Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1410143 du 15 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 28 février 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à
M. C...A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Le préfet de police soutient :
- que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler son arrêté en date du 28 février 2014 ;
- qu'en effet, si l'intéressé déclare être entré en France en 2004, il ne justifie ni de la date ni de ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français et n'a sollicité la régularisation de sa situation administrative qu'en juillet 2011 ;
- que si l'intéressé se prévaut d'un PACS conclu en 2012 avec Mme B...et de la naissance en France de leurs deux enfants, la vie commune avec sa partenaire n'est établie qu'à compter du mois d'octobre 2011 ;
- que l'intéressé ne justifie pas d'une insertion significative au sein de la société française puisqu'il n'exerce aucune activité professionnelle et ne démontre pas être dans l'impossibilité de se réinsérer dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans, et où demeurent... ;
- que l'intéressé n'établit pas non plus être dans l'impossibilité de poursuivre, en Côte d'Ivoire, sa vie familiale accompagné de sa partenaire, également de nationalité ivoirienne, de leurs enfants et de l'enfant français de MmeB..., né d'une précédente union ;
- que s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures devant le Tribunal administratif de Paris ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2015, présenté pour M. A... demeurant
..., par MeD... ; M. A...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Il soutient :
- que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- qu'en effet, les nombreux documents qu'il produit permettent d'établir sa résidence habituelle en France depuis 2004 ;
- que le préfet de police ne saurait lui opposer l'irrégularité de son entrée et de son séjour en France dès lors que cette circonstance ne s'oppose pas à la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- qu'il entretient une relation amoureuse stable depuis 2007, avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 31 juillet 2020, avec laquelle il a deux enfants nés en France ;
- que sa compagne est, par ailleurs, mère, d'une enfant de nationalité française, dont il s'occupe comme de sa propre fille ;
- que si ses parents et sa fratrie résident en Côte d'Ivoire, sa famille nucléaire réside en France ;
- que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;
- que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- que la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- que la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Vu la décision en date du 22 janvier 2015 par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a maintenu la décision en date du
5 mai 2014 accordant à M. A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2015 :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,
1. Considérant que M.A..., ressortissant ivoirien né le 9 septembre 1976, a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 28 février 2014, le préfet de police a opposé un refus à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement du
15 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que M. A...fait valoir qu'il réside en France depuis 2004, qu'il est pacsé depuis le 31 mai 2012 avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au
31 juillet 2020, avec laquelle il a eu deux enfants nés en France en 2010 et 2013 et que sa partenaire est, par ailleurs, mère d'une enfant française née en 2007, à l'éducation et à l'entretien de laquelle il participe ; que, toutefois, eu égard à leur nature et à leur nombre, les pièces produites au dossier ne permettent pas d'établir la résidence habituelle en France de M. A...depuis 2004 comme il le soutient ; que le pacte de solidarité dont il se prévaut était récent à la date de l'arrêté en litige ; que, nonobstant la naissance du premier enfant du couple le 15 janvier 2010, la communauté de vie de
M. A...avec sa partenaire n'est établie qu'à compter d'octobre 2011 ; qu'ainsi, compte tenu de la brièveté et des conditions du séjour en France de M.A..., la décision de refus de titre du
28 février 2014 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour prononcer l'annulation de l'arrêté litigieux ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A..., tant en première instance qu'en appel ;
Sur les autres moyens invoqués par M.A... :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
6. Considérant que la compagne de M.A..., mère d'une enfant française et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 31 juillet 2020, a vocation à rester en France ; qu'ainsi, alors même que les parents sont de même nationalité, M. A...est fondé à soutenir que la décision de refus de séjour l'obligeant à quitter le territoire français aura pour conséquence de séparer les deux enfants communs de l'un de leurs parents et qu'elle est, par suite, contraire à l'intérêt supérieur de ces enfants ; que, par suite, l'arrêté attaqué a méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de M. A...devant le Tribunal administratif et de sa requête en appel, que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 28 février 2014 refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a condamné l'Etat à verser au conseil de l'intéressé une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, où siégeaient :
Mme Driencourt, président de chambre,
Mme Mosser, président assesseur,
M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA04606