporte aucun commencement de preuve sur l'effectivité de la présence de sa concubine et de sa fille en France ;

- par ailleurs, la décision refusant d'octroyer à M. B...un délai de départ volontaire et celle décidant son placement en rétention administrative ont été prises par une autorité compétente et sont suffisamment motivées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée à M.B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de la sécurité intérieure ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2015 :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller ;

1. Considérant que, par un arrêté du 30 octobre 2014, le préfet de police a fait obligation à M.B..., ressortissant roumain né le 30 septembre 1978, de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a ordonné son placement en rétention administrative ; que, par un jugement du 3 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision refusant à l'intéressé un délai de départ volontaire et la décision le plaçant en rétention administrative ; que le préfet de police relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé ces deux décisions ;

Sur la légalité de la décision du préfet de police en date du 30 octobre 2014 refusant d'accorder à M. B...un délai pour quitter le territoire français :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2 Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 susvisée : " 1. Les citoyens de l'Union ont le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une période allant jusqu'à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l'exigence d'être en possession d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité. ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 27 de la même directive : " 1. (...) les Etats membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. (...) / 2. Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures. Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 dudit code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / (...) 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Tout citoyen de l'Union européenne (...) ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet (...) d'une mesure d'éloignement prévue au livre V " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal établi le 30 octobre 2014 par les services de police, que M. B...a été interpellé à Paris le 29 octobre 2014 dans le cadre d'une enquête de flagrance pour une infraction de tenue de jeux de hasard avec argent sur la voie publique, délit puni, en vertu de l'article L. 324-1 du code de la sécurité intérieure, de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende ; qu'il ressort en outre du rapport d'identification dactyloscopique produit par le préfet de police que l'intéressé avait déjà fait l'objet de deux signalements pour des faits similaires en juillet et septembre 2014 ainsi que deux autres signalements pour des faits de violences aggravées en juin 2014 et des faits de vols en août 2014 ; qu'ainsi, l'ensemble des faits commis par M. B...rendaient urgent son éloignement du territoire français ; que, par suite, le préfet est fondé à soutenir qu'il pouvait légalement, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser d'accorder à l'intéressé un délai pour quitter le territoire français ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision susmentionnée ;

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M.B... :

5. Considérant que, par un arrêté n° 2014-000739 du 1er septembre 2014, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 5 septembre 2014, le préfet de police a donné à M. C...D...délégation pour signer notamment les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant que la décision contestée, qui vise l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que le comportement de M. B...a été signalé par les services de police le 29 octobre 2014 pour organisation de jeu de hasard sur la voie publique, que l'intéressé représente une menace à l'ordre public et qu'il y a donc urgence à l'éloigner du territoire français ; que cette décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 30 octobre 2014 refusant d'accorder un délai à

M.B... pour quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision du préfet de police en date du 30 octobre 2014 plaçant M. B...en rétention administrative :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 30 octobre 2014 par laquelle le préfet de police a refusé d'accorder un délai à M. B...pour quitter le territoire français ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le premier juge a annulé, par voie de conséquence de cette annulation, sa décision du même jour décidant de placer l'intéressé en rétention administrative ;

9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision susmentionnée ;

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M.B... :

10. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2014-000739 du 1er septembre 2014, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 5 septembre 2014, le préfet de police a donné à M. C...D...délégation pour signer notamment les décisions ordonnant le placement en rétention administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger, et le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Un double en est remis à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement " ;

12. Considérant que si le requérant soutient que la décision prononçant son placement en rétention administrative est insuffisamment motivée, celle-ci indique que M. B...fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai prise le jour même, mentionne " l'impossibilité d'exécuter cette décision dans l'immédiat en raison des formalités nécessaires à l'organisation matérielle de la reconduite ", et précise qu'eu égard à la menace pour l'ordre public que représente l'intéressé, le bénéfice d'un délai de départ volontaire lui est refusé ; qu'ainsi, le préfet de police a suffisamment explicité les motifs sur lesquels il s'est fondé pour prendre la décision de placement en rétention administrative ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 30 octobre 2014 plaçant M. B...en rétention administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1425090 du 3 novembre 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Cheylan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.

Le rapporteur,

F. CHEYLAN Le président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA05080
Date de la décision : 10/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. BOISSY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-10;14pa05080 ?
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